«Personne n’a jamais attendu de Poutine qu’il croise les jambes»
La question un peu chauvine (et taquine?) qu'on s'est immédiatement posée mercredi au moment de l’accueil des deux chefs d'Etats devant la Villa La Grange c'était: est-ce que Guy Parmelin a bien fait son job hier? Pascal Singy, spécialiste des sciences du langage, est assez sûr de lui au moment de jeter un œil sur cette première photo:
Bien sûr que tout avait été rigoureusement millimétré. Des quelques syllabes en russe prononcées (de manière scolaire) par Guy Parmelin, aux signaux corporels donnés par les deux patrons du monde au moment de la fameuse poignée de main. Mais une gaffe diplomatique est toujours possible. «Ils sont probablement coachés de très près. Mais, attention, il n'y a pas de langage non-verbal universel et lorsqu'on observe des protagonistes, on ne peut faire que des suppositions. D'autant que la culture et les mœurs de chaque pays peuvent perturber notre perception de la situation.»
Voilà pour l’avertissement d’usage. On peut maintenant dessiner grossièrement le portrait-robot de nos deux protagonistes:
- L’un est américain, plus âgé, plus grand, plus élégant et plus fin dans sa gestuelle.
- L’autre est russe, plus jeune, bien bâti et a un rapport au corps beaucoup plus animal.
«Joe Biden n’a pas la stature de Vladimir Poutine. Quand ils se rapprochent avant de se serrer la main, on constate que le dos de l'Américain est courbé. Sa posture rappelle plus volontiers un grand-papa. Il y a un petit côté rassurant. On le voit aussi avec la fin de sa chevelure fragile au niveau de la nuque. Une chevelure qui jure d’ailleurs avec sa dentition parfaite d’Américain puissant et aisé.» D’accord, mais ça avantage qui toutes ces considérations physiques?
«Il faut toujours définir à qui s’adresse le langage corporel. Ici, en préambule du sommet et face à la presse du monde entier, il est fort probable que chacun des présidents s’adresse à son pays, son électorat. Il doit montrer qu’il maîtrise parfaitement l’instant.»
Le spécialiste de la langue s'empresse de préciser que le contexte dans lequel a été organisé ce sommet influence directement l’attitude de l’un et de l’autre. «C’est Biden qui a voulu cette rencontre. C’est important. Poutine l’a simplement acceptée et n’a donc pas à dominer cette première confrontation et peut se permettre une certaine passivité physique sans que ça vienne affaiblir son image. Biden, au contraire doit assumer mais aussi mener le début du sommet.»
On avoue enfin au spécialiste des sciences du langage de l'Unil que sur cette dernière photo, Poutine semble s'ennuyer ferme et ne dévoiler aucune volonté de prestance. Il douche immédiatement notre a priori:
Bon, mais avec tout ça, qui a gagné la bataille du diplomatique non-verbale? «Les trois chefs d'Etat ont rempli leur mission, sans faux-pas. Jusqu'à Parmelin qui s'est vraiment montré à la hauteur, détendu et accueillant.»
