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Montagne

Résistance psychologique et physique: le quotidien d'une jeune pisteuse

Katja Keller, pisteuse à Arosa.
Katja Keller pratique sa passion sur les pistes de la station d'Arosa. Image: Adrian Kamber

Résistance psychologique et physique: une pisteuse suisse raconte sa saison

Jambes cassées, enfants égarés ou déclenchements d'avalanches: les patrouilleurs des pistes sont très sollicités en hiver. Katja Keller, 29 ans est l'une d'entre eux. C'est dans les montagnes grisonnes qu'elle a effectué sa première saison.
06.04.2024, 11:54
Adrian Kamber / ch media
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Rien n'y fait. A peine appliquée, la moindre trace de pommade sur ses lèvres s'en va déjà. Elles sont gercées et éclatées. Le bronzage de son visage est complètement irrégulier, beaucoup moins présent autour des yeux que sur ses joues couvertes de taches de rousseur. Elle a la peau autour des ongles abîmée ou déchirée.

C'est un visage comme seul un hiver en montagne peut en peindre. Marqué par le soleil, le vent et la neige. Tout comme les mains, quotidiennement exposées. Ces mains qui rassurent, parfois ou qui donnent des ordres. Qui sauvent des vies.

Ce visage et ces mains sont à Katja Keller, une patrouilleuse de pistes.

Lorsque la jeune Argovienne parle de son nouveau travail, elle rayonne:

«C'est une joie immense de pouvoir travailler ici, à la montagne»
Katja Keller

En décembre dernier, la jeune femme de 29 ans a commencé la saison pour la société Arosa Bergbahnen AG.

Aujourd'hui, plus de 40 missions, quelques bras cassés, des genoux tordus à la pelle et d'innombrables larmes d'enfants séchées plus tard, elle affirme:

«C'est exactement comme je l'avais imaginé. Les débuts ont certes été difficiles, mais plus j'avance, plus j'y trouve du plaisir»

Elle a toujours aimé le ski. Cette vendeuse de formation, qui travaillait jusqu'à présent comme jardinière d'entretien, explique: «Je me suis longtemps demandé quoi faire dans une station de ski. Une amie m'a parlé de ce poste dans le domaine skiable d'Arosa-Lenzerheide et elle m'a un peu poussée à m'inscrire ici». C'était l'occasion de se lancer un défi.

Des peluches dans le sac de premiers secours

Un défi loin d'être simple: les pisteurs doivent répondre à des exigences élevées. En plus de connaissances médicales (cours de premiers secours, utilisation d'un défibrillateur), il faut également avoir un physique solide et de très bonnes aptitudes sportives en ski et dans la poudreuse. Lors de l'examen d'entrée, les candidats à la formation de deux semaines doivent gravir 500 mètres de dénivelé à ski de randonnée en 60 minutes et manœuvrer une luge de sauvetage chargée à bloc dans un terrain escarpé.

Katja Keller, pisteuse à Arosa.
Image: adrian kamber

Mais le plus important dans le métier, c'est le contact avec les blessés. «Ma spécialité», ajoute l'Alémanique, sourire en coin. Peut-être parce qu'elle a grandi avec deux sœurs plus jeunes. En tant que patrouilleuse, elle rencontre toutes sortes de profils: des enfants, des adolescents, des seniors, des personnes en état d'ébriété, des personnes en larmes, qui hurlent de douleur.

Il faut d'abord calmer et examiner les blessures. Lorsque «Arosa 9», comme on appelle Keller à la radio, doit intervenir, elle se met à l'écoute. Par exemple lorsqu'il faut contenir les émotions des parents dont l'enfant s'est fait mal.

«Dans ce cas, c'est pas mal de les impliquer dans le sauvetage. Je leur demande par exemple de marquer le lieu de l'accident plus haut ou d'avertir les autres skieurs. Ils sont ainsi occupés.»

Les enfants, justement, la skieuse de Herznach les adore. Dans son sac de premiers secours, elle a toujours avec elle deux petites peluches au milieu des pansements, bandages, attelles de bras et autres chaufferettes. «Les enfants peuvent s'y accrocher, cela les distrait».

Les affaires de Katja Keller pour travailler sur les pistes.
Image: Adrian Kamber

Résistance psychologique exigée

Lors de leurs interventions, les patrouilleurs ne sont pas seulement sollicités physiquement, mais aussi psychologiquement.

«Ce sont toujours les enfants qui me font le plus de peine»
Katja Keller

En effet, il ne suffit pas seulement de soigner un patient et de l'amener à l'ambulance au village en contrebas. «Certains cas m'occupent encore une ou deux heures après», explique la patrouilleuse.

En Suisse, plus de 60 000 personnes se blessent chaque année en pratiquant des sports de neige. Les genoux meurtris ou les poignets cassés font partie des blessures les plus bénignes. Selon le Bureau de prévention des accidents, les accidents sur les pistes font en moyenne cinq victimes par an. Le chiffre est nettement plus élevé pour le hors piste. Rien que cet hiver, quatorze personnes ont déjà perdu la vie dans des avalanches.

Katja Keller en plein exercice pour poser une attelle.
Image: Adrian Kamber

Jusqu'à maintenant, Katja Keller n'a pas encore été confrontée à un accident mortel. «Je n'ai pas encore atteint mes limites», dit-elle, «il me reste un peu de marge». Même si elle espère évidemment ne pas devoir en arriver là. Néanmoins, être prête à sauver des vies à chaque instant, ça fait partie du métier.

Objectif: prochaine saison

Le sauvetage, c'est aussi parfois des moments réconfortants. Par exemple, la première course du matin, pour le contrôle de l'état de la piste. Seule au monde. Ou les minages d'avalanches auxquels Katja Keller assiste parfois.

Pour pouvoir réaliser elle-même des explosions à l'avenir, Keller veut suivre le cours spécial l'hiver prochain ainsi que le deuxième cours de patrouilleur. Car elle souhaite en tout cas faire une deuxième saison. Et ensuite, on verra. «J'ai appris que dans la vie, il ne faut de toute façon pas prévoir trop longtemps à l'avance».

Après avoir passé près de cinq mois en montagne, elle se réjouit de reprendre sa place de jardinière «de l'Unterland argovien» en mai. Elle troquera alors ses bâtons de ski contre un taille-haie ou une tondeuse à gazon.

Et son bronzage redeviendra uniforme.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

De gros moyens ont été déployés pour retrouver les victimes à Tête Blanche
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