«Ce sont les consommateurs qui réclament des fraises en hiver.» Voilà l'excuse que la grande distribution dégaine à chaque fois qu'elle doit justifier pourquoi elle vend massivement des fraises étrangères - notamment espagnoles - dès le mois de janvier. Lassée par cette rengaine, la Fédération romande des consommateurs (FRC) a décidé d'en avoir le cœur net.
Quinze mois d'enquête, 36 clients mystères et plus de 430 relevés chez Migros, Coop, Denner, Manor, Lidl et Aldi plus tard, le résultat est là. «Les distributeurs utilisent divers stratagèmes pour rendre ce fruit incontournable dès les premières semaines de l’année», écrit la FRC dans son long rapport. Pour cela, plusieurs techniques sont mises en œuvre. Entre mi-février et avril (soit avant la saison des fraises suisses), les baies étrangères sont notamment très fortement mises en avant à grand renfort de promotions dans les magasins.
«C'est malheureux que l'on fasse autant de publicité pour des fraises d'importation», réagit Christophe Stadler, producteur de fraises depuis trois générations à Meyrin (GE).
Paradoxalement, une fois la saison des fraises helvétiques arrivée (mi-mai), celles-ci sont moins mises en avant dans les grandes surfaces, pointe la FRC. Une stratégie qui sabre le marché pour les producteurs locaux selon Christophe Stadler. «Si les gens mangent des fraises étrangères durant deux mois avant, forcément ils sont moins attirés par les nôtres. S'ils en avaient vraiment envie, ils seraient prêts à mettre un peu plus d'argent au mois de mai.»
Car le nœud du problème est sans doute là. Avec un prix moyen de 16 frs/kg, les fraises locales coûtent deux fois plus cher que les baies espagnoles. «On a déjà mis en œuvre tout ce qu'on pouvait pour rationaliser les coûts. Faire moins cher, on n'y arrive plus», assure le maraîcher genevois.