Le logo de la Confédération est typiquement suisse: discret et relativement traditionnel. Il comprend les armoiries et l'inscription «Confédération suisse» dans toutes les langues nationales. Il y a 20 ans, le Conseil fédéral a choisi ce «corporate design» qu'il a introduit dans toute l'administration fédérale. Cette décision a sonné la fin de la grande variété de logos existant jusque-là.
Ce projet peut paraître simple, mais il a coûté une fortune. L'introduction de ce design officiel a coûté 25 millions de francs, principalement pour l'adaptation des systèmes informatiques. Mais selon le Conseil fédéral, l'uniformisation a permis d'économiser sept millions de francs par an, car chaque office fédéral n'a plus besoin de gérer son image de marque.
Jusqu'à présent, l'armée suisse se présentait, elle aussi, avec cette sobriété. Mais la direction de l'armée n'est plus satisfaite de cette image et cherche une nouvelle identité visuelle. Elle a donc développé un nouveau design avec l'agence de relations publiques Farner et l'entreprise de gestion de marque Frontify.
Ce processus coûte 260 000 francs. A cela s'ajoutent des frais de licence annuels de 30 000 francs pour une plateforme Frontify qui héberge les différents modèles du design.
Pour l'instant, la nouvelle identité de marque est tenue secrète. Une porte-parole de l'armée ne donne que cette indication:
Nous avons néanmoins eu accès aux ébauches du nouveau design. Selon celles-ci, l'armée conservera les armoiries suisses, mais les redessine. Le bouclier Helvetia, tel qu'il figure sur les pièces de 50 centimes ainsi que sur les pièces d'un et deux francs, servira de modèle.
Un poster a été dévoilé lors d'une présentation interne: l'écusson flotte au-dessus d'une pièce de deux francs et les deux objets sont reliés par un faisceau lumineux. L'armée veut-elle se présenter comme gardienne de l'argent liquide? Non, le lien avec la figure allégorique féminine Helvetia représente plutôt une déclaration en faveur de la promotion des femmes.
A côté des armoiries, on peut lire: «Schweizer Armee, Armée Suisse, Esercito Svizzero» – le romanche a été oublié. C'est une erreur: à l'avenir, toutes les langues nationales seront prises en compte.
Quatre valeurs résument la nouvelle identité visuelle: la fierté, la discipline, le courage et l'unité. Ces termes montrent la direction que veut prendre l'armée suisse dans ses relations publiques. La défense nationale doit à nouveau être associée à des émotions.
La première série de photos qui accompagne la nouvelle présentation correspond bien à cet objectif. Les images montrent un exercice spectaculaire du bataillon de grenadiers 20, qui fait partie du détachement des forces spéciales. Ces unités d'élite posent avec des fusils d'assaut spéciaux que les soldats ordinaires ne reçoivent pas – ils symbolisent le côté cool de l'armée. Le photographe a en outre donné aux photos un aspect hollywoodien en les retouchant manuellement. Les photos semblent tout droit sorties d'un film de guerre, sombres et dramatiques.
Afin de sensibiliser les troupes à cette nouvelle identité, l'armée a demandé à ses professionnels de la communication de créer des vidéos qui mettent les nouvelles valeurs en scène. La meilleure vidéo sera récompensée par un vol en hélicoptère.
Et ce n'est pas tout. Pour souligner la modernité de l'armée, une image du fondateur d'Apple, Steve Jobs, a été projetée à l'écran durant la présentation. Le chef de la communication a ensuite prononcé le légendaire slogan «One more thing» et a annoncé une nouvelle app militaire. Certains auditeurs ont été gênés par ce verbiage de relations publiques et ne se sont pas reconnus dans cette identité.
La nouvelle image de l'armée pourrait également causer des problèmes au sein de l'administration fédérale. La Chancellerie est chargée de veiller au respect du logo de la Confédération. Les exceptions ne sont possibles que si elles sont autorisées par la Conférence des secrétaires généraux. Or, jusqu'à présent, l'armée n'a pas déposé de demande en ce sens.
Dans une analyse interne, le service juridique du Département de la défense argumente que l'armée ne fait pas partie de l'administration fédérale et n'est donc pas soumise au corporate design. C'est probablement pour cette raison qu'elle ne juge pas nécessaire de demander une exception.
La Chancellerie fédérale voit les choses différemment. Sur sa liste de toutes les exceptions accordées, figure le Ministère public de la Confédération, alors qu'il ne fait clairement pas partie de l'administration fédérale en raison de son indépendance. Et pourtant, une décision de la Conférence a été nécessaire pour approuver sa présentation indépendante.