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Révolte en Iran: Les étudiants suisses s'en fichent-ils?

L'équipe national iranienne de water-polo muette durant l'hymne iranien en signe de soutien à la révolte en Iran.
L'équipe nationale iranienne de water-polo muette durant l'hymne iranien en signe de soutien à la révolte en Iran. image: capture d'écran

Révolte de la jeunesse en Iran: les étudiants romands n'en ont-ils rien à battre?

Deux mois après le début du soulèvement en Iran, qui a fait plus de 300 morts, le monde étudiant romand est étrangement silencieux. Pourquoi? «watson» a fait la tournée des universités.
15.11.2022, 05:5516.01.2024, 11:32
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Sans cette «amie iranienne», il n’y aurait pas de table ronde sur la révolte en Iran à l’Université de Genève (Unige), le 24 novembre, dans le cadre de la Semaine des droits humains, consacrée cette année aux «libertés d’expressions». Un thème en complète résonance avec le soulèvement de la jeunesse iranienne contre le régime islamiste au pouvoir depuis 1979 à Téhéran.

«C’est une amie iranienne, née en Iran mais vivant en Europe, qui m’a dit: "Pourquoi n'y a-t-il rien qui bouge à l’Université de Genève, avec tout ce qui se passe en Iran?"», rapporte Flore Vanacker, chercheuse au Global studies institute, le département de l’Unige qui met sur pied la Semaine des droits humains. «J’ai proposé aux organisateurs de cet événement d’inclure une table ronde sur la situation iranienne. Ils ont été d’accord», relate la chercheuse, qui animera cette partie d'un programme où il sera également question de #MeToo, de l’inclusivité et des massacres perpétrés en République démocratique du Congo.

Pourquoi la Semaine des droits humains ne comportait-elle pas un chapitre sur la révolte en Iran, avant son ajout de dernière minute? «La mise en place d’un tel événement se prépare relativement longtemps à l’avance», explique une organisatrice.

La très politisée Unige reste muette

Dans le grand hall d’Uni Mail, à Genève, pas de portrait géant de Mahsa Amini, la jeune femme à l’origine du mouvement de contestation en Iran, décédée le 16 septembre après avoir été arrêtée par la police des mœurs, au prétexte que son voile était mal ajusté. Pas non plus de banderole «Solidarité avec la jeunesse iranienne». Ni de pancarte «Femme, Vie, Liberté», le slogan de la lutte contre le pouvoir théocratique. Nulle note de «Baraye», cet hymne symbole d’un réveil démocratique durement réprimé, où les étudiants, les étudiantes en particulier, paient un lourd tribut à leur idéal – un bilan de l’ONG Iran Human Rights basée à Oslo faisait état de 326 manifestants tués en date du 12 novembre.

Comme d’autres, du moins comme sa connaissance iranienne, Flore Vanacker s’étonne de cette absence de relais de la lutte iranienne parmi les étudiants genevois. Il y a certes une banderole qui réclame la libération de l’universitaire d’origine iranienne Fariba Abdelkah, docteure honoris causa de l'Université de Genève, retenue en Iran depuis le 5 juin 2019, mais son installation date de bien avant le déclenchement du soulèvement de la jeunesse iranienne.

Dans le hall d'Uni Mail à Genève.
Dans le hall d'Uni Mail à Genève.image: watson

L’Université de Genève est pourtant un lieu à l'occasion politisé. La Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s (CUAE), la faîtière des étudiants de l’Unige, ne fait pas mystère de ses opinions à la gauche de la gauche. Pour l’heure, ni la vitrine de ses locaux, ni son site Internet ne signale quoi que ce soit de la mobilisation étudiante en Iran.

L’association renvoie, en revanche, à une conférence récemment tenue sous son égide et intitulée: «Transphobie et répression: retour sur une polémique réactionnaire», allusion à deux coups de force menés au printemps dernier sur le campus genevois par des militants transgenres contre des conférenciers jugés transphobes. Au plus fort de la polémique, alors que le rectorat menaçait de poursuites les auteurs des faits de violence, la CUAE avait déployé une immense banderole dans le hall d’Uni Mail en soutien aux «étudiant-e-x-s réprimé-e-x-s». Contactée par e-mail, la CUAE n’a pas répondu à nos sollicitations concernant ses intentions en faveur, cette fois, d'une jeunesse iranienne en demande de laïcité.

