La vie politique lève le voile sur son financement. Voici comment ça marche
C’est historique et un vrai changement de paradigme: la Suisse va se doter d’une législation en matière de transparence du financement de la politique. Le pays rattrape ainsi un important retard par rapport à ses voisins et répond aux critiques régulières du GRECO (Groupe d’États contre la corruption).
Mais, comment ça marche concrètement? Démonstration.
L'exemple fribourgeois
Ca tombe bien: lundi, le canton de Fribourg a pour la première fois mis en application sa propre loi sur le financement de la politique, acceptée par 68,5% des votants en 2018.
Elle s’applique à la votation cantonale du 13 juin sur la recapitalisation à hauteur de 25 millions de francs de la société exploitante du site de l’ancienne brasserie Cardinal.
Qu’apprend-on? Que le budget de comité du oui se monte à 54 500 francs. Une moitié (ou presque) a été dépensée pour la communication, une autre pour la publicité.
Le document publié sur le site du canton de Fribourg:
Mais les informations publiées vont dans les détails. Dans le même document, on découvre la liste des personnes morales ayant donné 1000 francs ou plus au comité, comme l’exige la loi fribourgeoise.
Dans le cas présent, on apprend que le groupe de construction JPF a largement financé le comité de soutien. Ce qui est intéressant pour le citoyen, c’est que le groupe est impliqué dans le développement du site, en suspend en raison, justement, de la votation. La liste de ces montants aurait été difficile à obtenir sans cette législation.
Au niveau fédéral, «la réglementation est comparable à celle appliquée à Fribourg», indique la Chancellerie fédérale. Une grande différence se situe au niveau des montants minimaux pour lesquels la loi exigera une publicité. De plus, la loi fribourgeoise oblige les membres élus des autorités publiques à divulguer leurs revenus, ce que la loi fédérale ne fait pas.
Qui est soumis à la loi?
Dans la loi fédérale, sont soumis:
- Les partis politiques représentés à l’Assemblée fédérale et leurs élus.
- Les élus fédéraux non membres d’un parti politique.
- Les candidats au Conseil national et au Conseil des Etats.
- Les partis, personnes ou autres groupements et sociétés qui mènent une campagne d’élection au Parlement fédéral ou de votation fédérale.
Quelles infos à publier?
- Chaque année, les partis devront fournir leurs recettes et les dons (monétaires ou non) de plus de 15 000 francs qu’ils reçoivent. Les noms des personnes ou des sociétés donatrices doivent être indiquées.
- Les partis devront fournir les contributions de leurs élus et des «autres titulaires de mandats».
- Les organisateurs de campagne devront fournir leur budget et décompte si plus de 50 000 francs sont engagés.
- Ces organisateurs devront fournir les dons (monétaires ou non) de plus de 15 000 francs qu’ils reçoivent. Les noms des personnes ou des sociétés donatrices doivent être indiqués.
- Les dons anonymes ou ceux en provenance de l’étranger sont interdits (à part pour les Suisses de l’étranger).
Qui contrôle?
A Fribourg, un mandat externe est confié à un tiers pour les contrôles des campagnes (essentiellement les budgets et les décomptes). Les comptes annuels des organisations politiques ne sont, eux, pas soumis à vérification.
Au niveau fédéral, l’organe de contrôle n’est pas encore défini, précise la Chancellerie. Certitude: il y aura des vérifications aléatoires, comme c’est le cas dans le canton de Fribourg.
Quelles peines encourues?
Après un délai supplémentaire, un non-respect de la loi est dénoncé à l’autorité compétente. Le canton de Fribourg nous donne quelques éléments sur sa pratique et les peines encourues:
- En cas de contravention aux règles par un parti ou une organisation pour son financement (budget, décomptes ou dons lors d’élections ou de votations): pas de participation de l’État aux frais de campagne.
- En cas de violation intentionnelle des règles par une personne physique pour les dons ou le financement de campagne: jusqu’à 10 000 francs d’amende (5000 francs si par négligence). Pour prononcer cette peine, il faut que la personne fautive dans l’organisation politique concernée soit identifiée par le Ministère public. Si ce n’est pas possible, c’est l’organisation politique fautive qui pourrait être condamnée.
- Au niveau fédéral, une violation de la loi prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 40 000 francs en cas de violation des obligations de transparence.
Totale transparence, vraiment?
Il pourrait être possible de contourner la loi en saucissonnant les contributions et demeurer sous la limite légale. Sur ce point, le député socialiste fribourgeois Grégoire Kubski prévient:
De plus, fixer le seuil à 50 000 francs pour obliger la transparence du financement d’une campagne peut paraître arbitraire: selon la taille du canton où se joue l’élection, ce montant peut être largement suffisant ou, au contraire, insuffisant. Cela crée immanquablement des disparités.
Enfin, la loi ne fixe pas de montant maximum aux frais de campagne, comme c’est le cas en France, par exemple. Dans un camp comme dans l’autre, la capacité à occuper l’espace public et médiatique grâce au pouvoir de l’argent n’est ainsi pas limitée.
Mais en fait, à quoi ça sert?
watson a été rechercher les propos tenus lundi au Parlement par Lisa Mazzone, conseillère aux Etats (Les Verts/GE) et coprésidente du comité de l’initiative populaire sur la transparence. Elle explique:
La section suisse de Transparency international a, elle, réagi positivement à l’avancée des débats. En affirmant:
