Ce pourrait bien devenir quelque chose d’habituel, ici comme ailleurs: le lancement de listes électorales par des mouvements fermement opposés aux mesures de lutte contre le coronavirus. Il y a quelques jours, watson révélait que des groupes tels qu’«Aktionsbündnis Urkantonen» ou «Mass-Voll» se préparent pour les élections au Conseil national en 2023.
Depuis ce lundi, le canton de Fribourg voit aussi sortir du bois des membres de mouvements plus ou moins similaires en lice pour une élection importante, celle du Conseil d’Etat, qui se déroulera à partir du 7 novembre prochain.
Dans une ultime communication sur cette élection envoyée par la Chancellerie cantonale, on apprend en effet que Nicole Ayer et Michèle Courant se présentent sur une liste intitulée «DDSN-FRIBOURG (DDirect.ch)», aux côtés des traditionnels Parti socialiste, UDC, Centre, PLR et Verts.
Leur programme: «Dire la vérité sur la pseudo-crise sanitaire», explique à watson Michèle Courant, maître de recherche et d’enseignement au département d'informatique de l’Université de Fribourg. Elle indique aussi se positionner «contre la vaccination obligatoire, pour le libre choix étant donné que le corps est inviolable, ou encore contre le certificat sanitaire, qui ne sert à rien». Bref: contre la gestion de la crise par les autorités depuis mars 2020.
Un passage sur le site internet du mouvement «Démocratie directe» dont elle se revendique ne laisse pas de place au doute: il s’agit d’un groupe qui remet furieusement en cause le discours officiel sur la pandémie, versant parfois dans des théories associées à du complotisme.
Exemples: l’implication de Bill Gates, fondateur de Microsoft, dans l’origine de la pandémie, ou l’utilisation par des gouvernements des avions en vol pour répandre des produits chimiques pour des raisons cachées (chemtrails). On y retrouve aussi des liens vers des mouvements internationaux bien connus, comme Qanon, impliqué dans l'assaut donné au Capitole en janvier dernier aux Etats-Unis.
Interrogée à ce sujet, la candidate rétorque que les théories propagées sur ce site internet n’ont rien de complotistes. «Ce sont des faits», estime-t-elle, prenant en exemple «Le Grand Reset», du nom d’un livre du fondateur du Forum économique mondial Klaus Schwab, qui apporterait la preuve des projets néfastes de l’élite dirigeante.
Mais revenons à l’élection elle-même. Michèle Courant a-t-elle un objectif chiffré?
Notons que ce week-end, en Autriche, un nouveau parti opposé aux restrictions contre le Covid-19 a obtenu 6% des voix lors d’une élection locale.
Questionné sur cette liste et sur la teneur des débats lors de la campagne électorale à venir, le vice-président du Parti socialiste fribourgeois, Grégoire Kubski, voit ces candidatures comme une bonne chose. «C’est la force du système suisse de permettre à tout un chacun de se présenter, sans discrimination, et de prétendre à un siège au Conseil d’Etat. Tout le monde a la possibilité de s’exprimer, de participer aux débats. C’est un symbole fort pour notre démocratie», commente-t-il. Le Bullois précise quand même qu’il espère que les discussions resteront sereines et rationnelles.
Il analyse: «Je constate que la liste ne se présente que pour l’Exécutif cantonal et non pas pour la course au Grand Conseil. Cela aurait pourtant été plus logique d’un point de vue démocratique. C’est sans doute une manière de profiter de la plus grande visibilité qu’offre une campagne au Conseil d’Etat.»
Même son de cloche du côté de l’UDC, dont le parti est le seul au niveau national à s’opposer à la loi Covid, en votations le 28 novembre prochain. «C’est d’autant plus important en cette période où de plus en plus de citoyens semblent être en désaccord avec les autorités et se méfier de leurs décisions. Leurs voix et leurs craintes doivent être entendues», relève le vice-président de l’UDC fribourgeois, Sébastien Bossel.
Forts de 20 000 membres opposés aux mesures sanitaires, les Amis de la Constitution affirment de leur côté ne pas vouloir s’engager dans des campagnes électorales. Toutefois, il est possible que des listes électorales d’opposants aux mesures sanitaires fleurissent ici et là, au gré des opportunités. Ça tombe bien, en 2022, les Vaudois et les Bernois se choisiront de nouveaux Conseils d’Etat et Parlements. Puis, à l’automne 2023, c’est Genève qui vivra des élections cantonales, tout comme aura lieu le renouvellement du Conseil des Etats et du Conseil national.
Sur watson ce week-end, le politologue Lukas Golder estimait que si ces mouvements unissaient leurs forces, «ils constitueraient une force politique presque plus forte que les Verts».