Au Conseil des Etats jeudi, il s'agissait de rien moins qu'un changement de paradigme. Sur la table? Un projet de loi qui avait de quoi séduire. Le titre en donnait déjà l'orientation: «Les populations croissantes de loups échappent à tout contrôle et mettent en danger l'agriculture sans possibilité de régulation».
La Commission qui portait le projet souhaite que les loups puissent être abattus de façon préventive, afin d'éviter des dommages ou des menaces futurs. De ce fait, dégâts causés au préalable par un animal ou une meute ne devraient donc plus être déterminants.
Une plus grande marge de manœuvre doit également exister pour le tir d'animaux isolés. Il devrait désormais être possible d'abattre les loups les moins craintifs, qui pointent leur nez de plus en plus régulièrement dans les agglomérations et qui deviennent ainsi un risque. Cette compétence n'a pas été modifiée: avant que les cantons puissent abattre des animaux, la Confédération doit donner sa bénédiction.
Le Conseil des Etats a, lui aussi, estimé qu'il fallait agir. Il a approuvé la réforme de sa Commission par 31 voix contre 6 et 4 abstentions. «Un changement de paradigme s'impose d'urgence», a souligné le porte-parole de la commission Othmar Reichmuth (centre/SZ). La population de loups a doublé au cours des trois dernières années. C'est surtout dans les régions de montagne que cela pose problème.
Beat Rieder (centre/VS) a prédit que la propagation du loup aurait pour conséquence que tous les cantons seraient concernés dans quelques années.
La majorité bourgeoise ne s'est pas laissée déconcerter par le fait qu'elle ébranle ainsi la décision populaire de septembre 2020. Lors de la révision de la loi sur la chasse, une majorité des votants s'était prononcée contre le tir préventif de loups. Le nouveau projet tient compte de ces réserves, a assuré Martin Schmid (PLR/GR).
Du côté des opposants, cela a provoqué la consternation. Au vu de la décision du peuple, une «certaine humilité» serait de mise, a fait remarquer Daniel Jositsch (PS/ZH). Il a identifié un problème fondamental:
Si le Parlement veut vraiment empêcher les attaques de moutons, il doit éradiquer le loup. C'est aussi l'esprit de la loi.
Reichmuth s'y est opposé. Selon lui, la régulation ne mettra pas en danger la population de loups. Beat Rieder (centre/VS) lui a emboîté le pas: «Le projet garantit expressément la présence du loup». Schmid a fait remarquer que la problématique n'allait pas se résoudre d'elle-même.
Les «protecteurs du loup» n'ont pas compris que la commission ne se soit pas inspirée du large compromis des organisations de l'agriculture, de la sylviculture, de la chasse et de la protection de la nature. «Je ne comprends pas pourquoi vous voulez maintenant jeter ce compromis aux orties», a déclaré Jositsch.
De quoi parle-t-on? Ce compromis prévoyait de permettre une régulation plus rapide des populations de loups «en cas de probables dommages importants à l'avenir». Toutefois, les populations régionales de loups ne doivent, dans ce contexte, pas être menacées dans leur existence et la protection des troupeaux doit rester centrale. Le projet actuel se distingue par le fait qu'il assimile le loup au bouquetin. Les opposants reprochent ainsi au loup de devenir un animal en principe chassable.
Le Conseil fédéral a également essuyé une défaite. La ministre de l'Environnement, Simonetta Sommaruga, s'est opposée à de nouvelles aides financières. La commission a ainsi proposé que la Confédération participe aux dommages causés aux infrastructures par les castors ainsi qu'aux frais de personnel des cantons dans le cadre de la gestion du loup. Le Conseil des Etats était du même avis. Le projet passe maintenant au Conseil national.