Pull à col roulé bleu nuit, jean noir, cheveux à ras fraichement coiffés, barbe finement taillée, Alex*, un trentenaire court et trapu, dévoile ses origines marseillaises avec son accent chantant du sud. Ce cuistot, au lourd passé pénal, dont deux condamnations pour des braquages à la Vallée du Joux, est en quête d'une nouvelle virginité symbolisée par ses rêves d'immigration au Canada et de divorce avec le monde du grand banditisme. Mais avant la vie rêvée d'un futur proche, ce neveu d'une figure du grand banditisme marseillais, tué par balle dans une rue déserte en 2016, et qui fut proche d'un braqueur multirécidiviste spécialiste des évasions spectaculaires, doit rendre des comptes à la justice vaudoise pour un hold-up rocambolesque que la presse a baptisé «casse du siècle».
En septembre 2010, quatre petites minutes avaient suffi à deux bandits encagoulés pour s'introduire dans le Musée Audemars Piguet au Brassus (VD). Après s'être hissés sur une échelle, ils avaient cassé successivement une vitre ainsi que quatorze vitrines et emporté un butin d'une valeur de plusieurs millions de francs. Sans compter la valeur symbolique d'une montre spéciale qui attirait notamment des touristes asiatiques à la Vallée de Joux.
Formellement, rien n'indique qu'Alex a participé au cambriolage. Pas de traces ADN, pas de preuves matérielles. Rompu aux déboires judiciaires, le Marseillais qui tutoyait le procureur Christian Buffat en cours d'enquête applique opportunément le principe du «Pas vu, pas pris». Mais, plusieurs «faisceaux d'indices» ne plaidant pas du tout en sa faveur avaient conduit le Tribunal du Nord vaudois à se rallier, en mai dernier, au réquisitoire du procureur: trois ans de prison ferme.
Le prévenu ayant contesté le verdict, une audience a eu lieu jeudi au Tribunal cantonal vaudois. Le président de la Cour a rappelé ces faisceaux d'indices: la nuit du braquage, le traçage du téléphone portable d'Alex montre un déplacement entre Marseille et Lyon avant que l'appareil ne soit éteint jusqu'au lendemain, des recherches sur internet à propos du site horloger, les déclarations de l'ex-copine d'Alex l'incriminent et une lettre de son oncle alors incarcéré en Espagne laissant croire qu'il lui réclamait une montre de luxe.
Alex nie tout rôle actif mais admet connaître les acteurs, qu'il appelait «les collègues», d'après son ex-copine. Ceux-ci seraient venus le voir à Marseille pour lui proposer de revendre une partie du butin.
Me Inès Feldmann et Me Albert Habib, les deux avocats d'Alex, ont plaidé l'acquittement de leur client marseillais. Le procureur a demandé à la Cour de rejeter l'appel du caïd et, par conséquent, de confirmer la peine de trois ans de prison ferme. Le Tribunal cantonal vaudois va rendre son verdict la semaine prochaine.
* Prénom d'emprunt