Dix-huit semaines de congé pour chaque parent: c'est ce que demande jeudi l'initiative «Congé familial» d'une large alliance pour faire face à la pénurie de main-d'oeuvre et favoriser la cohésion intergénérationnelle.
«Un pays qui veut des enfants et de la main-d'oeuvre qualifiée doit investir dans la conciliation entre travail et famille», a lancé la co-présidente d'Alliance F et députée Kathrin Bertschy (PVL/BE) devant les médias. Et pour cela, il faut de bonnes conditions-cadres, a poursuivi le conseiller national centriste Dominik Blunschy (SZ).
Or, en matière de parentalité, la législation actuelle renforce les modèles traditionnels, la présidente des Vert-e-s Lisa Mazzone a déploré:
«Plus de 10% des femmes quittent le marché du travail après leur première maternité. Elles mettent en moyenne cinq ans à y revenir, et seulement à un taux d'occupation moyen de 40%», a-t-elle continué. Le taux d'occupation des pères n'a lui quasiment pas changé en 30 ans.
Pour que la garde des enfants et le ménage soient aussi une affaire d'homme, il faut une égalité de traitement, a poursuivi la Genevoise. Il ne suffit pas de demander aux parents d'augmenter leur temps de travail.
L'alliance, regroupant des représentants des milieux économiques, sociaux et politiques et des membres du Centre, des Vert-e-s, du PVL, d'Alliance F et de Travail.Suisse, propose de remplacer l'assurance maternité et le congé paternité par un congé familial de 18 semaines pour chaque parent.
Ce congé est non transmissible et doit être pris successivement. Quatre semaines peuvent être prises en même temps. Le congé est payé par les allocations pertes de gain (APG). Afin que les revenus les plus bas n'y renoncent pas pour des raisons financières, ces salaires doivent être compensés à 100%.
Selon les expériences des autres pays, cela permet d'augmenter la participation des mères au marché du travail et l'implication des pères dans la vie familiale, estime l'alliance.
La situation démographique actuelle entraîne des déséquilibres financiers, ajoute-t-elle. La population suisse vieillit. Et les naissances ne suffisent pas à remplacer les départs à la retraite.
Le taux de naissance est tombé à un niveau historiquement bas de 1,3 enfant par femme, qui ne suffit pas à assurer la relève sur le marché du travail. Cela aura des conséquences économiques et sociales importantes, a rappelé Blunschy. La pénurie de main-d'oeuvre continuera à s'aggraver. Environ 500 000 employés qualifiés manqueront d'ici 2030 en Suisse.
Aux yeux de l'alliance interpartis, un congé parental représente bon nombre de bénéfices: pour la société, pour les PME, pour les parents et pour les finances fédérales et cantonales.
Un tel congé est un pas vers une égalité des genres et une meilleure conciliation entre vie familiale et professionnelle. Il permet une répartition plus équitable des tâches familiales. Et le retour à la vie active est facilité pour les mères lorsque le partenaire s'occupe de l'enfant, a avancé Adrian Wüthrich, président de Travail.Suisse. Elles souffrent moins du stress et de burn-out.
Les pères peuvent aussi davantage s'engager dans la vie familiale et apporter un soutien important aux mères. Leur présence au cours des premiers mois est importante pour le développement de l'enfant.
Les PME et les régions rurales bénéficient également de l'introduction d'un congé national. Les grandes entreprises des centres urbains peuvent actuellement offrir des conditions de travail plus attrayantes et favorables à la famille, notamment grâce à des congés maternité et paternité plus longs. Mais les PME ne peuvent pas rivaliser et sont laissées pour compte, a souligné Blunschy.
Un congé financé en commun crée des chances équivalentes pour les PME. Il leur assure une sécurité de planification et permet aux mères de reprendre plus rapidement le travail à des taux d'occupation plus élevés.
Selon une étude commandée par l'alliance à Ecoplan, le congé familial coûterait un milliard par an. Mais «cet investissement en vaut la peine», a assuré Kathrin Bertschy.
Chaque année, 2500 postes à plein temps supplémentaires seront créés. Ce sont les mères qui reprennent plus vite leur travail. Une partie d'entre elles pourront augmenter leur temps de travail après une naissance et faire carrière.
Elles cotiseront davantage aux assurances sociales et payeront plus d'impôts. Ainsi, les investissements sont refinancés après 20 ans.
Le lancement de l'initiative et la récolte des signatures auront lieu au printemps prochain. L'alliance est soutenue par six partis. (jah/ats)