Suisse
La Chaux-de-Fonds

La tempête à La Chaux-de-Fonds était un «phénomène hybride»

Le 24 juillet 2023, un violent orage a balayé la région de La Chaux-de-Fonds, provoquant en une dizaine de minutes des dégâts matériels considérables.
En juillet 2023, un violent orage a balayé la région de La Chaux-de-Fonds, provoquant des dégâts matériels considérables.Image: KEYSTONE

Un «phénomène hybride» a frappé cette ville romande

L'origine et les causes de la tempête du 24 juillet 2023, à La Chaux-de-Fonds, demeuraient un grand mystère. MétéoSuisse lève le voile, dans une vaste enquête, sur ce phénomène exceptionnel.
23.04.2024, 14:0623.04.2024, 17:17
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Le 24 juillet 2023, une tempête intense a frappé la région de La Chaux-de-Fonds, causant en quelques minutes d'importants dégâts matériels sur les bâtiments et les forêts environnantes. La tempête a fait environ 40 blessés et un mort. La violence exceptionnelle du phénomène a conduit MétéoSuisse à mener une large enquête, afin de comprendre ce qu'il s'est vraiment passé dans les Montagnes neuchâteloises.

Qu'est-t-il arrivé l'été dernier à La Chaux-de-Fonds?

Le 24 juillet 2023, en matinée, des orages se développent dans «une masse d'air préfrontale modérément instable et fortement cisaillée sur le quart nord-est de la France et l'ouest de la Suisse», indique le rapport d'enquête de MétéoSuisse. Une de ces cellules prend «une forme arquée» et provoque quelques premières rafales intenses en Bourgogne (France) avant de faiblir en arrivant près du Doubs.

Cependant, en s'approchant de la frontière suisse, elle regagne soudainement en intensité et se transforme «en orage supercellulaire». Ce dernier atteint Le Crêt-du-Locle et la ville de La Chaux-de-Fonds, déclenchant des rafales de vent violentes dans la région en une dizaine de minutes. L'anémomètre de l'aérodrome des Eplatures enregistre alors une rafale de 217 km/h sur une seconde.

Les images de juillet dernier 👇

Vidéo: watson

Tornade? Rafales? Orage violent? Que s'est-il vraiment passé à La Chaux-de-Fonds? Et surtout comment anticiper ce genre de phénomène? MétéoSuisse a enquêté des mois pour tenter de répondre à toutes ces questions.

Voici comment Météosuisse a enquêté

Les investigations sur l'origine des phénomènes venteux violents associés à cet orage ont été menées à l'aide de diverses sources de données que l'Office fédéral de météorologie et de climatologie Suisse a rassemblé dans une longue étude.

MétéoSuisse indique que ses investigations visant à expliquer le phénomène se sont fondées sur «deux ensembles de données particulièrement précieux»:

Qu'est-ce que les radars n'ont pas vu?

Les radars météorologiques sont essentiels pour l'étude des phénomènes dits «convectifs», tels que les orages. Ils permettent à Météosuisse d'obtenir des informations précieuses sur deux paramètres clés:

  1. «Les intensités de précipitations, souvent fortes sous les orages en lien avec la présence de grêle et de pluies abondantes.»
  2. «Les vitesses radiales du vent, c’est-à-dire la vitesse à laquelle les vents (horizontaux) convergent vers le radar ou divergent du radar, et qui peuvent également renseigner sur la présence de rotations dans les orages.»

Les données utilisées pour La Chaux-de-Fonds proviennent du radar de la Plaine Morte, en Valais. Pourquoi un radar situé dans les Alpes et pas l'Arc jurassien? Simplement, car la portée de détection de celui de la Dôle (près de Genève), est limitée en raison de l'ombrage par un autre radar en direction du nord-est.

La Chaux-de-Fonds une rotation à grande échelle appelée «mésocyclone».
Image: MétéoSuisse

L'analyse de l'image ci-dessus révèle une rotation à grande échelle appelée «mésocyclone», explique MétéoSuisse. En zoomant sur l'image, on observe un motif similaire à plus petite échelle, suggérant potentiellement la présence d'un tourbillon plus petit, possiblement associé à une tornade en dessous.

Cependant, il est important de noter que les limitations des radars météorologiques empêchent la détection formelle des tornades. En effet, la résolution des images est insuffisante pour identifier ces phénomènes dont la largeur est de l'ordre de quelques dizaines à centaines de mètres. De plus, les données analysées ici concernent des vents à une altitude d'environ 4 km, tandis que les tornades se forment généralement près du sol.

