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Afghanistan: «Seule, la Suisse est incapable de rapatrier ses citoyens»

Hélicoptère, Afghanistan
Image: Shutterstock

«Seule, la Suisse est incapable de rapatrier ses concitoyens»

Alors que l'évacuation de l'Afghanistan se poursuit, 28 Suisses sont encore dans le pays, selon la Confédération. Mais comment va se passer leur rapatriement? Surtout sachant que la Suisse n'a pas les moyens d'aller les chercher sur place. Réponse en trois points.
18.08.2021, 05:5318.08.2021, 10:50
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Mardi soir, 28 Suisses se trouvaient encore en Afghanistan, selon la Confédération. Préoccupé par la situation, le DFAE les encourage à contacter l'ambassade s'ils ont besoin d'aide pour quitter le pays. Pourtant, les moyens d'action helvétiques paraissent limités, comme l'expliquent les experts contactés par watson.

«La situation est chaotique, nous la suivons 24h sur 24»
Ignazio Cassis, Conseiller fédéral

Alors, dans un tel chaos, comment la Suisse localise-t-elle et rapatrie-t-elle ses concitoyens? «Tout doit être planifié à l'avance. Le jour où il se passe quelque chose, vous n'avez plus le temps de dire ce qu'il faut faire», explique d'emblée Jacques Baud, ancien agent des services de renseignement suisses.

Anticiper est capital

L'expert en sécurité a, lui-même, fait partie des individus susceptibles d'être pris en charge d'urgence, lors d'une mission en Afghanistan il y a une dizaine d'années: «En arrivant dans le pays, il faut s'annoncer à l'autorité suisse sur place qui a une liste des gens à rapatrier avec leur adresse, leur téléphone et leur email. En cas de crise, on peut immédiatement contacter tous les ressortissants.»

«Dans les pays à risque, on sait toujours à peu près qui est où»
Jacques Baud, ancien agent des services de renseignement suisses

Rédacteur en chef de la revue militaire suisse, Alexandre Vautravers souligne également la nécessité pour la Confédération de sensibiliser les personnes exposées aux dangers potentiels en amont. «Mais c'est aussi la responsabilité des entreprises ou des organisations humanitaires de s'assurer que leurs employés soient correctement orientés sur les risques et qu’ils puissent être localisés.»

Jacques Baud se souvient d'un autre élément d'anticipation: les bagages. «Lors d'une mission au Congo, on a reçu pour instruction de la part de l'ONU d'avoir toujours à portée de main un sac avec tout ce qu'il faut pour vivre une semaine et 100 dollars en cash», raconte-t-il.

«Ce sont des situations d'urgence qui peuvent changer radicalement en quelques heures et tourner au massacre»
Jacques Baud

L'expert a aussi abordé le problème par l'autre versant. En 1995, alors qu'il était responsable de la sécurité des camps de réfugiés au Congo, il a dû recenser les personnes sous sa responsabilité et planifier leur évacuation face à un contexte politique extrêmement tendu.

«Ce qu'il faut, c'est prévoir des rassemblements aux alentours de l'aéroport, mais pas sur la piste. Parce que si c'est le chaos comme on a vu à Kaboul, finalement les avions ne peuvent plus ni atterrir, ni décoller et vous ne pouvez plus évacuer les gens. L'objectif, c'est d'être le plus rapide possible.»
Jacques Baud

Pas les moyens d'intervenir sur place

«Mais tout bon plan résiste jusqu'au moment où il est mis en action», nuance Hervé*, un autre suisse expert en sécurité. Lui-même a dû faire rapatrier d'urgence, d'un pays en crise, l'une de ses collaboratrices. «Pour vous résumer simplement une histoire compliquée: c'était le bordel.»

«Les moyens de la Suisse, neutre et ne disposant pas ou peu de forces de projection, sont limités»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse

Car la Suisse a une grosse faiblesse dans le domaine. «Seuls, on est incapable de rapatrier nos concitoyens. On est totalement dépendants de nos voisins européens et des Etats-Unis», affirme Hervé. Et si la Confédération négocie en amont des accords avec les autres pays pour évacuer ses concitoyens en cas de problème, cela ne résout pas tout.

«On ne sera jamais les premiers servis. Les Etats-Unis sont prêts à donner des places à des Suisses, mais à condition de ne pas prétériter leurs propres ressortissants», continue Hervé. À ses yeux, la Confédération devrait se pencher sur cette lacune et réfléchir à proposer un meilleur soutien à ses concitoyens.

«La réalité, c'est que la Suisse n'a pas les moyens d'aller chercher ses citoyens perdus dans les montagnes afghanes»
Jacques Baud

Pour revenir à la situation en Afghanistan, Jacques Baud précise que les Suisses encore sur place vont probablement devoir se rendre par leurs propres moyens à l'aéroport de Kaboul ou au point de rendez-vous qui leur sera fixé. «Je ne pense pas que les Américains ont les moyens de dégager un hélicoptère et une équipe pour aller rechercher un Suisse dans la nature. Surtout dans une situation aussi tendue.»

Une aide à distance

C'est donc à distance que la Confédération vient en aide à ses concitoyens. «Dans ces moments-là, le cœur du réacteur, c'est le DFAE. Il y a très vite un standard d'urgence qui est mis en place à Berne, et les gens encore dans le pays peuvent se renseigner, par exemple, pour connaître les routes les plus sûres pour rejoindre la capitale», décrit Hervé.

«La cellule de crise va suivre la progression des 28 Suisses 24h/24 jusqu'à ce qu'ils aient tous quitté l'Afghanistan»
Hervé, expert en sécurité

L'expert esquisse le profil des Helvètes encore sur place. «Ce sont sans doute des gens qui travaillent pour des ONG ou pour aider à la reconstruction du pays dans des domaines spécifiques, comme des ingénieurs, par exemple.» Selon lui, ils doivent donc déjà posséder une certaine expérience de ce genre de terrain.

«Mais cela n'enlève rien aux risques encourus. Dans un pays où le pouvoir est en pleine transition, on peut être tué, enlevé, dévalisé», détaille-t-il, précisant que, dans la confusion, il est difficile de distinguer un Suisse d'un Américain.

Mais, malgré les dangers potentiels, la Confédération n'a aucun moyen de forcer ses concitoyens à rentrer au pays. «Les 28 cas sont tous différents. Il se peut que certains se disent qu'ils sont plus utiles en restant en Afghanistan qu'en partant. Il peut y avoir des pressions, mais personne ne peut les obliger à être rapatriés», observe Jacques Baud.

«Tout le débat, c'est de savoir jusqu'où va la responsabilité d'un Etat envers ses ressortissants»
Alexandre Vautravers

Les doubles ou triples nationaux sont un autre enjeu à prendre en considération, selon Alexandre Vautravers. Toute la question est de savoir s’ils souhaitent rester, malgré les risques, ou, s'ils décident de partir, de se demander quel pays doit les assister. «Il y a de nombreux cas particuliers, et il n’y a pas de réponse uniforme.»

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