«Il pleut, il fait super froid, il y a du vent. Personne ne va venir aujourd'hui. J'étais justement en train de réfléchir à fermer», confiait Sylvie Borella mercredi matin. Car la patronne du Café du Nord à Sion ne peut rien faire contre les aléas de la météo. Elle a bien un store en terrasse qui permet de protéger quelques tables des averses mais, en cas de bourrasques, elle est obligée de les rentrer.
La patronne souligne que la situation est compliquée pour tout le monde, autant pour elle que pour ses employés qu'elle doit parfois renvoyer à la maison faute de travail. «Au début, il y a la joie de retrouver les clients mais il ne faut pas que cela dure trop longtemps.» D'autant que Sylvie Borella a déjà dû fermer deux fois à cause des caprices du temps. «Ça me fait bizarre de prendre cette liberté. L'âme d'un bistrot, c'est d'être ouvert tout le temps.»
Difficile donc pour Sylvie Borella de s'organiser dans ces conditions. D'ailleurs, à la fin de la conversation, le soleil est de retour sur Sion et la patronne hésite à rester ouvert. Comme tous les jours et à l'image de la plupart de ses confrères, elle va encore passer beaucoup de temps à consulter la météo dans sa journée.
Pour s'éviter ce genre de dilemme, un de ses collègues sédunois a trouvé une solution qu'il a racontée au Nouvelliste: un groupe WhatsApp réunissant une cinquantaine de ses habitués. «En cas de mauvais temps, je leur demande si certains d’entre eux ont tout de même prévu de passer boire l’apéro. A partir de huit ou dix réponses positives, j’ouvre ma terrasse.»
«C'est hyper compliqué, confirme Yvette Koller qui gère le Campus Bar à Delémont. Lundi, il faisait beau, ça a bien marché mais mardi je n'ai eu qu'une seule personne. C'était impossible de manger dehors, tout refroidit très vite.»
Car la terrasse jurassienne est en plein courant d'air, à en croire sa patronne: «Tout s'envole, même les verres à bière. Ce midi, les jeunes se sont pris la salade dans la tête. Il y avait tellement de vent que les feuilles se sont envolées. Heureusement, ça les a fait rire.» L'humour, c'est d'ailleurs l'une des solutions trouvées par Yvette Koller qui souligne la nécessité de s'adapter face à la situation.
Pour améliorer la situation, la patronne réfléchit à créer une terrasse de l'autre côté de son établissement pour qu'elle soit au soleil et mieux abritée du vent. «Cette ouverture, ce n'est pas très équitable car il y a de grosses différences entre les terrasses», regrette Yvette Koller qui a décidé d'ouvrir, même à perte, pour le plaisir de retrouver ses clients.
A Aigle (VD), Christophe Gallay fait partie de ceux qui ont de la chance dans leur malheur. Le Michelangelo, sa pizzeria, possède une véranda qui s'ouvre sur le côté. «Il fait super froid mais les gens s'habillent en conséquence et viennent quand même. Au moins, on est à l'abri de la pluie», décrit-il.
Dans son cas, les finances sont meilleures que quand son établissement était entièrement fermé. «Cela marche bien surtout le week-end mais on n'est pas encore revenu au niveau d'avant. Est-ce qu'on arrive à payer les employés à 100%? Je ne suis pas sûr.»
Les employés de la restauration font justement partie des oubliés de cette pandémie selon Christophe Roduit, associé au sein du Café Grancy, de la Brasserie de Montbenon et du Café Saint-Pierre à Lausanne. «On s'inquiète beaucoup pour eux, cela fait bientôt un an qu'ils touchent seulement 80% de leur salaire», pointe-il.
Lui aussi a sa petite astuce face aux caprices de la météo: les barquettes pour emporter son repas et le finir au sec à la maison sont toujours prêtes en cuisine. Il a aussi décidé de réduire drastiquement sa carte pour faciliter la gestion des stocks et limiter les pertes. «On se fait beaucoup de cheveux gris mais c'est génial de retrouver notre clientèle. Ils font l'effort de manger dans des conditions vraiment pas faciles.»
Si Christophe Roduit a décidé de remettre ses équipes au travail, c'est surtout pour éviter de «s'encroûter». «C'est cool de pouvoir gagner des sous nous-mêmes plutôt que de toujours demander à la Confédération.» Même s'il souligne que ses établissements sont plutôt bien lotis, le responsable confirme que la situation n'est pas vraiment équitable. «Pour nous, le bilan financier est neutre parce qu'on a la chance d'être assez abrité mais d'autres restaurateurs, c'est clair qu'ils y perdent.»