International
Commentaire

Sydney Sweeney: la gauche et la droite se ridiculisent

Sydney Sweeney: punching-ball de l’Américain binaire
Polémique autour de la publicité American Eagle: Sydney Sweeney est utilisée comme une arme politique, dans une Amérique qui semble avoir perdu ses repères.image: getty, montage: watson
Commentaire

Les Américains se ridiculisent en s’acharnant sur la mauvaise cible

Depuis plusieurs années, l’actrice Sydney Sweeney nourrit à parts égales les frustrations des extrêmes de la politique américaine. Et le tintamarre récent autour de sa publicité pour une marque de jeans démontre que, dans le clan trumpiste comme chez les progressistes, les Etats-Unis manquent non seulement de repères, mais de solides guides politiques.
04.08.2025, 16:4506.08.2025, 09:39
Plus de «International»

Aujourd’hui, il faut être au-dessus ou, mieux encore, en avance sur le bruit pour espérer se faire entendre. À l’heure où n’importe quel quidam cherche à braquer les projecteurs sur sa tronche et à grappiller un petit morceau d’attention en balançant son opinion à qui ne veut pas (forcément) l’entendre, la publicité doit rivaliser d’astuces pour exister et éviter la polémique de trop.

Les marques, elles, qui plus est dans un monde de plus en plus exigu et politiquement clivé, n’ont plus beaucoup de choix.

Après le greenwashing des années 2000, beaucoup ont décidé d’exagérer leurs valeurs d’inclusion, d’ouverture et de tolérance, histoire de slalomer entre les critiques, coller à l’air du temps et viser un public plutôt jeune et citadin. Parfois jusqu’à saloper une large part de leur héritage et de leur identité, à l’image de Jaguar.

Le postulat étant que le consommateur achète aujourd’hui avec les yeux ouverts, son bord politique pendu au ceinturon et très soucieux de l’égérie qui va le pousser à assouvir sa soif d’acheter des trucs.

A ce petit jeu, si on ne sait pas encore si une pomme ou un Spitz nain sont de droite ou de gauche, la marque American Eagle serait indubitablement trumpiste, voire même «nazie», si l’on en croit certains internautes qui n’ont pas peur des mots (ou de leur signification). La faute à une publicité que vous ne pouvez pas ne pas avoir vue.

La publicité en question:

Vidéo: extern / rest

Son pitch? L’actrice Sydney Sweeney, à l’horizontale et en total look jean, ferme lentement la braguette de son froc en évoquant les gènes que nos parents nous transmettent à la naissance et «qui détermine la couleur des cheveux, notre personnalité et même la couleur des yeux». Jusqu’à la punchline finale.

«My jeans are blue»
Sydney Sweeney, dans la nouvelle pub pour American Eagle

C’est le jeu de mots caché dans cette phrase qui semblent donner des sueurs froides: «My genes are blue», autrement dit «mes gènes sont bleus».

Ni une, ni deux, Internet s’est retourné dans sa coquille, accusant la marque (et Sydney Sweeney au passage) d’être trop sexy, de prôner le «suprémacisme blanc», «la pure propagande nazie», à savoir l’eugénisme cher à un certain Adolf Hitler et de caresser le trumpisme et l’extrême droite américaine dans le sens du poil.

Tout ça à la fois.

Le mouvement MAGA et son gourou de président se sont évidemment jetés sur l’occasion pour enfoncer un clou déjà bien rudoyé et ériger l’actrice d’Euphoria en emblème de la «vraie femme américaine»: «Elle est républicaine? Oh, maintenant j’adore cette pub» dira même Donald Trump, interrogé sur la polémique en cours.

Est-ce le traditionnel désert informationnel du mois d’août qui pousse la planète à s’époumoner au sujet d’une publicité de quinze secondes? Toujours est-il que, dans les deux clans d’une Amérique manifestement irréconciliable, la star de 27 ans, peu consentante et au sommet de sa gloire, est devenue un simple objet sexuel qui sert aujourd’hui aux démocrates et aux républicains pour viser l’ennemi et faire passer son message sans trop se fouler.

