2000 francs maximum par ménage en mal de revenus. Voilà la prestation de la dernière chance que le Tessin introduira dès le 1er mars prochain. Ce soutien temporaire - en vigueur jusqu'au 30 juin 2021 pour le moment - a pour objectif de voler au secours de tous ceux qui sont impactés économiquement par la pandémie de Covid-19 et qui ne bénéficient ni du chômage, ni d'aucune autre aide financière.
Une mesure saluée par le conseiller national (PS/VD) Samuel Bendahan. «La réflexion n'est pas nouvelle, c'est une revendication du parti socialiste depuis le début de la crise, mais c'est courageux de la part du Tessin de la mettre en place. Cela coûte cher et ils sont seuls pour y faire face», analyse l'économiste tout en invitant les autres cantons à s'inspirer du procédé.
L'élu déplore la situation actuelle où certaines personnes se retrouvent dénuées de revenu à cause de la pandémie. «Ils passent entre les mailles du filet social car ils ne correspondent pas aux critères et c'est scandaleux qu'ils n'aient droit à rien», regrette-t-il.
Politologue à l'Université de Lausanne, Oscar Mazzoleni abonde: «Les soutiens traditionnels de l'Etat ne sont pas nécessairement adaptés face à des situations exceptionnelles comme celle-ci.» D'après lui, l'initiative tessinoise est une tentative de limiter les dégâts dans l'un des cantons les plus touchés par la pauvreté. «Ceux que l'Etat ne va pas protéger en ce moment seront de toute façon dans une situation difficile par la suite ce qui risque de se répercuter sur l'aide sociale.»
Même s'il approuve le soutien tessinois, le politologue rappelle que les sommes évoquées ne sont pas suffisantes pour résoudre tous les problèmes. «Le montant attribué est inférieur au seuil de pauvreté», pointe-t-il. À ses yeux, la situation exceptionnelle que nous traversons mérite des mesures exceptionnelles: «Autant la réaction des autorités a été assez rapide au début, autant, depuis quelques mois, je ne suis pas convaincu que la réponse soit à la hauteur des enjeux.»
Des propos qui trouvent écho auprès de Samuel Bendahan. Le vice-président du Parti socialiste prône une solution fédérale mais a bien conscience de la difficulté de la mettre en place. «Il est très difficile d'obtenir des accords sur ces enjeux-là car il y a de gros débats gauche-droite», confie-t-il. L'élu espère donc que la pression populaire s'accentue sur ces questions-là: «Quand les gens n'ont pas de quoi vivre, il faut sonner les cloches de ceux qui décident.»
D'autant qu'il est persuadé qu'un soutien financier étendu au plus grand nombre permettrait de calmer une partie de la grogne populaire concernant la réouverture des commerces. «Si vous savez que vous avez de quoi manger, vous pouvez réfléchir de manière plus scientifique à la pandémie.»
Mais la Suisse a-t-elle les moyens de mettre en place un tel système? «S'il y a bien un pays qui a l'argent pour le faire, c'est le nôtre. D'autres font beaucoup plus alors qu'ils ont beaucoup moins», assure le conseiller national socialiste en pointant les 100 milliards de réserves de la Banque nationale suisse ainsi que la possibilité pour la Confédération, sous endettée, d'emprunter à des taux négatifs et donc d'être payée pour ça.
Du côté du PLR, Philippe Nantermod comprend la volonté tessinoise de venir en aide à tous. «Dans la mesure où elle reste limitée dans le temps, je trouve que cette formule est assez adéquate. Malgré les différentes mesures prises par les autorités, certaines personnes passent malheureusement encore entre les mailles du filet», détaille le conseiller national (PLR/VS).
Il souligne toutefois que l'aide sociale traditionnelle est mieux conçue car elle tient compte de la situation concrète de chacun. D'ailleurs, aux yeux du vice-président du PLR, les initiatives de ce type doivent pourtant rester de la compétence des cantons et limitées financièrement. «Ce n'est pas une question de moyens, c'est une question de justice. Je trouve profondément injuste que quelqu'un gagne mieux sa vie sans travailler et sans avoir cotisé que ceux qui travaillent durant la pandémie.»