C'est un «saut quantique» en matière de loi pénale sexuelle qui vient d'être franchi, a jugé mardi soir le conseiller aux Etats Beat Rider (Centre/VS), cité par l'Argauer Zeitung. Andrea Caroni (PLR/AR) évoquait pour sa part un «jalon». C'est une «lacune importante» qui vient d'être comblée.
En effet, c'est peut dire que la notion pénale de «viol» en Suisse accusait un sacré retard sur son temps et nécessitait une sérieuse modernisation.
A l'avenir, il n'y aura plus besoin de violence, de menaces ou de pression psychologique pour qu'une agression sexuelle soit qualifiée de viol. Il suffit que la volonté exprimée verbalement - ou non verbalement - par la victime soit ignorée. La peine minimale s'il y a coercition a été augmentée à deux ans.
En outre, le Conseil a convenu que les victimes masculines devraient être incluses dans la définition du viol. Toute pénétration non consentie, qu'elle soit orale, vaginale ou anale, effectuée sur un homme ou une femme doit être considérée comme un viol. Une personne qui oblige un tiers à violer quelqu'un sera également considérée comme une violeuse.
Le projet introduit en outre une gradation des infractions:
Les peines augmenteraient avec la gravité de l'infraction, allant de l'amende à cinq ans de prison. Aucun plafond n'étant mentionné, la peine maximale pourrait aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. Werner Salzmman (UDC/BE) a quant à lui tenté de supprimer les amendes et augmenter les peines de prison. Il n'a pas eu gain de cause.
Finalement, il s'est prononcé pour que certains actes à caractère sexuel impliquant des enfants de moins de 12 ans soient punis d'une peine d'emprisonnement minimale d'un an.
Faute de temps et d'avoir pu tout aborder, la petite chambre poursuivra ses délibérations lundi prochain. Sera notamment débattue la possibilité de créer une nouvelle infraction pour la pornographie dite «de vengeance».
Le Conseil des Etats a aussi et surtout dû débattre d'une notion très discutée: le consentement.
Deux variantes ont été posées sur la table:
Pour la gauche, la première option n'allait pas assez loin - et «il existe un risque non négligeable qu'une partie des viols ne soient pas couverts», a critiqué Lisa Mazzone (Vert-e-s/GE). Une étude suédoise a démontré que 70% des victimes sexuelles ont subi une «immobilité tonique». En état de sidération, elles n'ont pas pu exprimer leur opposition verbalement ou physiquement. Elles ont subi leur agression sans réaction.
La majorité du camp bourgeois n'a cependant pas suivi. La variante du «oui» mènerait à «une criminalisation de la sexualité», a dénoncé Beat Rieder (C/VS). L'option du refus est «une vision plus positive de la sexualité, fondamentalement voulue par les deux partenaires.» Avec la version du consentement, le fardeau de la preuve serait en outre inversé, a-t-il continué.
Andrea Gmür-Schönenberger (C/LU) a quant à elle proposé une troisième option. Il y a viol si l'auteur passe outre le refus verbal ou non verbal de sa victime. «C'est une version plus réaliste et plus claire qui prend également en compte une possible immobilité tonique», a expliqué la Lucernoise. Une vision contestée à gauche, mais qui a failli passer.
Après d'intenses discussions, le Conseil des Etats s'est finalement prononcé à 23 voix contre 10 et 10 abstentions en faveur de la règle du «Non c'est non». (mbr)