Etrange nouvelle en provenance du bout du lac. On apprend cette semaine dans la presse que pour compenser les inégalités salariales existant entre les hommes et les femmes, la Ville de Genève octroie désormais à la gent féminine une carte offrant une réduction de 20% pour les lieux culturels et les centres sportifs. Les signataires de ce projet assurent en effet que les écarts de salaires entre les deux sexes seraient de 20%.
Selon un tweet de la journaliste Marie Prieur, la disposition, adoptée après d'âpres débats par le Conseil municipal, existera «tant que l'égalité salariale entre hommes et femmes n'est pas réalisée». Imaginons seulement ce qu'il en serait si, d'aventure, les femmes venaient à être payées davantage que les hommes dans cette ville lacustre prompte à se diriger «dans le sens de l'histoire»: un rabais pour ces messieurs allant à l'opéra ou au terrain de tennis? Et que dire des étrangers qui n'ont pas les mêmes droits que les Suisses (ils n'ont pas le droit de vote), mais qui vont aussi voir des spectacles et faire quelques tours de stade? Un p'tit rabais?
Blague à part, c'est le fond de l'idée qui malmène le bon sens. Avec ce genre de décisions parlementaires, on n'est pas dans la réflexion. On est dans le réflexe. Le réflexe de cour de récré. Voyez plutôt.
La mesure introduit de fait une inégalité entre les femmes et les hommes de la ville de Genève (ce qui rend le texte contraire à la Constitution fédérale, comme l'a noté Le Temps). Mais elle fonde aussi une inégalité de traitement entre les femmes de la ville et celles des autres communes. Or, quand la Tribune de Genève questionne la conseillère municipale socialiste Oriana Brücker sur ce point précis, elle affirme: «Ce n’est pas cette carte de 20% qui crée des inégalités, c’est le monde du travail».
Invoquer des valeurs consensuelles, telles que l'égalité, pour justifier des mesures allant à l'encontre de nos textes fondamentaux, ça commence à bien faire. Personne ne me fera croire que distinguer les hommes et les femmes à l'entrée d'un théâtre se fait «au nom de l'égalité». La seule justification qui peut fonctionner, c'est, à la limite, «au nom du manque d'égalité que l'on constate dans la société». Mais alors ce n'est plus du tout la même chose.
Car ça revient, in fine, à créer une inégalité au motif d'une inégalité. Voilà l'absurdité de la chose. A compter d'aujourd'hui, les femmes seront sans doute ravies d'être accueillies aux guichets du samedi soir en étant placées de fait dans le même genre de catégories que les retraités ou les étudiants (dont le critère n'est pas biologique, mais social). Drôle de façon de montrer l'exemple pour bâtir une société qui oublierait enfin les différences qui n'ont pas de sens sur le plan politique.