En date du 7 octobre, le rectorat de l’Université de Lausanne (Unil), comme celui de l’Unige, du reste, a publiquement fait part de son plein soutien à «toutes les femmes et tous les hommes qui s’engagent publiquement, et risquent jusqu’à leur vie et leur liberté, pour pouvoir vivre dans une société qui rejoigne un tel modèle» («sans discrimination d’aucune sorte»). Dans la plupart des communications officielles, rédigées telles de prudentes notes diplomatiques tant à l’intention de l’Iran que des minorités de toutes sortes en Suisse, on note le soin pris à faire du combat iranien contre l’oppression religieuse, une lutte pour «tous les droits».

Centrés sur les besoins des Suisses

A l'Université de Lausanne, la Fédération des associations d’étudiant-e-x-s (FAE) n'a pas entrepris d'actions particulières en faveur de ses homologues iraniens.

«Nous nous sommes posé la question et nous avons décidé de nous concentrer sur les besoins des étudiants et étudiantes de l’Université de Lausanne. Nous n’avons pas davantage pris position sur la guerre en Ukraine»
Hannah Wonta, membre de la FAE

Une forme de neutralité sur de brûlantes questions internationales? La FAE est plus active sur des sujets sociétaux jugés proches des préoccupations du monde estudiantin. Elle a ainsi organisé une conférence sur la santé mentale des étudiants en rapport avec le Covid. Elle s’est impliquée, cette année, dans la lutte contre les discriminations raciales placée sous le patronage de l’Organisation des nations unies (ONU), elle a participé à une semaine sur les menstruations, à la journée de l’égalité à l’occasion de la date du 8 mars.

Les étudiants et étudiantes de l’Université de Neuchâtel (UniNE) ont un fonctionnement «plutôt apolitique», renseigne de son côté un membre de la FEN (Fédération des Etudiant-e-s Neuchâtelois-e-s).

«La situation en Iran n’est pas vraiment venue sur la table»
Un membre de la FEN

«Notre engagement porte davantage sur des aspects matériels de la vie des étudiants, les conséquences pour eux, pour nous, de l’inflation et de la crise énergétique. Nous demandons entre autres l’instauration de bons de mobilité pour baisser les coûts des déplacements dans les transports en commun», poursuit ce membre de la FEN.

Une mobilisation à Fribourg

L’Association générale des étudiant-e-s de l'Université de Fribourg (Agef), «apolitique» du fait de ses statuts, a grosso modo les mêmes priorités que sa consœur lausannoise. Sauf que c’est peut-être dans cette quatrième et dernière université romande qu’a eu lieu la seule mobilisation étudiante de soutien à la révolte des jeunes iraniens. Le 8 novembre, une «cinquantaine» de personnes se sont réunies sous le slogan féministe vu plus haut, ici rédigé en kurde, «Jin, Jiyan, Azadî» («Femme, Vie, Liberté»). Une initiative prise par une poignée d’étudiants de l’Université de Fribourg, parmi eux, une jeune femme, Thoma Menga, étudiante en sociologie.

«Pour nous, c’est important de soutenir la révolte en Iran»
Thoma Menga

Un appel international: «We are Iranian Students»

Sur les réseaux sociaux, des jeunes du collectif «We are Iranian Students» («Nous sommes des étudiants iraniens») appellent les «étudiants, lycéens et collégiens» de France et d’ailleurs à manifester leur solidarité avec la révolte en Iran. Comment? Par exemple en déployant dans leurs établissements une banderole «We are Iranian Students». Deux mois après le début du soulèvement iranien, assistera-t-on au réveil des universités romandes face à une cause universelle dans laquelle tout jeune peut aisément se projeter?

La sportive Iranienne Elnaz Rekabi a disparu après avoir retiré son foulard
Video: watson
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