Dès 10 ans, les enfants devraient pouvoir décider seuls s'ils souhaitent se faire vacciner contre le Covid-19, même si c'est contre la volonté de leurs parents. Voilà la position défendue par l'OFSP dans une lettre transmise (en allemand) à PharmaSuisse, à la Conférence des directeurs de la santé des cantons et aux faîtières des médecins et des assureurs. Aux yeux des autorités, ce n'est pas la majorité du patient qui compte mais sa capacité à évaluer l'impact du vaccin sur son corps.
Une proposition pour le moment théorique - seuls les individus de 16 ans et plus peuvent se faire vacciner en Suisse - ce qui n'a pas manqué de faire réagir ces derniers jours. Pédopsychiatre à Lausanne, Laurence Mundinger salue le fait que l'on prenne de plus en plus en compte la parole des enfants. Elle estime pourtant qu'il est très compliqué pour un enfant de 10 ans de faire preuve de suffisamment de discernement pour appréhender un enjeu tel que la vaccination.
À 10 ans, un enfant peut vraiment être au clair sur ce que cela implique de se faire vacciner ou pas?
Laurence Mundinger: Avant 12 ans, je pense que c'est compliqué de leur faire porter cette décision. Cela dépend d'énormément de facteurs, de la capacité de l'enfant à s'informer, de sa force psychologique pour faire face à ses parents. À cet âge-là, ceux qui ont vraiment de très bonnes capacités intellectuelles peuvent réussir à se forger une opinion mais c'est assez rare. La plupart des enfants sont encore soumis à leur environnement direct, c'est-à-dire la cellule familiale. Par exemple, pour les traitements médicamenteux et les actes médicaux, en dessous de 12 ans, ce sont les parents qui tranchent. Pour des enfants de 10-11 ans, c'est compliqué de s'opposer à leurs parents, leur cerveau n'a pas encore les capacités pour se montrer critique. Ils vont suivre ce qu'ils entendent à la maison.
C'est un problème de vouloir mettre entre leurs mains une telle décision?
Sur le moment, cela peut être problématique parce qu'ils n'ont pas les outils cognitifs pour faire face à cet exercice intellectuel. C'est un stress important pour un enfant de se retrouver face à un tel problème. Par la suite, si l'enfant a refusé de se faire vacciner et qu'il transmet le virus à quelqu'un, est-ce qu'il ne va pas se sentir responsable alors que la décision n'aurait jamais dû reposer sur lui? Je pense qu'il y a aussi le risque de créer des conflits intrafamiliaux en opposant parents et enfants. La vaccination est un thème extrêmement émotionnel. De ce que j'observe, des familles se déchirent sur le sujet. Au sein même des couples, il peut y avoir des différences.
Justement, si l'un des parents est pour, l'autre contre, c'est l'enfant qui va devoir les départager?
Non, je ne pense pas que ce soit à lui de trancher. On le met dans un conflit de loyauté extrêmement fort et ça ne se passe jamais bien quand un enfant doit choisir son camp. C'est plutôt aux parents de dialoguer pour trouver un compromis.
Vous pouvez imaginer un enfant de 10 ans aller se faire vacciner tout seul, par exemple en sortant de l'école?
Difficilement. Peut-être que quelques enfants le feront mais ce ne sera pas la majorité. À cet âge-là, ils ont encore peur des piqûres donc c'est compliqué pour eux d'y aller seul. Un enfant fait tout pour être aimé de ses parents parce que sa survie dépend d'eux, donc il va avoir peur de les décevoir et de perdre leur amour. Ce n'est qu'à partir de 12-14 ans qu'ils développent leur propre indépendance, ce qui leur permet de s'opposer à leurs parents.