L'analyse de l'échec de la vente de 96 chars de combat de type Leopard I a montré «qu'à cet égard, tous les liens ne sont pas parfaitement compréhensibles et que certaines incohérences persistent actuellement». C'est ce qu'écrit l'entreprise d'armement Ruag, propriété de la Confédération, dans un communiqué publié lundi en fin d'après-midi.
C'est le nouveau rebondissement dans l'affaire Ruag, qui prend des allures de plus en plus caricaturales. Pour rappel: en février, Ruag a conclu un contrat avec l'entreprise allemande Rheinmetall pour les 96 chars mis en sommeil en Italie, sous réserve d'une autorisation du Conseil fédéral. Le matériel de guerre devait être entièrement renouvelé en Allemagne et livré ensuite à l'Ukraine.
Le Conseil fédéral a cependant interdit le commerce en invoquant la neutralité, et le contrat est devenu caduc. Les analystes font le lien entre ce marché et la démission de la directrice de Ruag, Brigitte Beck.
Dans son communiqué de lundi, Ruag révèle que 25 de ces chars ont déjà été vendus une fois à une entreprise allemande qui a fait valoir son droit de propriété. Apparemment, les 25 chars n'ont jamais été récupérés par les Allemands à Villesse, dans le nord-est de l’Italie, selon le Neue Zürcher Zeitung am Sonntag.
Ruag précise que la situation exacte est en cours d'examen juridique. Ruag indique dans son communiqué:
Rheinmetall a été informé que le rapport de propriété de 25 chars de combat «n'est pas encore définitivement clarifié». Et de poursuivre:
Mais Ruag a encore d'autres informations sensibles à annoncer. Ainsi, on peut lire dans un autre paragraphe: «Dans le passé déjà, des désaccords sont apparus dans des activités commerciales en rapport avec les chars mentionnés». Ainsi, une procédure d'enquête serait actuellement en cours en Allemagne. «Celle-ci a été lancée il y a un an et demi déjà».
Pour Ruag, il est essentiel que toutes les activités commerciales soient «systématiquement menées en conformité avec la loi, de manière transparente et selon les directives du propriétaire». Afin de clarifier si c'est le cas, le conseil d'administration a décidé d'ouvrir une enquête externe lors d'une réunion extraordinaire dimanche.
Le département de la ministre de la Défense Viola Amherd a fait la même annonce, lundi après-midi, également par communiqué. Elle aussi veut faire examiner en externe les circonstances de l'achat de la quasi-centaine de chars Leopard I par Ruag en 2016, ainsi que les dessous de la vente des 25 chars, apparemment convenue en 2019, mais non réalisée, et des négociations avec Rheinmetall cette année.
La conseillère fédérale du Centre veut, en outre, faire clarifier «comment le conseil d'administration assume son devoir de surveillance de la gestion et s'il existe un besoin d'adaptation dans la collaboration entre le conseil d'administration et le propriétaire (réd: à savoir la Confédération)».
Interrogé à ce sujet, le chef de la communication d'Amherd, Renato Kalbermatten, a déclaré que le département de la Défense était en discussion avec le Contrôle des finances de la Confédération. Celui-ci serait le mieux à même de garantir une enquête indépendante. La conseillère fédérale aurait été informée, dimanche soir, par le président du conseil d'administration de Ruag, Nicolas Perrin, des derniers événements.
Lundi, Amherd a ensuite informé la Commission de la politique de sécurité (CPS) du Conseil national, qui siège actuellement. L'incompréhension face à la conduite des affaires de la direction de Ruag est gonfle. Le président de la commission, Mauro Tuena (UDC) assène:
«Pour moi, il est incompréhensible que la directrice générale puisse mettre en place de son propre chef des contrats d'une telle portée politique sans que le conseil d'administration n'en soit informé». Il y a un manque de direction et de surveillance. Tuena se dit agacé: «On a simplement fait n'importe quoi». Et il se demande ce que l'on va encore découvrir.
En effet, jusqu'à présent, les informations n'ont été données qu'au compte-gouttes et sur la base de recherches effectuées par les médias. C'est pourquoi la politicienne Maja Riniker (PLR) estime qu’une mise en lumière est impérative. Selon Mauro Tuena, il est important que les processus soient maintenant mis au jour à l'externe. Enfin, il s'en prend également au rôle du département de la Défense:
Traduit de l'allemand par Anne Castella