On vote ce lundi à Genève sur les maillots de bain dans les piscines municipales. Un troisième et dernier vote sur le sujet, avant un possible, sinon probable référendum. Mercredi dernier, lors du deuxième vote, le premier ayant été l’entrée en matière, acceptée en juin 2022, le conseil municipal a adopté par 36 voix contre 34 un amendement au règlement des installations sportives de Genève.
Que dit cet amendement, soutenu par la gauche, combattu par la droite et le centre? Il n'est plus question de maillot de bain, mais d’une «tenue de bain». Surtout, il n'est plus fait mention d'aucun genre ou sexe et rien n'est précisé sur la coupe ou la longueur de cette tenue.
C’est une révolution sociétale dans les bassins – encore doit-elle être définitivement approuvée. Pour l’heure, le règlement fait la distinction entre les hommes et les femmes comme suit: «Pour les hommes : maillot de bain, longueur maximum au-dessus du genou, pas de t-shirt. Pour les femmes: maillot de bain une pièce ou deux pièces, bras nus, jambes au maximum au-dessus du genou, pas de jupe ou de robe de bain.»
Jusqu’ici, par convention, ainsi que pour des questions d’hygiène, les tenues de bain longues, couvrant tout le corps, de type combinaison, étaient interdites. Elles seraient à présent autorisées, pour autant que leur matière soit celle dont sont faits les maillots de bain, en général du nylon. Ce qui exclut a priori laine et coton.
Le burkini? Ce mot n’apparaît pas dans l’amendement, mais il est sur toutes les lèvres de la droite, vent debout contre ce changement. Avec la nouvelle réglementation, le burkini (contraction de burka et bikini), un vêtement de bain couvrant le corps et les cheveux, excepté le visage, les mains et les pieds, serait autorisé. Un souhait, une revendication de femmes musulmanes invoquant un devoir de «pudeur». Une tenue religieuse, donc.
La gauche, elle, minimise cette entrée de la religion dans les piscines publiques, préférant parler d’«inclusivité». Les tenues couvrantes vaudraient aussi pour les personnes ayant des problèmes de peau, celles mal à l’aise en raison de leur poids ou celles encore ressortissant des catégories LGBTQI+. «Le burkini est concerné à la marge», reconnaît Vincent Milliard (Les Verts), rapporteur de l’amendement, lancé à l’origine par le socialiste Pascal Holenweg.
Cela signifie-t-il que les femmes qui le veulent pourraient se baigner seins nus, l’amendement n’évoquant pas ce cas de figure? «En théorie, oui», répond Vincent Milliard, la nudité complète dans l'espace public étant, elle, interdite. Etrangement, la majorité de gauche du conseil municipal genevois ne fait pas des seins nus un argument de promotion de son projet de révision du règlement des piscines. Peut-être pour ne pas avoir à argumenter sur son exact inverse, le burkini.
Une pétition intitulée «Pour des baignades inclusives en ville de Genève», lancée sur le site act.campax, milite ouvertement, entre autres, à la fois pour le droit de porter un maillot de bain intégral et celui de se baigner seins nus.👇
L’an dernier à Grenoble, le maire écologiste de la ville, épousant lui aussi les thèses inclusives, avait fait voter un arrêté autorisant le burkini, également appelé maillot de bain intégral. Pour mieux faire passer sa mesure, il répétait que les femmes le désirant pourraient se baigner seins nus. Son arrêté avait été annulé par le Conseil d’Etat dans un «déféré-laïcité». La plus haute juridiction administrative française estimait que le maillot de bain intégral, avec sa jupette caractéristique, censée cacher les formes à hauteur de fessier, était «destiné à satisfaire une revendication de nature religieuse».
Un maillot avec jupette, qui n'aurait toutefois plus de connotation religieuse, ni dès lors le nom de burkini, pourrait intéresser des personnes transgenres. Un élu genevois cite le cas d'individus dont la transition n'est pas terminée, qui pourraient trouver avantage à cette partie ample du maillot en ce qu’elle masquerait la bosse située à l'entrejambe.
La minorité de droite pousse des soupirs d’exaspération. Au sein de l’exécutif, la maire centriste Marie Barbey-Chappuis, opposée à l’amendement, fait valoir des arguments d’hygiène. Plus de surfaces textiles dans un bassin pourrait nécessiter plus de chlore.
Au conseil municipal, l’UDC Vincent Schaller, cité par la Tribune de Genève, voit dans cette révision du règlement des piscines un «combat obsessionnel du Parti socialiste» pour que «les islamistes se sentent parfaitement à l’aise en ville de Genève». Jointe par watson, la conseillère municipale libérale-radicale Michèle Roullet abonde:
La droite est prête à dégainer le référendum en cas de troisième vote favorable, ce lundi, à l'amendement.
Questions peu débattues: de la baignade seins nus ou en maillot de bain intégral, toutes deux autorisées de facto par l'amendement, laquelle rencontrera le moins d'obstacles? Des critères territoriaux, sociologiques et culturels décideront-ils de ce qui est acceptable et de ce qui ne l'est pas? Quoiqu'on pense de cette modification du règlement des piscines, ne fait-elle pas courir le risque de troubles à l'ordre public?