Est-ce l'ivresse du pouvoir après exactement 12 ans au gouvernail? Ou le sentiment d'évoluer dans un système tellement bien huilé qu'elle pouvait s'octroyer toutes les largesses sans coup férir? La directrice de la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS est dans la tourmente. Des soupçons d’irrégularités financières pèsent sur elle. Le rapport de confiance ayant été rompu, le gouvernement vaudois a pris la décision de la licencier avec effet immédiat, mercredi dernier. watson a mené l'enquête et vous en dit un peu plus sur ce qui a causé la perte de la patronne de la caisse.
Comme l'a signalé jeudi la conseillère d'Etat Rebecca Ruiz, le gouvernement a transmis l'affaire au Ministère public. L'instruction vient à peine d'être ouverte. Selon nos investigations, la directrice avait des notes de frais pharaoniques. «Je sais que lors d'une représentation nocturne à Lausanne, elle a dormi dans un hôtel où une nuitée coûte plus de 300 francs alors qu'elle est domiciliée sur la Riviera vaudoise», renseigne une source. D'autres exemples illustrent le train de vie dispendieux de la cheffe de cette caisse publique (qui n'est pas subventionnée par l'Etat): la luxueuse voiture de fonction, des repas dans un restaurant gastronomique vaudois avec une facture de plusieurs milliers de francs.
Mais comment de telles notes de frais ont pu être validées? Pourquoi ni les services financiers ni les ressources humaines, ni l'organe d'audit externe à la Caisse cantonale de compensation AVS n'ont rien trouvé à redire malgré les montants manifestement exagérés qui étaient en jeu? «Ce sera au Ministère public de déterminer ce qui s'est passé et s'il y a infraction pénale ou pas. Pour l'instant, la présomption d'innocence doit prévaloir», a réagi Julien Cuérel, syndic de Baulmes et membre du Conseil d'administration de l'institution.
«Les membres de la direction ont reçu une offre de disposer d'une voiture de fonction. Certains ont refusé», témoigne une employée ayant requis l'anonymat. Selon nos informations, plusieurs collaborateurs ont dénoncé «le train de vie et l'autoritarisme de la directrice». D'après nos investigations, un carnotzet a également été construit dans les locaux de l'institution à Vevey, à l'occasion de la Fête des vignerons. Là aussi, des soupçons de surfacturation planent. Nos sources articulent des montants de centaines de milliers de francs.
En attendant que l'enquête en cours détermine la responsabilité des uns et des autres, les cinq membres de la direction de la caisse sont suspendus. «Leurs bureaux ont été mis sous scellés», témoigne un collaborateur.
Quelle est la responsabilité du conseil d'administration dans cette gestion nébuleuse? «A partir de 2019, nous avons commencé à avoir des doutes liés à la gouvernance du développement d'un nouveau logiciel informatique. Mais avec le semi-confinement et les visio-conférences qui ont suivi, c'était difficile de procéder à des vérifications», justifie Julien Cuérel. Autre fait qui interpelle: la directrice siège dans une vingtaine de conseils d'administration gravitant pour l'essentiel autour de l'immobilier.
Contacté vendredi, le Ministère public vaudois a réagi. «L’instruction a été ouverte pour gestion déloyale des intérêts publics. Les investigations se poursuivent sans que le Ministère public soit dans une des situations prévues par les dispositions légales pour communiquer au-delà de ce qui l’a été jusqu’ici», a déclaré le procureur général Eric Cottier.