En temps normal, la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) effectue au moins une visite par année au domicile des enfants scolarisés dans un cadre parental. «En 2020 et 2021, à cause du Covid et pour éviter les contaminations, ces contrôles ont été remplacés par des visioconférences», rapporte à watson le directeur de ce service de l’Etat de Vaud, Giancarlo Valceschini. Ce dernier confie être «sous le choc» du drame survenu jeudi dernier à Montreux, qui a été fatal à quatre personnes d’une même famille, alors que l’adolescent censément scolarisé à domicile a échappé à la mort.
Une enquête étant en cours, Giancarlo Valceschini ne souhaite pas s’exprimer sur ce cas précis. Mais il est possible qu'en raison de la pandémie, la DGEO ne se soit pas rendue deux années de suite au domicile du garçon pour vérifier l’état de ses connaissances, privilégiant des entretiens à distance. Qui auraient donné satisfaction.
Quoi qu’il en soit, cette année, la famille de l'adolescent, de nationalité française, établie depuis trois ans à Montreux, logée au septième et dernier étage d'un immeuble, n’allait pas couper à la venue en bonne et due forme de la DGEO. C’est parce que ses appels et courriers (au moins un appel téléphonique, un premier courrier, suivi d’un recommandé) sont restés sans réponses que la DGEO a passé le relais à la préfecture de Riviera-Pays-d’Enhaut.
Une procédure judiciaire a alors été engagée, avec mandat d’amener délivré contre le père, qui devait être conduit jeudi matin dans les locaux de la préfecture, à Vevey, pour y être entendu. Les deux gendarmes dépêchés au lever du soleil à cette fin auront frappé, en vain, pendant une demi-heure, à la porte de ce dernier. Ils ne pouvaient prévoir la suite tragique. Avant qu'il ne reçoive la visite des gendarmes, le père avait été sommé par courrier de se présenter à la préfecture, ce qu'il n'avait pas fait. Mais, précise-t-on côté police:
«Les dénonciations de la DGEO au préfet pour non-respect de scolarisation à domicile sont extrêmement rares. Ces cinq dernières années, il y en a eu deux, dont celle concernant l’adolescent de la famille montreusienne», affirme Giancarlo Valceschini.
Dans cette tragédie, la petite sœur de huit ans, décédée en même temps que ses parents et sa tante, sera restée inconnue de l’Etat de Vaud.
Ce matin du 24 mars, les plus proches voisins de la famille de ce malheureux septième étage ne se souviennent pas avoir entendu des cris. Y a-t-il eu suicide collectif? Assassinat perpétré par au moins l'un des membres de la famille envers les autres? La police cantonale vaudoise examine ces différentes pistes.
Une famille qui vivait pour ainsi dire en vase clos, comme pris au piège de cet appartement d’angle, apparemment enregistré au nom de l’épouse, 41 ans, une dentiste qui n’exerçait plus depuis 2015, marchant aidée d’une canne, rapportent des habitants de l’immeuble. Le père, 40 ans, diplômé de la prestigieuse Ecole Polytechnique, s’était reconverti dans la billetterie en ligne. La sœur jumelle de l’épouse était une ophtalmologue réputée qui avait semble-t-il réduit son taux d’activité.
Une dame des étages du bas de l’immeuble garde un bon souvenir de cette famille «toujours aimable et souriante», qu’elle croisait aux boîtes aux lettres. D’autres résidents n’en disent pas autant, qui s’en rappelle comme de personnes répondant à peine aux «bonjours» et aux «bonsoirs». «Ils se déplaçaient toujours ensemble, à quatre ou cinq dans l’ascenseur pourtant assez étroit, le père placé devant le reste de la famille, comme en protecteur», témoigne un habitant.
Le matin du drame, peu après les faits, un résident dit avoir entendu une habitante appeler la gérance immobilière pour lui reprocher de ne pas avoir donné suite aux alertes dont elle lui aurait fait part au sujet de cette famille. La gérance ne souhaite pas commenter ces propos.
La famille avait un comportement jugé inhabituel, qui, pour le moins, intriguait. Elle sortait peu la journée, se faisait livrer des cagettes de victuailles. L’année dernière, en octobre, alors visiblement absente, une quantité importante de colis en carton s’étaient entassés devant sa porte pendant une semaine entière. A l'entrée, à hauteur d’œilleton, un pendentif portant l'inscription «Jesus is the Reason for the Season», un titre de gospel, témoigne de la présence passée de cette famille à cette adresse.