Tout autant qu’elle fera en sorte d'éclaircir les circonstances du drame survenu jeudi dernier à Montreux, l’enquête devra faire la lumière sur la nature des liens que les pouvoirs publics entretenaient avec cette famille française de cinq personnes, dont une seule, le fils de 15 ans, a survécu à la chute de sept étages.
Plusieurs acteurs sont potentiellement concernés: la municipalité de Montreux, le département cantonal de justice et police, celui de l’instruction publique, de même que les services de la protection judiciaire de la jeunesse, connus sous l’acronyme ARAS dans le canton de Vaud. Y aurait-il eu des dysfonctionnements à quelque échelon que ce soit, qui expliqueraient, par exemple, que la fillette de 8 ans morte à cette occasion, n’ait pas eu d’existence légale aux yeux des autorités vaudoises?
Watson s’est entretenu samedi avec Roland Berdoz, l’un des deux préfets du district de la Riviera-Pays-d’Enhaut, qui englobe Montreux. C’est sur ordre de cette préfecture que deux gendarmes se sont présentés jeudi aux alentours de 6h15 au domicile de cette famille, situé 35 Avenue du Casino. Ils ont frappé pendant une demi-heure à la porte, que personne, à l’intérieur de l’appartement, n’a ouverte.
Les gendarmes étaient porteurs d’un mandat d’amener destiné au père de 40 ans, lequel devait être conduit dans les locaux de la préfecture, situés à Vevey, pour y être entendu. «Il s’agissait là d’une procédure pénale. Comme tout individu placé dans ce cas de figure, il aurait pu être assisté d’un avocat», précise le préfet Berdoz sans se prononcer sur le fond de l'affaire.
Le père devait être interrogé sur la situation scolaire de son fils de 15 ans, scolarisé à domicile, comme l’autorise le canton de Vaud.
«La gendarmerie n’intervient que lorsque les services de l’instruction publique ont eux-mêmes auparavant tenté plusieurs fois et en vain d’entrer en contact avec les parents», explique Roland Berdoz. «Cette procédure est activée environ cinq fois par an dans le district», ajoute le préfet.
Combien de courriers de rappel l’instruction publique a-t-elle pu adresser à cette future famille meurtrie avant de solliciter la force publique? Roland Berdoz l’ignore ou ne souhaite pas répondre, l’enquête étant dans les mains de la justice vaudoise. «Mais en règle générale, il n’y a pas un nombre précis de courriers», répond le préfet. Qui précise:
Dans le cas de la famille au cœur du drame de Montreux, cela veut dire qu'un courrier de convocation lui avait été adressé avant la visite des gendarmes.
Trois situations de déscolarisation peuvent justifier l’envoi de de la force publique: lorsque le suivi parental d’une instruction à domicile fait défaut; lorsqu’un enfant est retiré de l’école sans raison; lorsque l’autorité a connaissance de l’existence d’un enfant et que celui-ci n’est scolarisé d’aucune manière.
Comment se fait-il que la fillette de 8 ans décédée jeudi, pourtant aperçue par des résidents de l’immeuble, comme par cette voisine qui dit avoir vu «toute la famille samedi dernier à la Migros», soit restée inconnue de l’école et de toute autre institution du canton de Vaud? Ne séjournait-elle à Montreux qu'épisodiquement?
Cette habitante du 35 de l’Avenue du Casino disait-elle vrai, vendredi, au lendemain de la tragédie, lorsqu'elle affirmait avoir «fait des pieds et des mains pour qu’on vienne s’occuper de cette famille qui dormait le jour et vivait le nuit»?