Lundi s'est ouvert à Genève le procès en appel de l'avocat d'affaires soleurois accusé d'avoir étouffé sa femme avec un oreiller ou un duvet. Le cas est exceptionnel pour plusieurs raisons. Il implique une personnalité connue, condamnée en mai dernier à une peine de treize ans de prison. Et l'accusé a reconnu que sa femme n'était pas morte de mort naturelle, mais lors d'un jeu sexuel extrême.
Au troisième jour du procès, les experts en médecine légale ont clairement indiqué que la mort décrite lors d'un jeu d'asphyxie érotique n'avait pas d'équivalent. Silke Grabherr, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), a déclaré qu'il n'existait pas de cas similaire à celui décrit par l'accusé dans la littérature scientifique.
Après le décès de la femme en 2016, le médecin légiste a trouvé une plume de duvet dans les poumons de la défunte. Cette plume a remis en question la thèse de la mort naturelle.
Lors du procès en appel, les médecins légistes ont dû expliquer dans quelle mesure les nouvelles descriptions du Soleurois étaient plausibles. Le jeu érotique fatal, qui devait aider sa femme à atteindre un orgasme plus intense, a-t-il réellement eu lieu comme il l'a décrit?
Dans le cadre de leur recherche bibliographique, les spécialistes ont cherché des cas de décès lors de pratiques d'asphyxie sadomasochistes, présentés comme des accidents. Résultat: sur les 17 cas recensés, un seul était une «simple» asphyxie, les autres impliquaient une strangulation.
La défense a critiqué le fait qu'il n'y avait pas de comparaison possible avec la pratique décrite par son client. Silke Grabherr a rétorqué que la médecine légale avait cherché des cas similaires, mais n'en avait pas trouvé.
Autre difficulté, lors de l'autopsie de la défunte en 2016, aucun échantillon d'ADN n'a été prélevé dans la région génitale, ce qui pourrait aujourd'hui renseigner sur l'existence de rapports sexuels durant la nuit en question. C'est ce qu'a regretté une experte du CURML. La raison est simple: à l'époque, on partait du principe que la mort était naturelle.
Entre-temps, un prélèvement d'ADN ordonné ultérieurement par le tribunal a donné des résultats contradictoires et non fiables. Les spécialistes ont expliqué à ce sujet que le prélèvement était normalement effectué en amont de l'autopsie afin d'éviter toute contamination.
En fin de compte, l'interrogatoire du médecin légiste n'a donc pas permis d'étayer la position de l'accusé ni de réfuter son récit.
En revanche, les témoignages ont renforcé la position de l'homme de 72 ans. Une amie de la défunte a précisé qu'elle soutenait «totalement» l'avocat d'affaires malgré les récentes révélations. Elle n'a constaté aucune tension entre lui et sa femme.
La nouvelle compagne de l'accusé a également pris la parole. Ils s'étaient rencontrés en 2017 lors d'une fête d'anniversaire. C'est lors de leur deuxième rencontre qu'il lui a appris qu'il était accusé d'avoir tué sa défunte épouse. «J'ai été très choquée», se souvient-elle. Mais après avoir discuté avec lui, elle n'a pas vu de raison de mettre en doute son innocence.
La révélation du dérapage du jeu sexuel a été un nouveau choc - et l'est toujours, selon elle. Elle a toutefois compris assez rapidement la raison de cet «énorme secret». Le grand sens de l'éthique et de la morale de l'accusé l'aurait empêché de parler de la pratique sexuelle utilisée.
Qu'en est-il maintenant de sa relation avec le prévenu?
Elle-même est prête à reconstruire la relation. Il s'agit d'une épreuve «qui nous marquera à vie».