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Le récap'

Variole du singe: le virus qui a tout pour faire peur

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Le récap'

Variole du singe: le virus qui a tout pour faire peur

La guerre en Ukraine s'enlise, le Covid joue les petits bras et les vacances d'été tardent à pointer leurs coups de soleil. Le terreau est donc fertile pour s'enflammer autour d'un virus qui, pour l'heure, ne fait pas vraiment paniquer le monde scientifique. Sexe, horreur, paranoïa, voici les trois ingrédients qui font monter l'angoisse aussi vite qu'une mayonnaise.
23.05.2022, 16:5231.05.2022, 16:00
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Le 7 mai 2022, le monde (re)découvre la variole du singe par l'intermédiaire d'un anglicisme moins effrayant que la version française: monkeypox. Et pour cause, c'est en Angleterre qu'un homme, de retour d'un voyage au Nigeria, est parachuté au cœur d'une nouvelle inquiétude planétaire. Depuis, une centaine de cas ont été détectés en Occident. Confirmés ou suspectés. La Suisse n'échappe d'ailleurs pas aux annonces solennelles des autorités sanitaires, qui se succèdent.

Samedi, c'est à Berne que le virus fait sa première entrée en scène. La Confédération songe à se payer des vaccins, les cantons jurent être parés pour lancer des traçages à grande échelle, les médecins sont priés de rester vigilants, les scientifiques ne sont pas à l'apogée de la panique. Ce qui n'empêche pas tous les spécialistes de chanter (pour l'instant) en chœur le constat que si «le virus est connu, la situation est inhabituelle».

«Certes, le premier cas de l’épidémie actuelle, survenu le 7 mai au Royaume-Uni, était un voyageur de retour du Nigeria. Mais depuis, plusieurs autres cas ont été confirmés au Royaume-Uni, sans qu’on puisse établir de lien ni avec le cas du 7 mai ni entre eux. Aucun voyage à l’étranger compatible avec une contamination n’a pu être mis en évidence et les chaînes de transmission directes n’ont pu être établies. Cette situation suggère qu’il existe plusieurs chaînes de transmission et une circulation autochtone du virus»
Camille Besombes, médecin infectiologue et doctorante dans l'Unité d'épidémiologie des maladies émergentes, à l'Institut Pasteur

Entre qui-vive et affolement, il est trop tôt pour placer le curseur. Reste que la période est propice à l'émergence d'une nouvelle angoisse érigée en copropriété mondiale. Le Covid n'a plus grand-chose de prégnant à raconter hormis son frais souvenir, le conflit ukrainien s'enlise, Zelensky pourrait commencer à faire bâiller ses plus fervents défenseurs et les vacances estivales sont encore loin.

Ce n'est pas nouveau, l'être humain a toujours eu besoin de rafraîchir ses sources d'inquiétudes. On a donc décidé de pointer trois ingrédients qui permettent aujourd'hui de faire de la variole du singe, l'ennemie phobique numéro un.

L'horreur

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La variole du singe abrite tout ce qui pouvait cruellement manquer au Covid pour sensibiliser le quidam. Son surnom, déjà. Alors que la «simple» évocation de la variole peut suffire à serrer quelques gorges hypocondriaques, y injecter un animal lui confère des allures de film catastrophe hollywoodien. Pourtant, le singe n'est pas pour grand-chose dans la propagation occidentale de l'orthopoxvirose simienne (son véritable nom, autrement moins bankable). Si la souche a bien été isolée pour la première fois entre les poils d'un primate en 1958, au Danemark, les principaux suspects sont désormais à chercher du côté des écureuils et des rongeurs.

Dans la série The Rain, disponible sur Netflix, un virus brutal élimine la majeure partie de la population.
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Si le Covid-19 est une maladie invisible, dont il a fallu quasiment dessiner la gravité à la main pour qu'elle s'imprime dans l'opinion publique, la variole du singe laisse des traces bien visibles et plutôt peu ragoûtantes. Sur la peau des malades et dans les esprits de la population. Depuis le 7 mai dernier, les éruptions cutanées sont dévoilées en même temps que les premiers cas. Un symptôme impressionnant, d'autant qu'il s'affiche volontiers sur les extrémités du corps et le visage, qui offre beaucoup d'espace à l'imagination. A ce point que la fièvre, les douleurs musculaires, l'asthénie et les maux de tête sont, eux, relégués au second plan.

Pour l'heure, si la variole du singe est bien une petite cousine de la redoutable variole tueuse des années 80 et que les symptômes laissent certains bouche bée, elle présente un risque moins grand de complications. «Les symptômes sont plus volontiers voisins de ceux de la varicelle que de la variole, tant cliniquement qu’en sévérité», expliquait l'épidémiologiste Antoine Flahaut dans les journaux de Tamedia. Une autre précision qui pèse de tout son poids: la variole du singe n’est pas due à un virus à ARN comme le SARS-CoV-2. Un risque de pandémie qui évoluerait rapidement n'est pas redouté par les médecins. Et rappelons aussi qu'aucun cas détecté ne présente, pour l'instant, d'éruptions cutanées alarmantes.

Désolé Netflix.

