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Les hommes se masturbent (toujours) beaucoup plus que les femmes, selon un nouveau sondage. Y compris en Suisse. Mais pourquoi? Une sexologue décode pour nous les chiffres helvétiques.
15.08.2021, 08:2015.08.2021, 17:26
Prenez une année et imaginez. Si les hommes commençaient à se masturber le 1er janvier, les femmes débuteraient leurs jouissances solitaires le 14 août. Vous le voyez, le fossé entre les sexes? Cette métaphore décrivant la situation en 2021 nous vient d'une nouvelle enquête.
Le sondage a été commandé par le géant du sextoy Womanizer et mené auprès de 14'500 personnes dans 17 pays, Suisse comprise. Certes, Womanizer doit bien avoir sa petite idée marketing derrière la manoeuvre, mais les chiffres restent édifiants.
Zoomons sur les données pour la Suisse avec la sexologue vaudoise Laurence Dispaux.
Les femmes se masturbent 49 fois par an
Le constat est franc: les hommes se touchent bien plus que les femmes dans notre pays. Sur une année, ils se masturbent 174 fois contre 49 pour elles. De quoi étonner notre sexologue?
Laurence Dispaux préfère prévenir d'emblée: il vaut mieux prendre les chiffres de l'enquête avec des pincettes. Elle explique: «Dans un tel sondage, on sait qu'une sous-déclaration est probable de la part des femmes, à cause d'un tabou encore présent. En face, une sur-déclaration est possible aussi de la part des hommes.» L'écart masturbatoire pourrait donc être plus mince que ce qui est avancé, selon la spécialiste.
Fantasmer VS se soulager
Supposons quand même que les données sont représentatives des pratiques. Pourquoi y a-t-il un tel fossé entre les genres? Laurence Dispaux nous glisse ses pistes:
- La «manière de faire» est différente entre la femme et l'homme, et cela va jouer sur la fréquence de la masturbation. «Alors que l'homme voit l'onanisme comme une façon de soulager une tension, la femme doit au préalable avoir une connaissance de soi et s'être appropriée son corps. Ce ne sont pas des choses faciles.»
- La sexualité féminine passe par le fantasme, alors qu'au masculin, elle passe plus par la réponse immédiate à un besoin. Laurence Dispaux décrypte: «Les femmes sont plus susceptibles d'activer leur imagination quand elles ont une pulsion plutôt que de passer tout de suite à l'acte.» Et qui dit fantasme, dit besoin de temps. Or, les femmes n'en ont pas toujours à disposition, selon l'experte.
L'écart masturbatoire entre les sexes est de 72%
En Suisse, le fossé entre la masturbation des femmes et des hommes est plus élevé (72%) que la moyenne internationale (62% pour 2021). Les Suissesses commenceraient à se masturber le 20 septembre, sur l'échelle d'un an.
Doit-on penser que notre pays a, plus qu'ailleurs, un «problème» avec la masturbation des femmes? Laurence Dispaux y repère surtout les restes d'un conservatisme sociétal et culturel historiques. «Cela fait persister certains tabous.» La sexologue mentionne aussi les cours d'éducation sexuelle dans les écoles. Elle estime que, même s'ils tendent vers une prise en compte de la notion de plaisir, ils priorisent encore la prévention des risques, dans le temps imparti dans les classes.
Le sondage mentionne d'ailleurs que 93% des répondants suisses n'ont jamais eu de cours sur le clitoris (le seul organe totalement dédié au plaisir) ou sur la masturbation de manière générale.
Finalement, les femmes devraient-elles plus se toucher?
Laurence Dispaux est bien claire: «Personne ne doit se forcer à faire quoi que ce soit dans la sphère érotique». Si une femme souhaite se donner du plaisir plus souvent, elle pourrait toutefois en tirer ces bénéfices:
- Une meilleure connaissance de son corps
- Une relation plus apaisée avec celui-ci
- Une exploration de différents modes excitatoires qui lui permettront de s'adapter aux changements de sensations au cours de sa vie (après un accouchement, une maladie ou durant la ménopause ou lors de relations avec d'autres partenaires, par exemple).
Pour 22,5% des femmes, la masturbation, c'est jamais
Environ une Suissesse sur cinq (22,5%) ne se procure jamais de plaisir solitaire, contre 11,4% des hommes. Au niveau international, ce chiffre grimpe jusqu'à un tiers des femmes (33%). Dans son cabinet, Laurence Dispaux entend les raisons évoquées par les femmes qui ne se masturbent pas. Trois d'entre elles reviennent fréquemment:
- A l'adolescence, un événement a stoppé le processus au moment où la fille aurait pu développer sa sexualité en solitaire. Il peut s'agir d'une mauvaise expérience (avec un homme, un abus, une désillusion, par exemple) qui aura connnoté la sexualité négativement. Un autre événement de vie (deuil, divorce des parents, accident) peut aussi avoir détourné l'attention de la jeune femme vis-à-vis de son corps. «La sexualité s'est alors développée dans les premières relations de couple et est perçue comme quelque chose qui se fait à deux.»
- De façon générale, un certain nombre de femmes présupposent que la sexualité appartient au couple
- Beaucoup de femmes ne sont «pas amies avec leur corps». Laurence Dispaux précise: «Traditionnellement, la femme a porté le poids de la perfection du corps, ainsi que des complexes. Il est alors plus difficile de se donner soi-même du plaisir quand on ne s'aime pas assez.»
Pour 31,4%, la masturbation féminine est associée à la honte
En Suisse, 15% des répondants au sondage pensent que l'onanisme féminin est considéré comme quelque chose de dégoûtant et indécent, alors que 31,4% disent qu'il est associé à plus de honte et de négativité.
Le rôle des parents n'y est pas pour rien, si l'on en croit notre sexologue:
«Ils se sentent démunis face à ce sujet. Ils ont peur que leur fille devienne perverse ou se blesse, alors qu'on n'entend jamais ces arguments pour les garçons»
Résultat: dans les familles, soit on réprimande, soit on se tait.
1 Suisse sur 3 pense que les sextoys pour femmes sont plus acceptés
Après avoir lu les autres chiffre, cette dernière statistique pourra vous étonner. 33% des Suisses pensent que les sextoys pour femmes sont plus acceptés par la société que ceux pour les hommes. «Le marketing et les soirées bonbons roses ont contribué à rendre leur image douce et rigolote», analyse Laurence Dispaux. La spécialiste note aussi que le sextoy peut être perçu comme «moins dégoûtant ou honteux» que les doigts.
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