Depuis lundi, Credit suisse doit s'expliquer devant le Tribunal pénal fédéral (TPF) à Bellinzone sur la nature de ses relations avec un clan bulgare impliqué dans un trafic de cocaïne et de blanchiment.
Le procès, qui durera un mois, vise également quatre coaccusés: une ancienne conseillère à la clientèle de la banque, deux Bulgares et un collaborateur de Julius Baer qui avait démissionné pour se mettre au service du clan.
Blanchiment aggravé, faux dans les titres, soutien à une organisation criminelle, voici ce qui leur est reproché à tous.
Dès 2004, Credit suisse noue des relations d’affaires avec Evelin Banev, un Bulgare à la tête d'un réseau transportant de la cocaïne par dizaines de tonnes de l'Europe à l'Amérique latine. Une conseillère à la clientèle de la banque, d'une vingtaine d'années, lui est attitrée.
Ensemble, ils mettent en place un système destiné à blanchir une partie des fonds de l’organisation, comme l'explique Public Eye. De nombreuses sociétés offshore sont alors utilisées pour dissimuler leur origine criminelle.
De son propre aveu, jamais la banquière n'effectue de vérifications. Et naturellement, l'argent afflue.
Le 14 mai 2005, un associé d'Evelin Banev se fait tuer à Sofia. La presse locale vise le chef du trafic de drogue. Dans le même temps, une filiale de Credit Suisse octroie à Evelin Banev un prêt de dix millions d’euros quelques semaines après les faits.
Le département de Credit Suisse censé lutter contre le blanchiment d’argent en interne ne signale rien au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS). La banque assure ne jamais avoir été informée de ces accusations, tel que le rapporte Tribune de Genève.
Le 6 novembre 2007, deux banquiers suisses sont appréhendés par la police brésilienne dans le cadre d'une vaste opération menée sur quatre Etats de ce vaste pays.
Selon les autorités locales, ces derniers ont été envoyés sur place afin de recruter d'autres clients. Ils affirment avoir reçu l'autorisation de leur institution. Les sommes en jeu dépasseraient le demi-milliard de dollars, rapporte la Radio Télévision Suisse (RTS).
Une procédure est lancée en Suisse dès 2008 par le Ministère public de la Confédération (MPC). Celle-ci fait suite à une demande d'assistance judiciaire déposée l'année précédente par la Bulgarie.
En Suisse, les autorités estiment notamment qu'entre 2004 et 2007, l'organisation d'Evelin Banev a permis de blanchir plus de 70 millions de francs chez Credit Suisse ainsi qu'auprès d'une autre banque, Julius Baer. D'après les informations de la Tribune de Genève, le réseau du Bulgare de 58 ans au moment des faits passait notamment par Martigny, Genève et Montreux.
La question principale est alors de savoir si Credit Suisse a réellement pris toutes les dispositions nécessaires pour prévenir ce blanchiment d'argent?
A côté des quatre coaccusés, fin décembre 2020, le MPC dépose auprès du Tribunal pénal fédéral un acte d'accusation contre Credit Suisse. Le géant de la banque zurichois est accusé d'avoir accepté 55 millions de francs d'Evelin Banev et son entourage. On reproche également à la banque la participation ou le soutien à une organisation criminelle.
Les faits remontant à il y a près de quinze ans, la défense demande la prescription. Et celle-ci pourrait être menée à bien. En effet, si les juges retiennent le blanchiment simple, qui est prescrit après sept ans, l'ensemble des faits sera caduc et le procès se terminera en queue de poisson, après quinze ans d'enquête. En revanche, s'il y a blanchiment aggravé, les infractions postérieures à mars 2007 pourront être jugées.
C'est la première fois qu'une grande banque suisse comparaît devant le TPF. Jusqu’à récemment, le procureur général de la Confédération traitait ce type d’affaires par une procédure plus courte et derrière des portes closes.
Cette nouvelle transparence juridique survient alors que des durcissements à l’encontre des banques et des sociétés impliquées dans des faits de corruption et de blanchiment ont été mis en place fin 2016.
Le parquet fédéral devrait demander une créance de compensation évaluée à environ 42,5 millions de francs. L'amende ne devrait pas dépasser les cinq millions de francs.