«Ces données radar permettent donc de soupçonner la présence de rotations des vents à 2 échelles, mais pas de valider la présence d’une tornade, pourtant fortement suggérée par la violence d’une rafale mesurée à 217 km/h aux Eplatures et l’ampleur des dommages.»

Comment savoir alors ce qu'il s'est passé? Il faut se pencher directement sur les dégâts matériels infligés par la tempête.

Qu'est-ce que les dégâts nous apprennent de la tempête?

Pour comprendre ce qu'il s'est passé, MétéoSuisse s'est focalisée sur certaines zones qui illustrent les conditions de vent rencontrées. Ces zones ont été identifiées grâce aux photos aériennes. Ces dernières mettent en lumière la direction et la manière dont les arbres ont été abattus dans les zones touchées. Deux grands axes de dégâts distincts ont été mis en évidence.

«Le long du flanc nord de la ville, des tracés de dégâts souvent convergents sont apparents sur la végétation, en adéquation avec le passage d’une tornade. Au contraire, le long de la bordure sud de la ville, des dégâts de nature davantage rectiligne et divergents sont visibles, plus cohérents avec ceux rencontrés suite au passage d’une microrafale.»
MétéoSuisse

L'image explicative de MétéoSuisse 👇

Représentation de l’orientation approximative d’effondrement des arbres autour de la ville de La Chaux-de-Fonds observée suite à l’épisode orageux.
Effondrement des arbres autour de la ville de La Chaux-de-Fonds.Image: MétéoSuisse

L'analyse de la répartition géographique des dégâts révèle une concordance avec la trajectoire et la structure interne de l'orage supercellulaire observé par les radars lors de sa traversée de la ville.

Supercellule
Les supercellules sont des formations orageuses, particulièrement «grandes et dangereuses», selon MétéoSuisse. Elles sont souvent associées à des chutes de grêle et à de puissantes rafales de vent, et peuvent rester actives pendant de longues périodes. Il est difficile de déterminer avec précision la trajectoire exacte que ces supercellules vont suivre. «Pour que des supercellules se forment, il faut, en plus d'un orage mature, un cisaillement du vent. Ceux-ci peuvent être provoqués par des vitesses de vent différentes à différentes altitudes ou par des directions de vent différentes.»
Source: météosuisse

Conclusion: un phénomène «hybride»

L'analyse détaillée des données météorologiques et des observations sur le terrain permet de conclure que les violentes rafales de vent associées à un orage supercellulaire sont le résultat d'une combinaison complexe de facteurs.

«Les dégâts observés révèlent le caractère hybride du phénomène avec, par endroits, des dommages rectilignes et divergents infligés à la végétation, cohérents avec la thèse de microrafale et dans d’autres secteurs, des arbres couchés dans des directions clairement convergentes, en adéquation avec le passage d’une tornade.»

Juste avant d'atteindre La Chaux-de-Fonds, l'orage a connu une série d'éléments qui a amplifié son intensité.

«La propagation jusqu’au sol des très puissants vents descendants imbibés de précipitations a très probablement aidé à amorcer une circulation tornadique derrière ce rideau de précipitations à l’intersection du flux de tirage de l’orage et du courant descendant du flanc arrière, à l’image d’une toupie dans une machine à laver.»
MétéoSuisse

Comment se prémunir contre ce type de phénomène?

L'un des défis majeurs réside désormais dans le fait d'alerter la population face à l'arrivée d'orages aussi soudains et violents. Selon MétéoSuisse, les modèles numériques et les outils de prévision à court terme ne permettent pas encore de prévoir ce type de phénomène avec une finesse suffisante.

La difficulté principale réside dans le caractère extrêmement localisé de ces orages, tant dans le temps que dans l'espace. Leur petite échelle et leur évolution rapide les rendent difficiles à détecter et à prévoir par les systèmes de surveillance météorologique.

Néanmoins, des pistes d'amélioration se dessinent grâce aux investigations menées. Elles se déclinent à la fois, selon MétéoSuisse:

  • «Sur les outils de suivi en temps réel (nowcasting).»
  • «Sur les processus d’échanges de données transfrontaliers et la communication. Une coopération transfrontalière plus étroite pourrait également permettre d’identifier plus rapidement des cellules qui seraient passées entre les mailles du réseau de mesure, mais qui auraient déjà causé des dégâts en amont.»

MétéoSuisse dit s'engager à poursuivre ses travaux dans ces trois domaines afin d'améliorer constamment ses prestations et de mieux protéger les populations face aux orages violents et soudains.

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Video: watson
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