Maraîcher dans le Seeland, le plus grand potager de Suisse, Rolf Etter n’a «jamais vu ça». Cette année, «il y aura 50% de rendement en moins», affirme-t-il. Les pluies parfois diluviennes de ces dernières semaines ont fortement dégradé son exploitation, 60 hectares qu’il partage avec deux associés. Avant cela, il a eu droit à la grêle. Les calamités se sont enchaînées et ne semblent pas devoir s’arrêter. «Cette semaine, c’est la semaine de pluie de trop», lâche-t-il, dépité.
Sur les terres qu’il travaille, les carottes, salades, fenouils, poireaux et autres brocolis ont pris cher. «Nous sommes en bio et nous devons sarcler les champs pour ôter les mauvaises herbes. Mais c’est impossible. Les champs sont gorgés d’eau, le tracteur s’enfonce, il saccagerait tout», explique Rolf Etter, âgé de 50 ans.
Les maladies dues à l’humidité menacent les légumes encore en terre. Le maraîcher de Chiètres (FR), dans la région des trois lacs – Neuchâtel, Bienne, Morat –, décrit la situation: «Je ne suis pas sûr d’obtenir quoi que ce soit avec les carottes. Les salades, notre spécialité, souffrent comme jamais. La croissance de tous les légumes est durement affectée. Nos pommes de terre risquent de pourrir».
Une chance dans son malheur: les terres de Bioleguma, la société codirigée par Rolf Etter, ne sont pas toutes situées dans le «marais», la partie du Seeland la plus basse, autrefois zone de marécage. Sinon, l'ensemble de la production serait perdu. Il n’empêche, sa situation n’est pas loin d’être catastrophique. Et puis, il n’est pas assuré contre la grêle. Or, une partie de ses maraîchages a été abîmée par les grêlons. «Pour 60 hectares de terres, l’assurance nous coûterait 120 000 francs, c’est trop», dit-il.
A l’extrémité Ouest du lac de Neuchâtel, dans la campagne d’Yverdon, Christophe Martin cultive cinq hectares en maraîchages, dont trois en serres. Comme Rolf Etter dans le Seeland, il ne peut que constater les dégâts: «Les grosses salades et choux prêts à être récoltés, ont éclaté», témoigne-t-il de son côté. «L’humidité, il n’y a rien de pire, les champs n’ont plus le temps de sécher», déplore ce maraîcher de 37 ans, qui a repris l’exploitation de son oncle en 2013.
Les cultures sous serres – tomates, aubergines, poivrons – sont relativement épargnées par rapport aux carottes, choux, céleris et salades cultivés à l’air libre. Mais sous serres, les légumes ne manquent pas moins de lumière et de chaleur, nécessaires à leur croissance et qui font défaut depuis plusieurs semaines.
Hormis des légumes, Christophe Martin cultive des fleurs et du maïs. Les fleurs ont pâti du mauvais temps au printemps et les parcelles plantées en maïs sont toutes inondées. «Je crains que tout ne soit perdu de ce côté-là», dit-il.
A Chiètres, Rolf Etter espère que les consommateurs feront preuve de compréhension face à l’aspect moins flamboyant que d’habitude de la marchandise vendue en magasin: «S’ils n’achètent pas nos produits, cela ne nous aidera pas», appréhende-t-il.
Justement, quelles répercussions dans le commerce? Un supermarché Migros a répondu à watson: «Nous connaissons depuis quinze jours des difficultés d’approvisionnement pour certains légumes, ce qui est tout à fait inhabituel à cette saison. Au lieu de nous fournir auprès de producteurs suisses, nous le faisons en Hollande pour les fraises, en Italie pour les brocolis, en Espagne pour les courgettes», explique le responsable d’un magasin de la marque orange. «Nous écoulons bien entendu ce que nous recevons de la production indigène, mais du fait de l’humidité accumulée, elle dure un peu moins longtemps.» Les prix, eux, n’ont pour ainsi dire pas bougé. Pour l’heure, «quelques centimes de plus», assure ce responsable.