Il aura fallu plus de quatre mois et une lettre de rappel incendiaire pour que l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) réponde à la pétition que trois jeunes psychologues lui avaient adressée le 9 décembre dernier. Le texte, signé par 4920 personnes, appelait les autorités à agir pour éviter une «catastrophe annoncée» suite au nouveau modèle de prescription en psychothérapie.
Pour situer les choses: depuis le 1er juillet 2022, les soins psychologiques sont désormais pris en charge par l'assurance de base. Ce changement a pourtant engendré deux problèmes majeurs pour les psychologues en formation:
Le problème, ont alerté les psychologues, c'est que ces professionnels en formation assurent le suivi de milliers de personnes. S'ils perdent leur travail, leurs patients risquent ainsi de se retrouver sans thérapeute. C'était précisément le problème mis en lumière par la pétition, qui proposait des solutions alternatives.
Lundi 24 avril, soit quatre mois et demi après l'envoi de la pétition, l'OFSP est sorti du silence, mais pas dans la manière souhaitée par les pétitionnaires: «Cette réponse est véritablement consternante», lâche Camille Ulmann, psychologue à l'origine du texte. Et pour cause: les autorités «rejettent la demande» des pétitionnaires et ne formulent «aucune solution» concernant les deux problématiques indiquées plus haut.
La réponse de l'OFSP tient sur un document de deux pages (en allemand) signé par Thomas Christen, directeur suppléant de l'OFSP. Après s'être excusé «sincèrement» pour la réaction tardive, celui-ci affirme que l'OFSP a «analysé la situation» et que «d'autres clarifications et discussions sont prévues». Pour Camille Ulmann, ce n'est pas assez:
Fin mars déjà, la jeune psychologue nous indiquait que toutes les «prédictions catastrophiques» formulées dans la pétition s'étaient réalisées: «Selon nos estimations, des milliers de psychologues-psychothérapeutes en formation ont déjà perdu leur emploi».
Dans sa réponse, l'OFSP affirme également que la proposition formulée par la pétition «ne résout pas le problème actuel pour les personnes encore en formation», mais qu'elle ne soulagerait que ceux et celles ayant terminé leur formation et qui doivent encore accomplir une année de pratique ISFM.
«Cet argument montre encore une fois que l'OFSP n'a pas saisi le problème et qu'il est extrêmement déconnecté de la réalité du terrain», réplique Camille Ulmann. «Nous avons constaté que l'année de pratique ISFM inquiète tous les psychologues en cours de formation, qui désespèrent de trouver un poste d'ici à l'obtention de leur diplôme».
Autre sujet de consternation: l'absence de réponse de la part du ministre de la Santé Alain Berset, premier destinataire de la pétition et d'une lettre que les pétitionnaires, confrontés au silence des autorités, lui avaient envoyée trois mois plus tard. Camille Ulmann: «Nous sommes extrêmement déçus du manque de considération du président Alain Berset, qui n’a pas daigné répondre personnellement à une pétition qui lui a été adressée par près de 5000 psychologues suisses», déclare-t-elle. Et d'ajouter:
A quoi va ressembler la suite? Concernant la problématique de l’année ISFM, l’OFSP a prévu de se réunir avec les acteurs concernés en juin prochain. «Nous sommes, à nouveau, scandalisés par les délais pris pour examiner cette question des plus urgentes», réagit encore Camille Ulmann.
Sur le front du remboursement par les caisses maladie, les espoirs se tournent désormais vers le Parlement. La Fédération suisse des psychologues (FSP) et l'association faîtière des hôpitaux H+ vont interpeller la Commission de la Sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil national en fin de semaine.
Les deux associations demandent notamment à la CSSS d’intervenir en faveur d’une mise à jour de l’ordonnance, afin que le Parlement explicite les bases légales du nouveau système. La prochaine réunion de la commission aura lieu le vendredi 28 avril prochain.
Ces derniers jours, les psychologues en formation ont malgré tout eu droit à une bonne nouvelle: les caisses maladie du Groupe Mutuel ont décidé de rembourser, avec effet rétroactif au 1er janvier, les prestations des psychothérapeutes en formation postgrade facturées via la personne encadrante.