Les syndicats ont réussi un grand coup le 3 mars dernier, avec le franc succès dans les urnes de la 13ᵉ rente AVS. Depuis, les parlementaires sont au travail pour savoir qui va financer les 5 milliards que requiert cette rente supplémentaire. Pendant ce temps, le camp bourgeois envisage un fiasco autrement plus important lors du prochain dimanche de votation: le peuple se prononcera alors sur l'initiative sur l'allègement des primes.
La promesse de ce texte tout droit sorti de la cuisine du Parti socialiste? Les assurés ne dépenseront pas plus de 10% de leur revenu disponible pour les primes d'assurance-maladie. Si différence il y a, le pourcentage différentiel sera payé par à deux tiers par la Confédération et à un tiers par les cantons.
Contrairement à la 13ᵉ rente AVS, ce soutien vise donc spécifiquement les profils les plus modestes. Mais ce coup de pouce n'a pas le même prix qu'une 13ᵉ rente: selon une estimation de la Confédération, la mise en œuvre de l'initiative atteindrait entre 8,2 à 10 milliards par an d'ici à l'horizon 2030. Le worst case scenario financier monte même à 11,7 milliards annuels.
Cela signifie que, dans le pire scénario, la Confédération devrait injecter environ huit milliards de francs en 2030. En 2023, elle a dépensé environ 81 milliards, dont seulement trois pour les réductions de primes d'assurance-maladie. Autrement dit, en cas d'acceptation de l'initiative, la Confédération pourrait consacrer un dixième de ses dépenses à l'allègement de la Lamal.
Selon les initiants, il ne s'agit pas de débourser plus, mais uniquement de mieux répartir le poids des primes entre les contribuables. Mais les politiciens du camp bourgeois montent au front. Ils estiment que les exigences envers l'Etat deviennent disproportionnées, entre une rente AVS plus élevée que la Confédération devra cofinancer et l'allègement des primes.
La liste des souhaits ne s'arrête pas là: financement des crèches, protection du climat, meilleure inclusion des personnes handicapées, d'autres dossiers sont sur la table. Sans oublier que la droite veut également augmenter massivement les dépenses pour l'armée.
Compte tenu de la lutte pour les parts de gâteau budgétaire, il sera difficile de détourner davantage d'argent fédéral pour les primes d'assurance maladie. Dans les domaines de l'agriculture, de l'éducation, de l'aide au développement et de l'armée, aucune majorité ne s'est dégagée en faveur d'économies importantes. Le Conseil fédéral ne voit pas non plus de possibilité de financer les réductions de primes uniquement par une baisse des dépenses.
Une augmentation des impôts se profile donc, presque sans alternative. Pour les détracteurs du texte, il n'existe qu'un seul moyen de financer les choses: augmenter la TVA d'au moins 3%. Soit une hausse d'impôt de près d'un tiers.
Une mauvaise nouvelle pour les consommateurs et la place économique. Mais bien que le «oui» a tout d'un scénario réaliste, le camp du «non» peine à se mobiliser. Les associations économiques se dérobent à leurs responsabilités. Personne ne veut minimiser les conséquences d'un «oui», mais qui va monter au front pour l'empêcher?
L'Union patronale suisse affirme qu'il s'agit de politique de santé et que le projet ne relève pas de son domaine de compétence, la politique sociale. Les associations d'assureurs voient les choses différemment: il ne s'agit pas de politique de santé, mais d'une simple question de répartition. Sur le fond, les associations s'opposeront à l'initiative, mais sans se montrer proactives.
L'Union suisse des paysans constate, elle, la pression croissante que des dépenses supplémentaires dans le budget fédéral exerceraient sur l'agriculture. Leur président, Markus Ritter, a indiqué qu'il recommandera à ses membres de voter «non». Il prévoit aussi de les informer intensivement par le biais des canaux de l'USP. Mais les priorités des agriculteurs sont actuellement ailleurs.
La réticence des faîtières s'explique par le fait que la redistribution est en fin de compte une question de politique sociale. C'est aussi pour cette raison que le financement de la campagne reste probablement à la charge d'Economiesuisse, qui soutiendra financièrement la campagne du non. Mais sans (encore) dévoiler à quelle hauteur.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)