Un million de tonnes de CO₂ par an. C'est la quantité de gaz à effet de serre émise par les pompes à chaleur de deux millions de maisons individuelles, la même quantité a été rejetée par deux cimenteries suisses argoviennes, en 2021. C'est ce qui ressort du registre des polluants «SwissPRTR», récemment mis à jour.
Les émissions de dioxyde de carbone de l'usine Holcim de Siggenthal, en Argovie, se sont élevées à 515 600 tonnes. C'est 1,7% de moins que l'année précédente. Jura Cement à Wildegg, également en Argovie, a émis 489 100 tonnes de CO₂, soit 0,6% t de plus que l'année précédente.
Ensemble, ils sont responsables d'un quart de toutes les émissions de CO₂ de leur canton. Ils sont en outre les plus gros émetteurs de Suisse. La NZZ, dans un reportage réalisé dans l'usine de Siggenthal, titrait:
Mais ces entreprises ont du mal à réduire les émissions. Holcim a réussi à les baisser de 16% en dix ans. Mais ça s'est arrêté là: en 2020 et 2021, les émissions étaient à nouveau supérieures à la valeur de 2019.
Chez Jura Cement, les émissions de CO₂ ne sont que de 2% inférieures à ce qu'elles étaient dix ans auparavant et elles ne baissent plus depuis longtemps. A l'échelle nationale, les choses sont allées plus vite: les émissions de CO₂ de l'ensemble de la Suisse ont baissé de 21% entre 2013 et 2020 pour atteindre 34 millions de tonnes.
Le principal composant du ciment est le clinker. Sa production génère d'énormes quantités de CO₂, car le calcaire est transformé en chaux vive. Deux tiers des émissions liées à la production de ciment proviennent de ce processus. La seule façon de réduire ces émissions? Produire moins de clinker.
Interrogés sur la lenteur de la baisse des émissions de CO₂, Jura Cement et Holcim soulignent cette difficulté. Une porte-parole de Holcim fait savoir que la production de clinker a diminué d'environ 15% au cours des 15 dernières années, alors que la quantité de ciment produite est restée stable.
A Siggenthal, cela représente plus de 900 000 tonnes de ciment par an. Holcim affirme avoir économisé plus de 30% d'émissions de CO₂ par tonne de ciment depuis 1990.
Jura Cement a continuellement augmenté sa production: elle s'élève à environ 800 000 tonnes par an à Wildegg. Une porte-parole indique que Jura Cement travaille depuis des années et avec succès à la réduction des émissions par tonne de ciment. Un ciment à base d'argile calcinée sera prochainement mis sur le marché, avec la valeur de CO₂ la plus faible de tous les ciments existants.
Un autre levier est la forte consommation d'énergie dans la production. Les combustibles fossiles — charbon en tête — sont peu à peu remplacés par des alternatives moins productrices de CO₂, comme les huiles usagées, les boues d'épuration et les pneus usagés.
Selon la porte-parole de Holcim, il faut davantage de combustibles alternatifs et une meilleure efficacité énergétique des installations. Le groupe prévoit un grand projet à cet effet. Selon ses propres indications, Jura Cement utilise à Wildegg près de 90% de combustibles alternatifs.
Selon l'expert en protection du climat Patrick Hofstetter du WWF, les cimentiers n'investissent pas assez dans une production plus respectueuse de l'environnement:
Dans l'ensemble, l'industrie poursuit une stratégie de petits pas. Patrick Hofstetter insiste pour que le rythme soit plus soutenu: les cimenteries doivent réduire leurs émissions à un niveau proche de zéro d'ici 2030, et non pas d'ici 2050.
Une solution possible est de capter le CO₂ et de le stocker par la suite. Il plaide pour que les cimenteries mettent rapidement en œuvre cette mesure et que la politique veille à ce que les importateurs soient traités sur un pied d'égalité, car le captage du CO₂ est coûteux. Le responsable du climat du WWF suisse estime que le prix du ciment pourrait ainsi doubler. Il y voit un avantage: moins de ciment serait utilisé inutilement. Aujourd'hui, le prix du ciment est tellement bas que les planificateurs de construction n'ont pas besoin de calculer la quantité dont ils ont réellement besoin.
Les technologies de captage du CO₂ ne sont que partiellement disponibles. De plus, l'infrastructure de transport et de stockage fait défaut. Il ne faut pas s'attendre à des progrès rapides.
Il y a, toutefois, une «bonne nouvelle» pour un polluant cancérigène, qui est le benzène. Jura Cement ne dépasse pratiquement plus la valeur limite. L'entreprise a fait la une des journaux parce que l'usine de Wildegg a rejeté plus de benzène que la limite autorisée pendant 172 jours en 2017.
Le canton d'Argovie a ordonné un assainissement et l'entreprise a dû adapter son installation. Cela a porté ses fruits: selon Heiko Loretan, du département cantonal de l'environnement d'Argovie, la valeur limite du benzène a encore été dépassée au maximum trois jours par an au cours des quatre dernières années.