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Interview

Le Paxlovid, médicament anti-Covid miracle, est inutilisable

epa09775282 A pharmacist displays a case of Paxlovid, a COVID-19 treatment pills developed by Pfizer Inc., at a drugstore in Seoul, South Korea, 21 February 2022. The age restriction on the administra ...
Le Paxlovid est produit, entre autres, par Pfizer.Image: keystone
Interview

Le Paxlovid, ce médicament anti-Covid miracle... et quasi-inutilisable

C'était la pilule miracle contre le Covid qu'ont attendue scientifiques, malades, décideurs politiques et militants anti-vaccin durant des mois. Celle qui aurait changé la donne en 2020 ou 2021 est désormais présente sur le marché: le Paxlovid. En 2022, son utilisation est pourtant toute relative, comme l'explique un expert.
21.07.2022, 06:29
Jörg Zittlau / ch media
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Le Paxlovid, un médicament antiviral, est désormais autorisé dans 65 pays. Depuis la mi-juin, il est également disponible en Suisse. Mais selon une nouvelle étude, publiée dans le New England Journal of Medicine, son efficacité est nettement plus faible chez les malades du Covid sans facteurs de risque. Qu'est-ce que cela signifie pour les médecins au quotidien? C'est ce qu'explique Martin Scherer, président de la Société allemande de médecine générale et familiale.

Martin Scherer est directeur de l'Institut de médecine générale de l'hôpital universitaire de Hambourg-Eppendorf.
Martin Scherer est directeur de l'Institut de médecine générale de l'hôpital universitaire de Hambourg-Eppendorf.dr

Selon une étude américaine, le Paxlovid présente plus d'avantage auprès des patients Covid ayant des facteurs de risque. Comment expliquez-vous cela?
Martin Scherrer: Le Paxlovid est particulièrement efficace chez les patients présentant des facteurs de risque tels qu'un âge avancé, l'obésité, la consommation de tabac, l'hypertension, l'absence de vaccination. Mais cela est dû à un biais observé depuis le début de la pandémie: les effets les plus impressionnants sont visibles auprès des patients présentant la situation médicale la plus grave. Pour les patients Covid dont l'évolution est bénigne, il y aura de toute façon moins de dommages et il n'y aura pas besoin de médicament pour compenser cela.

«Dans ce cas, le rapport bénéfice/risque devient moins favorable et peut même s'inverser»

Faut-il comprendre des conclusions de l'étude qu'il faut s'abstenir de prescrire ce médicament?
Non, au contraire! Dans l'étude, deux groupes ont été étudiés, chacun composé d'environ 1000 patients ayant été infectés par le Covid. L'un d'eux a pris le Paxlovid, l'autre un placebo. Environ 0,8% des patients Covid ayant pris le médicament à temps ont dû être hospitalisés, et aucun n'est décédé. Dans le groupe contrôle ayant pris un placebo, le taux d'hospitalisation monte à 6% et douze personnes sont décédées - 1,2% des malades du groupe, donc.

«Cette étude démontre que le Paxlovid peut éviter un grand nombre d'hospitalisations et de décès»

De quoi est composé ce médicament?
D'un antiviral et d'un additif qui ralentit la dégradation de celui-ci dans le foie, assurant ainsi sa présence prolongée dans l'organisme.

Et comment fonctionne cet antiviral?
Il empêche le virus de se reproduire en perturbant la fonction d'une protéine virale spécifique, qui permet la fabrication de copies du virus dans des cellules humaines. Le coronavirus ne peut avoir un effet sur le corps que s'il se multiplie en nombre.

«L'effet du Paxlovid permet d'endiguer l'infection»

Vous avez laissé entendre qu'il fallait prendre le médicament au bon moment pour que celui-ci fonctionne. Quand est-ce que c'est le cas?
La substance doit être prise dans les cinq premiers jours suivant le début des symptômes, à raison de trois comprimés toutes les 12 heures pendant une période de cinq jours. L'administration sous forme de comprimés est d'ailleurs un avantage considérable, le patient n'ayant pas besoin de perfusion.

Certains aimeraient pouvoir parler de game changer avec l'arrivée de cette pilule, mais puisqu'il n'agit que sur les patients à risque, est-ce vraiment le cas?
Ça dépend. Ce qui est vrai, c'est que les médecins sont réticents à utiliser le Paxlovid. En Allemagne, nous avons toujours été transparents en soulignant que le champ d'application du médicament était limité. Mais il y a un autre élément très important dont nous n'avons pas discuté:

«L'étude mentionnée prouve que le Paxlovid est efficace contre le variant Delta du Covid, mais rien ne prouve qu'il fonctionne contre Omicron»

Il y a donc encore une incertitude quant à l'efficacité du médicament avec le variant actuel?
C'est ça. Il y a de bonnes raisons de croire qu'il sera également efficace avec Omicron, mais les données cliniques manquent encore pour le confirmer. Mais il faut rester attentif. Par exemple, le corps médical a constaté que l'effet des traitements aux anticorps est plus faible pour Omicron que pour Delta. Suivant la même logique, il serait possible que le Paxlovid fonctionne moins bien avec Omicron. Nous ne le savons pas encore.

Mais même s'il est moins efficace et qu'Omicron entraîne des formes moins grave, ne serait-il pas tout de même bon de l'administrer par principe?
Si nous avions disposé de ce traitement à l'hiver 2020, nous aurions pu éviter de nombreuses hospitalisations et des décès. Mais maintenant que c'est Omicron qui prévaut, il y a beaucoup moins besoin de recourir à ce médicament.

«C'est une autre raison qui explique la réticence des médecins. Mais pas la dernière»

Y a-t-il des effets secondaires?
Oui, mais il s'agit d'un problème mineur. Le gros problème est le principe d'interaction médicamenteuse, que le Paxlovid peut entraîner au contact avec d'autres substances. On peut citer par exemple les antiarythmiques, qui sont utilisés pour traiter les troubles du rythme cardiaque. Ou encore de nombreux psychotropes, hypolipémiants, fluidifiants sanguins et médicaments pour le traitement de l'insuffisance cardiaque. Et les médicaments favorisant l'érection comme le Viagra ou le Cialis ne doivent pas non plus être combinés avec le Paxlovid.

Tout cela ressemble justement à la liste des médicaments administrés à un patient à risque...
Vous comprenez maintenant pourquoi les médecins n'aiment pas prescrire ce médicament. Un praticien devra peser le pour et le contre et bien réfléchir s'il doit prescrire du Paxlovid et, le cas échéant, arrêter un ou plusieurs autres médicaments.

Il aura cinq jours pour y réfléchir, non?
En théorie oui, en pratique, non. La fenêtre qui s'ouvre pour administrer les médicaments commence avec le début des symptômes, et les patients ne consultent pas forcément dès l'arrivée de ceux-ci. Cela ne servira à rien au médecin de disposer d'un médicament performant comme le Paxlovid s'il ne peut pas le prescrire en toute connaissance de cause.

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