Le feuilleton continue. Après le retrait de la plainte du Conseil administratif de la Ville de Genève contre les manifestants qui ont cassé une route au marteau-piqueur mercredi dernier, Léman Bleu a révélé ce jeudi 30 juin que le conseiller municipal MCG Daniel Sormanni a déposé une dénonciation pénale à l'encontre de la conseillère administrative Frédérique Perler, du parti Les Verts. Avec trois chefs d'accusation:
Les manifestants en question avaient entrepris cet acte en signe de protestation pour plus de verdure dans le quartier des Pâquis. Or, la membre de l'exécutif Frédérique Parler, du parti Les Verts, était au courant de l'action qui allait être menée et l'avait même validée de manière informelle, révélait la RTS ce lundi 27 juin.
La raison du retour en arrière de la Ville tient à une forme de mea culpa de la part de l'élue. Celle-ci a en effet déclaré qu'elle était responsable d'erreurs d'appréciation qui «auraient pu laisser penser aux associations actif-trafiC et Survap qu’elles avaient obtenu l’assentiment de la Ville de Genève». Dans le même temps, une enquête externe sera menée pour éclaircir les dernières zones d'ombre. Cette décision fait grincer des dents à droite.
C'est le cas du PLR genevois, qui lundi soir avait appelé à la démission de Frédérique Parler si les faits qui lui étaient imputés venaient à être confirmés. Le parti bourgeois avait d'ailleurs déposé une motion spéciale qui demandait au Conseil administratif d'offrir des réponses claires et de maintenir le dépôt de plainte, requête qui a été rejetée. Le membre du comité du PLR Genève Bryan Lo Giudice, qui se réjouit avec son parti du fait qu'il y aura maintenant des explications, remet en question la communication de la Ville:
Plusieurs éléments lui font dire cela. Le premier a trait à l'objet de la plainte qui a été abandonnée: «On porte plainte parce qu’il y a des dommages sur des biens publics. Cette action a véritablement eu lieu, ces faits existent. Alors, pourquoi on retire ensuite la plainte si elle portait là-dessus?» Le communiqué du Conseil administratif, qui ne souhaite pas s'exprimer davantage, indique que c'est parce que les manifestants ont pu croire que leur action était approuvée par les autorités qu'il n'y a plus de motif pour les poursuivre.
«Certes, sourit Bryan Lo Giudice, mais si la plainte avait été maintenue, la justice, la vraie justice, aurait fait son travail. Pourquoi diable le Conseil administratif décide d’engager plutôt un juge à la retraite?» Et le libéral-radical mentionne une troisième raison d'être sceptique vis-à-vis de la communication de l'exécutif:
Ce n'est pas tout. Selon Bryan Lo Giudice, il y a des éléments contradictoires dans les déclarations de Frédérique Perler, par la voix de l'exécutif. «Si l’objectif n’était pas le dégrappage du bitume, pourquoi les ingénieurs de l’état civil les auraient conseillés pour les lieux et seraient venus sur place?», se demande le politicien. «Il semble qu’il ait été clair qu’ils allaient creuser dans le bitume, et cela est forcément illicite.» Et le député de tirer cette conclusion cinglante:
Egalement contacté par watson, le député municipal Yves Herren, qui a claqué la porte des Verts pour rejoindre les Vert'libéraux il y a quelques mois, confie en avoir marre de ces polémiques. «C’est un peu simpliste de demander la démission de l’élue, comme l'a fait le PLR lundi! On se croirait en Grande-Bretagne», lance-t-il. «Il serait temps pour tout le monde d’être constructif.» Comprendre: y compris les activistes écologistes.
L'élu PLR nie verser dans la polémique: pour lui, c’est la crédibilité du collège entier qui est en jeu aujourd'hui. Et ce, indépendamment de leur communication alambiquée: «Vous avez un devoir quand vous êtes au Conseil administratif, c’est de faire respecter les lois.» Sur le fond, Yves Herren est d'accord: «Endommager des biens publics, ce n’est jamais une bonne idée. Les lois doivent être respectées. Faire des projets vaut mieux que de casser des routes.»
Il y a tant de manières de s’engager en Suisse, pointe l'élu: référendums, initiatives, pétitions, associations, manifestations pacifiques… Lui-même avait pratiqué le sit-in, à l'époque. Les méthodes ont changé, le discours des Verts aussi. Comme cette déclaration du conseiller d'Etat écologiste Antonio Hodgers, qui fait une différence entre l'atteinte aux personnes et l'atteinte aux biens:
Cette énième genevoiserie s'ajoute en peu de temps à l'affaire de l'interdiction de la viande dans les repas officiels des élus verts, qui a divisé le parti, ou à l'affaire du rabais de 20% offert aux femmes par la Ville pour la culture et les loisirs, qui aurait justement provoqué la démission d'Yves Herren, entre autres départs. A l'interne des Verts, aucune voix critique ne souhaite commenter. Pour combien de temps? On l'aura compris: si la route du quartier des Pâquis a vite été reconstruite, l'affaire, elle, est loin d'être close.