Le Tribunal fédéral confirme la condamnation de Dieudonné pour discrimination raciale par la justice genevoise. L'homme ne peut se prévaloir de la liberté d'expression pour les propos tenus à Nyon et Genève selon lesquels les chambres à gaz n'auraient jamais existé.
L'humoriste français Dieudonné M'Bala M'Bala s'est produit à Nyon (VD) et à Genève en 2019. Dans un sketch, il interprétait un passager assis à bord d'un avion sur le point de s'écraser. Le passager proférait alors des propos irrévérencieux et, finalement, prononçait la phrase:
En 2021, le Tribunal de police de Genève l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amendes pour discrimination raciale et, dans un autre contexte, pour diffamation et injure. Ce jugement a été confirmé par la Cour de justice cantonale en 2022. Dans un arrêt publié vendredi, le TF rejette le recours de l'humoriste contre cette décision.
Selon l'article 261 bis du Code pénal, est notamment punissable quiconque, par haine ou mépris envers des personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, nie, minimise grossièrement ou cherche à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité. Affirmer «les chambres à gaz n'ont jamais existé» revient à nier, voire à minimiser grossièrement l'Holocauste et tombe sous le coup de cet article, relève Mon Repos.
Le recourant conteste avoir agi en étant mû par un mobile discriminatoire. Il s'est prévalu à cet égard du contexte dans lequel la déclaration incriminée est intervenue ainsi que de sa liberté d'expression.
Selon la Cour européenne des droits de l'homme, la protection conférée par la liberté d'expression s'applique également à la satire, qui est une forme d'expression visant naturellement à provoquer et à agiter. C'est pourquoi il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d'un artiste à s'exprimer par ce biais.
Au vu des circonstances, il apparaît que les propos en question n'ont pas été tenus dans un but supposément humoristique, parodique ou satirique. Le spectacle contenait diverses allusions évocatrices de l'état d'esprit du recourant et, en particulier, de son inclinaison à se moquer des victimes de l'Holocauste.
Les très nombreuses condamnations à l'étranger, ainsi que d'autres éléments contextuels, confirment également sa propension à adopter de tels comportements. Dans l'ensemble, le recourant aspirait principalement à minimiser la souffrance d'un peuple, voire aussi à provoquer une polémique au détriment des membres de la communauté juive, pour lesquels cette question est susceptible de jouer un rôle identitaire central.
Dès lors qu'il a agi en étant mû par un mobile discriminatoire, sa condamnation pour discrimination raciale doit être confirmée. Le TF a également confirmé la condamnation pour injure envers la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD), ainsi que pour diffamation à l'encontre du secrétaire général de cette dernière.
La Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) a pris acte avec «soulagement» du verdict du TF.
Pour la CICAD, cette décision du TF «fera désormais date et devrait interpeller nos autorités quant à la possibilité pour ces activistes racistes et antisémites de se produire en Suisse».
(sda/ats)