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Valais: La montagne rend humble, je l'ai appris à mes dépens

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La montagne rend humble, je l'ai appris à mes dépens

Le récent drame de Tête Blanche (VS) rappelle que tout peut basculer d'un moment à l'autre en haute altitude. Je l'ai vécu et cette expérience m'a marqué.
17.03.2024, 14:5117.03.2024, 14:52
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La montagne condamne le moindre excès de confiance. L'accident de Tête Blanche est un terrible drame, diront les uns, ou un excès de confiance, diront les autres. Les malheureux qui ont laissé leur peau sur le secteur de Tête Blanche, devaient accomplir l'ascension rapidement, selon les informations, pour préparer la Patrouille des Glaciers. Mais la montagne s'est transformée en bête noire.

La météo, le foehn violent ont changé Tête Blanche en une «machine à laver», comme nous le décrivait le guide André Anzévui. Un réel cauchemar où tout le monde peut perdre ses moyens et prendre des décisions hâtives.

Ce sentiment, je l'ai effleuré.

Accompagné d'une bande d'amis et d'amies, j'ai expérimenté cette sensation étrange d'une montagne qui vous oblige à vous cramponner à votre courage.

Notre plan de marche a changé, de quelques minutes, ou d'une heure, je ne sais plus, le timing était d'un seul coup trop serré, mal calculé lorsqu'une perturbation violente s'est abattue. On connaissait les mauvaises prévisions météo, avant de mettre les sacs sur le dos, mais on se disait que ça passait sans encombre.

Le vent tempétueux, les températures qui dégringolent, la foudre qui s'abat sur les parois rocheuses; l'ambiance est devenue tout de suite plus lourde lorsque le ciel s'est déchaîné.

Le débat était de savoir s'il était judicieux de continuer. L'un disait oui, l'autre faisait la moue. Mais une timide majorité se dessinait pour relier la cabane, alors que le danger se faisait de plus en plus pressant.

La sensation d'un malaise devenait prégnante, celle qui vous agrippe les tripes. Et vous vous dites: on rebrousse chemin ou pas? La décision doit se prendre rapidement, car les rafales devenaient de plus en plus fortes et pétrifiaient certains membres du groupe. Ça tergiversait, ça s'abritait. La panique s'emparait d'un membre, paralysé par l'écho sourd de la foudre et les trombes d'eau qui s'écrasaient sur les gros névés encore présents, qui ne faisaient qu'amplifier la peur. Les rires disparaissaient dans le brouillard qui nous enveloppait, pour faire place à des visages crispés.

Mais on a décidé de persévérer.

On se demandait comment on avait pu en arriver là - pourquoi cette maudite pause de moins d'une heure pour se restaurer. Un répit qui aurait pu avoir des conséquences fâcheuses.

Le refus de rebrousser chemin était le premier choix. L'orgueil était là: on voulait mener à bien cet itinéraire. L'égo parlait. Soudain la paroi qui nous dominait devenait plus verticale, elle nourrissait une sensation d'oppression inconnue les minutes précédentes.​

A la merci de la météo

Une fois que le soleil s'était échappé, la beauté de la montagne devenait vénéneuse. Mes compagnons et moi-même devenions des randonneurs à la merci du temps. On s'enfonçait dans une peur muette et des conversations sérieuses s'enclenchaient. Au-dessus de nos têtes, les mauvaises conditions s'intensifiaient, les regards commençaient à laisser poindre cette angoisse qu'on tentait de taire et ranger dans un coin de notre esprit.

Moi, cette interrogation continuait à hanter mes pensées: pourquoi cette pause?

On se pensait rapide, mais pas assez face aux éléments; on savait que cette perturbation allait nous tomber dessus, mais pas avec autant de virulence; on oubliait le tribut de l'effort.

L'orgueil est mauvaise conseillère, elle nourrit ce foutu excès de confiance qui déplaît à Mère Nature.

Là, au milieu d'une grande vallée, mon coeur battait fort. Je pensais immanquablement au pire, si l'un ou l'une de mes camarades ne s'en sortait pas, comment gérer le pire.

Je feignais une assurance que je n'avais pas.

Or les questionnements ne cessaient de se bousculer dans ma tête, surtout quand l'un de vos partenaires se retrouve au bord de l'asphyxie, terrorisé par le mauvais temps.

Le saut dans l'inconnu

L'inconnu fait terriblement peur, les nuages qui se déchaînaient rendaient l'environnement hostile. Ils l'étaient spécialement quand ils léchaient la crête, celle où vous deviez emprunter pour relier le refuge - là-haut, vous êtes à nu et vous vous dépêchez pour éviter d'être foudroyé ou balayé par la force des vents.

Le temps de réflexion était réduit, voire nul - je comptais si tout le monde était présent, et fonçait alors que le précipice guignait le moindre faux pas pour m'avaler.

Le danger peut arriver à tout moment, là-haut, dans la montagne.

Surtout, pour nous, c'était une randonnée facile, avec du dénivelé, mais simple à accomplir. Comme pour ces six malheureux alpinistes à Tête Blanche, qui connaissaient les lieux comme leur poche. Le guide d'Arolla, André Anzévui, nous expliquait aussi qu'«au bureau des guides d'Arolla, Tête Blanche est une randonnée considérée comme facile».

Le terme facile prend un tout autre sens quand la météo s'en mêle à haute altitude. En montagne, tout est démultiplié, tout devient incertain. Si mes amis et moi-même en riions aujourd'hui, cette randonnée aurait pu se dérouler autrement. C'était une piqûre de rappel.

Cette expérience narrée, me permet de voir le drame de Tête Blanche sous un autre angle, celui d'éviter le jugement hâtif. De nombreux éléments entrent en ligne de compte. Une chose est sûre: la montagne enseigne l'humilité.

De gros moyens ont été déployés pour retrouver les victimes à Tête Blanche
Video: watson
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