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Politique

L'initiative pour taxer les héritiers divise en Suisse

«Ils ont semé la terreur»: l'initiative pour taxer les héritiers divise

67% des sondés rejettent l'initiative des jeunes socialistes sur l'impôt sur les successions, un résultat attendu, mais critiqué par les partis.
08.08.2024, 16:53
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Les résultats du sondage watson sont tombés: 67% des sondés rejettent clairement l'initiative de la jeunesse socialiste sur l'impôt sur les successions. Si ce verdicte ne surprend vraiment pas les partis de tous bords, ceux-ci n'en demeurent pas moins critiques.

La Jeunesse socialiste s'y attendait

Mirjam Hostetmann, présidente de la Jeunesse socialiste (JS) réagit:

«Je ne suis pas surprise par ce rejet net, car les riches et le lobby économique ont semé la terreur pendant plusieurs semaines. Les menaces de départ et aussi le débat sur la nullité de l'initiative étaient profondément antidémocratiques et de nature à faire peur».

Elle précise que l'initiative est bel et bien légale et que toutes ses dispositions s'appliquent déjà dans d'autres textes.

Mirjam Hostetmann wird von der Delegierte der Juso zur neuen Praesidentin gewaehlt, am Samstag, 29. Juni 2024, in Solothurn. (KEYSTONE/Peter Schneider)
Mirjam Hostetmann a pris la tête de la formation le 29 juin 2024.Image: keystone

Elle souligne en outre que 92% des personnes concernées ne sont pas des patrons d'entreprise, mais des investisseurs qui ont hérité.

«Nous ne devons pas nous laisser tromper par les riches et nous laisser prendre en otage. Tout ce qui les intéresse, c'est leur propre profit»

L'initiative trouve en revanche un écho favorable chez les 15-34 ans. Pour la présidente, cela s'explique par le fait que près de 50% des Suisses de la génération Z placent la crise climatique en tête de leurs préoccupations.

«Notre génération devra supporter la misère de la politique bourgeoise dans les années à venir. Nous devons travailler plus longtemps alors qu'il nous reste de moins en moins d'argent pour vivre. Parallèlement à cela, des privilèges fiscaux ont été créés pour les riches et les entreprises et, l'année dernière, on a encore sauvé Credit Suisse.»

Avec l'initiative sur l'impôt sur les successions, les montants prélevés seraient affectés à la protection contre la crise climatique.

«Notre génération n'est pas prête à payer en plus du reste l'intégralité des coûts de la lutte contre la crise climatique, et ce à juste titre»

Le PS et les Verts ne se laissent pas déconcerter

Dans le sondage de watson, l'initiative a été largement approuvée par les électeurs du PS (56% de oui, 17% de plutôt oui). Au sein du parti, on n'est toutefois pas unanimes. La conseillère aux Etats Franziska Roth (SO) s'y est par exemple opposée. La coprésidente du parti Mattea Meyer, qui a intégré le comité d'initiative avec son collègue Cédric Wermuth, a annoncé au Tagesanzeiger vouloir travailler sur un contre-projet.

Mattea Meyer, Nationalraetin, SP-ZH, und Co-Praesidentin der SP Schweiz, spricht waehrend einer Medienkonferenz des Initiativkomitees fuer eine 13. AHV-Rente am Dienstag, 9. Januar 2024 in Bern. Am 3. ...
La coprésidente du PS Mattea Meyer soutient l'initiative.Image: keystone

Interrogé sur les résultats de ce coup de sonde, le PS n'a pas donné suite. Il salue toutefois le thématisation toujours plus grande et plus fréquente de l'impôt sur les successions et des inégalités de fortune. Il faut débattre sur un impôt sur les successions pour la protection du climat:

«Car d'une part, nous pouvons ainsi nous attaquer à l'accroissement des inégalités. D'autre part, nous nous assurons que les super-riches et leurs héritiers participent également à la transition énergétique et que nous abordons la crise climatique comme le plus grand défi de notre temps.»

Les Verts restent également fermes, à l'image de la conseillère nationale Franziska Ryser (SG):

«Nous, les Verts, nous engageons depuis des années pour l'introduction d'un impôt sur les successions, car il y a une répartition inégale de la fortune en Suisse: le 1% le plus riche de la population possède aujourd'hui près de la moitié des ressources totales. Ce déséquilibre a des conséquences sociales et écologiques tangibles: il affaiblit le pouvoir d'achat de la population et les institutions sociales. Et il prive les pouvoirs publics des moyens nécessaires à la protection du climat.»
Franziska Ryser, GP-SG, spricht ueber ihre Motion zur Beteiligung der Schweiz an der multinationalen Taskforce Repo zur Umsetzung der Wirtschaftssanktionen gegen Russland, waehrend einer Sondersession ...
La conseillère nationale des Verts Franziska Ryser est en faveur du texte.Image: keystone

Il n'est donc pas surprenant que deux tiers des électeurs des Verts témoignent déjà de leur soutien. Le parti est, par principe, favorable à un contre-projet qui réduirait les inégalités sociales et augmenterait la marge de manœuvre pour des réformes écologiques, poursuit Ryser.

Propos acerbes des opposants

Les Vert'libéraux (PVL), eux non plus, ne sont guère surpris. Ils saluent toutefois le rejet général massif ainsi que celui au sein de leur propre électorat (65% de non, 12% de plutôt non). Le parti commente:

«Les électeurs des PVL rejettent clairement cet impôt successoral radical, tout comme une nette majorité des citoyens. Cela ne nous étonne pas. La population se prononce avec discernement.»

Ils mentionnent la 13ᵉ rente AVS – dont le financement doit encore être fixé – et redoutent un départ des bons contribuables à cause de l'imposition massive des gros héritages. La perspective de la perte des recettes fiscales n'est, à leurs yeux, pas souhaitable.

«Une initiative aussi extrême complique l'élaboration d'un contre-projet. S'il devait voir le jour, il devrait plutôt prévoir une imposition modérée des très grandes fortunes.»

Le rejet le plus net émane des électeurs du PLR. 91% ont clairement voté contre. Le conseiller national libéral-radical Marcel Dobler (SG) ne pense pas autrement:

«La Jeunesse socialiste est le parti de la dyslexie économique. Les relations économiques lui sont étrangères, pour le plus grand dommage de la Suisse. Il faut clairement rejeter une initiative "pseudo-JS" anticonstitutionnelle, derrière laquelle se cache en réalité le PS. Elle causerait un dommage maximal à la Suisse.»
Nationalrat Marcel Dobler, aufgenommen an einer Medienkonferenz der FDP St. Gallen, am Mittwoch, 26. Oktober 2022, in St. Gallen. Nationalraetin Susanne Vincenz-Stauffacher tritt als Kandidat fuer die ...
Marcel Dobler ne mâche pas ses mots.Image: keystone

Il faudra patienter encore environ deux ans avant que le peuple puisse se prononcer. La présidente de la JS Mirjam Hostetmann veut mettre ce temps à profit pour démontrer l'urgence de la situation. Elle ne se laisse pas déstabiliser par le refus des riches:

«La Jeunesse socialiste n'a pas de soutiens multimilliardaires, mais nous tiendrons quand même tête aux privilégiés, cela s'est déjà vu par le passé.»

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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