Une arme prétexte qui prouve non seulement que la cohabitation des idées et des valeurs est devenue impossible aux Etats-Unis (entre autres), mais qu’être une femme talentueuse, indépendante, forte, libre, drôle et jolie est capable de faire trébucher les extrêmes sans ouvrir sa gueule.

Que ce soit en pointant sa peau blanche et ses yeux bleus pour les mêler au nazisme ou sa poitrine imposante et sa chevelure dorée pour en faire la «nouvelle fille de l’Amérique», c’est, au final, la société tout entière qui se ridiculise. Insérer ses propres aigreurs et intolérances dans la personnalité d’une Sydney Sweeney qui doit dealer quotidiennement avec ses gènes (et ses jeans) ne risque pas de faire évoluer le moindre débat.

La publicité d’American Eagle mise-t-elle tout sur les charmes et l’aura de l’actrice de White Lotus? Absolument. Délivre-t-elle un message fort? Pas le moins du monde. Alors qu’Abercrombie & Fitch patauge dans la mouise, il y avait sans doute de nouveaux clients à aimanter. Et si American Eagle n’a jamais été ouvertement conservatrice, elle n’habille pas non plus tous les jours la jeunesse de gauche.

Une républicaine?

L’élection de Donald Trump, enfin, permet sans doute à la marque de simplifier son message, miser sur des techniques marketing éprouvées et susciter un tintamarre monstre, sans risquer le dérapage de trop. Un seul jeu de mots, plutôt subtil, suffira pour qu’Internet atteigne rapidement le point Godwin et que les ventes décollent.

En 2024, l’actrice a déjà dû digérer le fait qu’elle était devenue la nouvelle égérie des trumpistes. Puisque Taylor Swift, autrefois chanteuse country et fantasme déformé du conservatisme, finira par se coller à Kamala Harris en fin de campagne, il manquait aux apôtres MAGA une preuve vivante que le «wokisme est mort».

Une belle ânerie. Et, ce, même si les médias américains ont «découvert» ce week-end qu’elle s’est encartée au parti républicain en Floride, en juin 2024, peu après l’acquisition d’une maison dans les Keys.

De son côté, en brandissant la même Sydney Sweeney pour propager des attaques indirectes contre l’extrême droite américaine, la gauche fait peu ou prou la même chose: objetiser son corps et ses gènes pour en faire la méchante poupée blonde de l’idéologie MAGA. Si nombre de personnalités hollywoodiennes utilisent désormais leur notoriété pour transmettre des messages, notamment sous la pression des réseaux sociaux, ils ne seront jamais aussi utiles et crédibles qu’un solide guide politique.

Et son absence cruelle, au sein des deux partis historiques, pousse certains à cribler la pauvre Sweeney de critiques et de louanges déplacées, en s’accrochant péniblement à ce qu’ils ont de plus immédiat.

L’actrice, elle, n’a jamais étalé ses couleurs politiques et a fait de ses seins ses «meilleurs amis». Une manière d’affirmer poliment qu’elle en dispose comme elle peut et veut, n’en déplaise à ceux qui ne les subissent pas. Les réalisateurs et les marques se l’arrachent et elle a choisi de jouer avec son corps, son image et ses propres clichés avec une aisance plutôt bluffante.

A y réfléchir, il est sans doute là, le nerf de la crispation culturelle entre ces deux Amériques différemment puritaines: une Sydney Sweeney déconcertante, libre et décomplexée. Dans le fond, American Eagle n’avait plus qu’à s’en servir pour vendre ses fringues, avec la consentement amusé de l’actrice.

Céline Dion est une icône de la mode:
1 / 11
Céline Dion est une icône de la mode:
Céline Dion assiste au gala du MET, le lundi 6 mai 2019, à New York.
source: ap invision / charles sykes
partager sur Facebookpartager sur X
Skims débarque en Suisse: on a testé
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
2 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
2
Le gouvernement libanais veut désarmer le Hezbollah
Il s'agit d'une décision sans précédent dans l'histoire récente du pays, encore impensable avant la guerre avec Israël: les autorités libanaises veulent désarmer le Hezbollah. La milice chiite, affaiblie, dénonce un «diktat».
Le gouvernement libanais a chargé mardi l'armée de préparer un plan pour désarmer le Hezbollah d'ici la fin de l'année, une mesure sans précédent depuis la fin de la guerre civile.
L’article