Le rectorat de l’Université de Genève (Unige) avait affirmé qu’il porterait plainte après des violences ayant empêché la tenue d’une conférence, le 17 mai, dans ses murs. Non seulement la plainte n’a toujours pas été déposée, mais il est plus que probable qu’elle ne le sera pas. Une solution à l’amiable devrait être trouvée. «Des discussions sont en cours avec la faîtière des étudiants, la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s (CUAE)», confie à watson le directeur de la communication de l’Unige, Marco Cattaneo.
Rappel des faits. Le 17 mai, une vingtaine d’activistes de la cause trans, portant des masques, ont fait irruption avec violence dans la pièce où venait de démarrer une conférence du Français Eric Marty. Ce professeur à l’Université Paris-Diderot présentait son dernier livre, Le sexe des modernes, jugé «transphobe» par les perturbateurs. Le 29 avril, une précédente conférence, organisée dans l’enceinte de l’Unige par la Société suisse de psychanalyse, avait connu le même sort, pour les mêmes raisons. Deux femmes psychanalystes, Caroline Eliacheff et Cécile Masson, auteures de La Fabrique de l'enfant-transgenre, devaient prendre la parole.
Le dépôt d'une plainte n'étant plus d'actualité, sur quoi le rectorat et le syndicat étudiant CUAE négocient-ils à présent?
Cet accord devrait engager la «communauté universitaire», autrement dit, «le corps professoral, les étudiants, le personnel administratif et technique», énumère le directeur de la communication de l’Unige. «La meilleure sortie de crise possible c’est de se retrouver autour de ces valeurs-là», assure ce dernier.
«Les pourparlers ont lieu avec la CUAE et des associations, certaines en défense des manifestants, certaines en défense de l’Université», précise Marco Cattaneo.
Renoncer à la plainte, n’est-ce pas donner raison à l'usage de la violence? «Pas si l’accord réaffirme la prépondérance de la liberté académique», estime le porte-parole de l’Unige.
Marco Cattaneo espère qu’une solution négociée sera trouvée avant les vacances d’été. «Il faut éviter que les choses s’enlisent», dit-il.
L’accord, s’il y a accord, fera-t-il l’objet d’un engagement écrit ou seulement oral de la part du syndicat CUAE, situé à gauche, qui avait apporté son soutien aux violences activistes et qui avait dans le même temps demandé au rectorat de renoncer à sa plainte? Marco Cattaneo ne répond pas clairement sur ce point, dont on comprend qu’il doit faire partie des «discussions» en cours.
Joint au téléphone par watson, le professeur Eric Marty, dont la conférence empêchée du 17 mai est au cœur des pourparlers entre le rectorat et la CUAE, estime qu’«un simple accord oral n’engagerait pas le syndicat étudiant à grand-chose», qu’un accord écrit aurait une portée plus importante.
Eric Marty n’envisage pas de porter plainte de son côté, «c’est trop de contraintes, en temps et en argent», dit-il.
L’Université de Genève et la CUAE vont-elles signer une resucée de la Paix du travail de 1937 à usage universitaire? Pour rappel, en 1937, les associations patronales renonçaient au lock-out (la fermeture d’usines), quand, de leur côté, les syndicats de la métallurgie et de l’horlogerie renonçaient à la grève.
La CUAE (qui n'a pas répondu à nos sollicitations) acceptera-t-elle de se modérer? A l'inverse, le rectorat, en entrant dans une négociation sous couvert de réaffirmation de la liberté académique, n'est-il pas en train de faire le jeu des censeurs?