Les mots utilisés dans le droit canonique sont pleins d'onction:
Cette abstinence est pourtant un mythe. Depuis que le célibat a été inscrit dans le droit canonique, en 1139, il a été notoirement violé. Un exemple: lorsque Saint-Charles-Borromée (1538-1584) a visité la Suisse en 1570, le curé d'Altdorf lui a, par exemple, présenté sa famille de huit enfants.
Bien plus dramatiques que cet exemple du 16ᵉ siècle sont les ruptures de célibat qui secouent ces jours-ci l'Eglise catholique en Suisse. La semaine dernière, des historiennes et historiens de l'Université de Zurich ont présenté une étude. Ils ont documenté 1002 cas d'abus sexuels dans toute la Suisse pour la période allant de 1950 à aujourd'hui.
Les auteurs étaient généralement des prêtres, les trois quarts des victimes étaient mineures, plus de la moitié des personnes concernées étaient de sexe masculin. Les enfants de choeur et les servantes d'autel, par exemple, étaient particulièrement exposés.
Chaque fois que des scandales d'abus font la une des journaux, l'appel à l'abolition du célibat se fait entendre, y compris de la part du clergé.
Ces mots sont ceux de Stefan Loppacher, directeur du comité d'experts «Abus sexuels dans le milieu ecclésial» de la Conférence des évêques suisses, dans une interview accordée au Boten der Urschweiz.
Mais l'interdiction du sexe par l'Eglise a-t-elle un effet causal sur les abus? Martin Killias, professeur émérite de droit pénal, s'est toujours penché sur la question au cours de ses activités de recherche: quels sont les mécanismes qui favorisent ces comportements criminels?
En ce qui concerne le célibat, le criminologue est formel: cette règle attire un nombre supérieur à la moyenne d'hommes qui ne sont pas intéressés par des relations sexuelles avec des femmes. C'est pourquoi le nombre d'hommes attirés par des mineurs augmente proportionnellement parmi les prêtres. Attention, il précise:
Le célèbre expert médico-légal Frank Urbaniok s'exprime dans le même sens dans une interview accordée à CH Media.
Martin Killias rassure: «La plupart des prêtres font leur travail avec dévouement et se comportent correctement». Il ne s'agit pas de diffamer en bloc le clergé catholique. Mais le célibat est un facteur de risque. Les résultats d'études menées en France sont intéressants. Ils montrent que les mineurs sont bien plus souvent victimes d'abus dans l'environnement de l'Eglise catholique qu'à l'école, dans les clubs de sport ou dans d'autres religions.
Des études internationales démontrent même qu'au cours des 70 dernières années, environ 4 à 7% des prêtres catholiques ont commis des abus sur des mineurs. Sur cette toile de fond également, Stefan Loppacher part du principe qu'en Suisse, entre 1950 et aujourd'hui, environ 10 000 à 15 000 personnes ont été victimes d'abus de la part de clercs et d'autres employés de l'Eglise – selon une estimation prudente, comme il le souligne.
Comme nous l'avons déjà mentionné, le précepte du célibat a été transgressé à maintes reprises. Autrefois, les contacts sexuels de prêtres avec des femmes faisaient parler d'eux parfois avec humour. Aujourd'hui, ce sont les contacts avec des mineurs de sexe masculin qui dominent – ce qui reflète le rôle du célibat dans le choix de la profession.
Autrefois, de nombreux hommes étaient poussés vers le sacerdoce par leur famille, notamment parce qu'ils n'avaient souvent guère de perspectives professionnelles équivalentes.
A la fin du 19e siècle, le jésuite italien Carlo Maria Curci qualifiait le célibat de «plaie puante» au vu des nombreuses transgressions. En 1990, l'ancien bénédictin Richard Sipe a démontré, après avoir interviewé un millier de prêtres, que plus de la moitié des prêtres catholiques rompaient le célibat d'une manière ou d'une autre. Dans l'Eglise grecque-catholique, les hommes peuvent se marier.
Dans l'émission du samedi de la SRF, l'évêque de Coire Joseph Bonnemain a déclaré:
Mais toutes les tentatives visant à abolir l'interdiction des relations sexuelles pour les prêtres catholiques se sont jusqu'à présent fracassées sur le rocher romain du pape. (aargauerzeitung.ch)
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)