A Genève, la «mobilité douce» vire à l’antiphrase. La réalité contredit la formule. Bouger comporte des risques. On ne compte plus les portions de trottoirs où piétons et cyclistes sont forcés de cohabiter. Sans qu’une bordure les sépare. Des marquages au sol avertissent de la présence des uns et des autres sur le même tronçon, parfois une ligne jaune fait office de démarcation, mais pour le reste, à chacun de faire attention à l’autre. Du cycliste ou du piéton, le second est ici le plus vulnérable. Le trottoir a cessé d’être pour lui un sanctuaire. Même là, il n’est plus en sécurité, le danger est en permanence dans son dos.
Les écologistes genevois, tenants de la «mobilité douce» (se déplacer à pied, à vélo ou en trottinette) constatent, comme tout le monde, les effets indésirables d'une situation qu'ils ont contribué à installer et qui se veut en tout point vertueuse, singulièrement en termes d’impact climatique. C’est pourquoi, début septembre, ils ont lancé une initiative intitulée «Pour un canton qui marche». Il leur reste un peu plus de deux mois pour récolter quelque 6000 signatures.
L’objectif est de permettre au piéton d’évoluer en toute sécurité dans un canton urbain, densément peuplé. Sans crainte de se faire renverser par une voiture ou heurter par un vélo. A ce propos, l'un des points de leur proposition législative est très clair:
Cette initiative est manifestement la bienvenue. L’exaspération gagne les piétons assujettis à une cohabitation non choisie avec les cyclistes, sur certains trottoirs. «Une piste cyclable, ça va sur la route, pas sur le trottoir», dit l’un. «On se tire des balles dans le pied à ne pas les séparer suffisamment (réd: les piétons et les cyclistes)», relève un élu écologiste au Grand Conseil genevois.
Tous deux commentent là une publication Facebook du député socialiste au parlement cantonal Sylvain Thévoz, lui-même favorable à une franche démarcation:
Mais alors, où faire rouler les vélos (et les trottinettes)? Sur la route, pardi! A côté du flux des voitures, des bus et des trams, sur des pistes cyclables dûment aménagées. Le problème est qu’il n’y en a pas partout encore. La faute aux voitures garées le long des trottoirs. La faute au manque de place disponible sur certaines chaussées, occupées par les couloirs des voitures et des transports publics, sans qu'il soit possible, en l’état, d’y ajouter un couloir pour les vélos et trottinettes. Et comme les autorités ne veulent pas mettre en danger les cyclistes en les faisant rouler sur des routes non pourvues de pistes cyclables, elles les autorisent à emprunter les trottoirs, au détriment, cette fois-ci, des piétons.
S’il considère que la cohabitation vélos-piétons «est plus désagréable que dangereuse, qu'il s'agit plus de peur et d'inconfort que de risques, sans que cela soit acceptable, en particulier pour les personnes vulnérables», Julien Nicolet, vice-président des Vert.e.s genevois, reconnaît que:
Il semble à présent urgent de sécuriser et les piétons et les cyclistes. Les bipèdes d’abord? Les écologistes ne disent pas «non», mais on entend dans leur voix comme un soupçon de chantage: vous voulez des trottoirs sans vélos ni trottinettes? Faites-leur de la place sur la route! Comment? En restreignant la circulation des voitures. L’initiative des Vert.e.s «Pour un canton qui marche» est aussi une initiative visant à réserver autant que possible l’usage de la route dans les zones d’habitation aux transports publics et à la «mobilité douce».