Les faits se sont déroulés à Genève. Lundi 1er mai, une altercation entre plusieurs personnes a été signalée à la police. Selon le rapport officiel, cette dernière est arrivée, à 17h50, au Quai 9 – l'espace d’accueil et de consommation de drogue à moindres risques du canton, proche du quartier des Grottes.
Les agents de police se sont alors dirigés en direction du potentiel protagoniste de la rixe désigné par plusieurs témoins. Problème, ce dernier a fui au moment du contrôle d'identité. La suite des événements a été filmée par un autre témoin qui, au lendemain, confiait à watson, être «encore dégoûté» de la scène dont il avait été spectateur.
Sur la vidéo du témoin, que watson s'est procurée, l'individu ayant pris la fuite jusqu'à la rue Fendt se débat, alors qu'il est maîtrisé au sol par deux agents de police. Quelques secondes plus tard, un troisième intervient: il lui assène deux coups de pied, semblant d'abord viser le haut du corps, puis l'abdomen. Pour le spectateur qui observe l'intervention depuis son balcon, cette violence «est injustifiée»:
Il ajoute: «le fait que l'intervention ait eu lieu dans une petite ruelle m'a donné le sentiment que, étant à l'abri des regards, l'agent s'est plus facilement permis des actions disproportionnées». Alors, la police genevoise a-t-elle fait un usage excessif de la force? Si Frederic Maillard, analyste des interventions policières en Suisse romande, reconnait «l'apparence brutale des coups», il précise en revanche:
L'expert a en effet décelé un couteau dans la vidéo.
L'affaire dépendrait donc d'un élément essentiel: le principe de proportionnalité. Dans son rapport Pour une police respectueuse des droits humains qui se concentre sur le cas de la Suisse, Amnesty International signale que ce principe «exige que l’intervention soit propre à atteindre l’objectif légal visé et respecte le principe de subsidiarité.» Ces normes, qui ne sont pas seulement suisses, mais internationales, sont donc claires:
Ce fondement, la police genevoise affirme en être tout à fait consciente. Alexandre Brahier, chargé de communication et porte-parole, l'a lui-même rappelé, dès que watson lui a soumis la vidéo en question. Et d'ajouter que «chaque usage de la force ou de la contrainte fait l'objet d'un rapport circonstancié qui est analysé par la hiérarchie». En ce sens, il révèle que la police genevoise a relayé l'affaire, ce mardi 2 mai, à sa direction. Laquelle, a, dans l'heure qui a suivi, saisi l'Inspection générale des services de la police (IGS).
D'après Frederic Maillard, l'approche opérationnelle, les éventuels antécédents de l'individu interpellé ou encore les minutes ayant précédé l'interpellation devraient notamment être soumis à l'analyse de l'IGS.
De son côté, Alicia Giraudel, juriste et experte Asile et Police à Amnesty International Suisse salue la décision de la police genevoise de mener une enquête. Elle relève toutefois un problème qui subsiste:
Alicia Giraudel rappelle qu'Amnesty International ainsi que divers organes onusiens demandent depuis des années la création d’une instance de plainte indépendante qui garantisse que les actes répréhensibles d’agents de police fassent l'objet d'une enquête impartiale. Selon elle, de tels mécanismes renforceraient la crédibilité de la police et la confiance du public dans l’institution. Ce qui permettraient, en somme, de mieux lutter contre l'impunité.
Du reste, des évolutions, Alexandre Brahier précise qu'il y en a tout de même eu au cours de ces dernières années. Notamment à Genève où un ordre de service a été mis en place pour lutter contre les contrôles d’identité au faciès. De plus, alors qu'en 2020, 97 plaintes avaient été traitées par l’IGS, ce nombre s'est, depuis 2021, stabilisé à 73. Toutefois, «une grande majorité d’entre elles se concluent par des ordonnances de non-entrée en matière ou de classement», notait en février dernier le GHI.