Le sexe

Darklands, un festival belge qui réunit chaque année des milliers de fétichistes venus du monde entier, est soupçonné d'être devenu un cluster.
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Un sauna réservé à une clientèle homosexuelle en Espagne, un festival fétichiste en Belgique. C'est amplement suffisant pour propager non seulement le virus, mais surtout l'idée que la variole du singe serait une maladie sexuellement transmissible et réservée aux hommes. Un lieu humide et favorisant la promiscuité est idéal pour faire voyager les petites bestioles non désirées.

Lundi matin, l'Agence des nations unies pour le sida (Onusida) a tiré une première sonnette d'alarme contre les risques d'homophobies dans la présentation du virus. Le mot d'ordre: pas d'amalgame!

«Certains rapports sur le virus de la variole du singe sont racistes et homophobes. Nous mettons en garde contre l'exacerbation de la stigmatisation qui perturbe une réponse rapide et efficace à l'épidémie croissante»
Onusida

Le virus semble pourtant apprécier particulièrement l'épiderme des jeunes hommes homosexuels. Ce sont les chiffres et les spécialistes qui le disent. Même si les personnes immunosupprimées et les enfants présentent un risque plus élevé d’évolution grave. «Les premières indications démontrent que le virus touche majoritairement des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes.» C'est le chef du service des maladies infectieuses aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Laurent Kaiser, qui l'a affirmé dimanche sur la RTS. Un constat partagé par la médecin cantonale bernoise qui surveille de près le premier cas suisse. Pour l'heure, aucun moyen d'infirmer cette thèse et de taire définitivement les volontés de stigmatisation. Pour l'instant, une seule femme porteuse du virus a été identifiée. En Espagne.

«En Europe, des cas ont été découverts chez des homosexuels. On ne sait toujours pas s'il s'agit d'une coïncidence»
La médecin cantonale bernoise Barbara Grützmacher

Blick, qui a pu s'entretenir avec un Romand présent au festival fétichiste d'Anvers, avoue craindre plus volontiers la stigmatisation que le virus lui-même. Pour une raison principale: «Je n'ai pas multiplié les partenaires, au contraire de certaines personnes présentes à cette édition de Darklands particulièrement attendue».

Le sauna Paraiso à Madrid, soupçonné d'être à l’origine de nombreuses infections, a fermé ses portes en urgence.
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Sexuellement transmissible, la variole du singe? Aussi, mais pas que. «Les contacts intimes et rapprochés lors de rapports sexuels expliqueraient la facilitation d’une transmission interhumaine d’un virus connu habituellement comme peu transmissible», précise Camille Besombes, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, citée par The Conversation.

La paranoïa

Quelques centaines de cas bénins, des premiers vaccins en ligne de mir, des croûtes pas très jolies sur le visage et paf: certains conspirationnistes respirent déjà dans des sacs en papier. Tout serait donc orchestré par le capitalisme et les puissances mondiales. Un petit arrière-goût de Covid-19 plane sur l'arrivée de la variole du singe. Le virus aurait été créé par l'homme et Bill Gates aurait non seulement prédit, mais participé à son apparition. «Pour mémoire, Bill Gates et son étrange boule de cristal avaient prévenu d'une épidémie de variole l'année dernière, mais, comme d'habitude, ça n'est qu'un hasard, n'est-ce pas?», peut-on lire sur les réseaux sociaux.

Les politiciens installés, les mêmes qui prenaient plaisir à taper sur le crâne des élus chargés d'instaurer des mesures durant la pandémie de coronavirus, reviennent naturellement à la charge. A l'image du président des Patriotes, en France.

Les risques sont plus grands pour ceux qui ont plusieurs partenaires sexuels

Quoi qu'il en soit, ce 23 mai 2022, la panique n'est toujours pas à l'ordre du jour. Dans le monde, comme en Suisse. Des précautions sont prises et les scientifiques ont un nouvel os, sérieux, mais sous contrôle, à ronger. Sur le site de la Confédération, on se veut même simplement proactif: «Les cas suspects devraient être isolés (période à définir en concertation avec les médecins cantonaux), testés et immédiatement déclarés aux médecins cantonaux et à l’Office fédéral de la santé publique de Suisse (OFSP)».

De son côté, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) vient tout juste de publier son premier rapport officiel. S'il rappelle que la vitesse de transmission est pour l'instant faible, les personnes les plus à risques sont celles qui ont plusieurs partenaires sexuels, «incluant des rapports homosexuels». Et si vous êtes touché par la variole du singe, «évitez toute sorte de contact étroit, y compris lors d'un rapport sexuel protégé».

Les catégories à risques:

Tableau des personnes à risques publié lundi après-midi par l'ECDC.
Tableau des personnes à risques publié lundi après-midi par l'ECDC.

De manière générale, la machine à angoisses est d'ores et déjà lancée. Les prochains jours confirmeront (ou non) les scénarios dignes des plus grands films d'horreur, qu'une partie de la population laisse trotter dans son esprit depuis une semaine.

To The Lake (Netflix). Un thriller apocalyptique sur un virus ultracontagieux à Moscou.
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Loris chante Lose yourself à The Voice
Video: watson
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