«On a reçu pas mal de livraisons humides.» Steve Corminboeuf, directeur de Vaud Céréales SA, le dit à watson: «L'année céréalière s’annonce mauvaise.» En cause, les pluies incessantes de ce début d’été. Les champs d’orge ont commencé à être fauchés. La récolte est en retard d’une quinzaine de jours. Les rendements sont inférieurs à ceux de l’année dernière. «On est à 600-620 kilos par mètre cube, alors qu’on devrait être à 650-700 kilos», précise Steve Corminboeuf.
Le fauchage des blés aura lieu «quand il fera beau», se hasarde, ironique malgré lui, le patron de l’entreprise céréalière vaudoise, qui regroupe sept centres collecteurs, entre Grandson et Nyon. Comme pour l’orge, ses prévisions pour le blé sont à la baisse: environ 770 kilos par mètre cube, contre 850 kilos lors d’une «bonne année», ce qui fut le cas en 2020.
Cette différence de poids tient à la densité du grain, soit la quantité de matière se trouvant à l’intérieur de l’enveloppe. Plus la densité est élevée, plus le poids du grain l’est aussi. Or cette année, la densité de l’orge est en baisse comme le sera certainement celle du blé. Sur les 65 000 tonnes récoltées en moyenne par Vaud Céréales SA, 55% sont panifiables et en majeure partie constituées de blé, l’orge représentant quelque 10% du total.
Justement, à la quantité inférieure redoutée, s’ajoute un gros point d’interrogation lié à la qualité. Il y a risque de «déclassement», de grain panifiable à grain pour fourrage animal. Les prix s’en ressentiraient.
La «facture» causée par le temps exécrable de ces dernières semaines pourrait être plus sévère encore. L’humidité peut provoquer des effets indésirables, comme la fermentation sur pied ou l’apparition de moisissures sur les épis, ce qui rend le tout ou une partie de la récolte impropre à la consommation, celle des humains comme celle des animaux.
La récolte de colza est elle aussi en cours. «Je m’attends à une qualité plutôt médiocre, en raison des mauvaises herbes qui ont envahi les champs, ensuite à cause des ravageurs, les insectes», confie Steve Corminboeuf. «Si les assurances remboursent les agriculteurs assurés contre la grêle, et nous en avons eu des grêlons dans le canton de Vaud, elles ne sont d’aucun secours contre la mauvaise qualité du grain», souligne-t-il encore.
La paille aussi, souffre. «Après trois ou quatre jours sous la pluie, on ne sait pas si ça vaut encore la peine de la ramasser pour en faire des bottes», ajoute le directeur de la société céréalière vaudoise.
Plus gros producteur de céréales en Suisse avec le canton de Berne, Vaud est représentatif des tendances dans ce secteur. Pour l’instant, elles ne sont pas bonnes. En 2019, la Suisse a produit 928 000 tonnes de céréales. Le quota d’importation en catégorie panifiable est fixé à 70 000 tonnes. Il peut être ajusté à la hausse lorsque la production indigène est particulièrement basse ou de piètre qualité, comme cela avait été le cas en 2016 et 2014. Les dernières mauvaises années en date. Le prix du quintal (100 kilos) de farine avait alors augmenté de quelques francs.