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Ce village valaisan paie ses nouveaux habitants, et ça fait débat

Walliser Bergdorf Albinen hat 2018 eine Wohnbauförderung eingeführt, mit der die Abwanderung aufgehalten werden soll
Albinen se trouve à 1300 mètres d'altitude et à proximité de la station de Loèche-les-Bains.image: watson/elena lynch

Ce village valaisan paie ses nouveaux habitants et ça fait grincer des dents

Il y a presque cinq ans, la commune d'Albinen, en Valais, a décidé de lutter contre l'exode rural en accordant de l'argent aux personnes qui souhaitent s'y installer. Qu'en est-il aujourd'hui?
21.04.2023, 08:1021.04.2023, 08:10
Elena Lynch
Elena Lynch
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«Bonjour, je viens du Sri Lanka. J'ai entendu dire qu'Albinen accueille de nouvelles personnes venant d'autres pays. Pouvez-vous m'aider à migrer vers Albinen et à m'installer avec ma famille dans votre beau village du Valais?»

Nicole Köppel, la présidente de la commune d'Albinen, a reçu ce message sur WhatsApp il y a quelques semaines. Le village de montagne a introduit en 2018 une aide à la construction de logements et soutient depuis lors tous ceux qui veulent construire à Albinen. Avec des montants de 25 000 francs par adulte et de 10 000 francs par enfant, le village veut stopper l'exode et à nouveau attirer les foules.

Les médias du monde entier en ont alors parlé, comme le New York Post qui titrait à l'époque:

«Un village suisse idyllique vous paie 25 000 dollars si vous vous y installez»

Des centaines de demandes par jour

Toutefois, tous ont omis de communiquer des informations relativement importantes comme le fait qu'il faut rester dix ans à Albinen, investir 200 000 francs, avoir moins de 45 ans et surtout, avoir un passeport suisse ou un permis d'établissement

Walliser Bergdorf Albinen
Albinen est devenue célèbre dans le monde entier grâce à la promotion de l'habitat. Cela ne plaît pas à tout le monde.image: watson/elena lynch

Pour Nicole Köppel, la communication autour de l'opération est un échec.

«Nous recevons une centaine de demandes par jour. La plupart viennent de l'étranger et ne remplissent pas les conditions. Nous devons quand même y répondre. C'est beaucoup de travail»
Nicole Köppel

Cette petite commune, nichée dans les montagnes du Valais, compte 250 habitants et se situe à 1300 mètres d'altitude. On y parle allemand. D'ailleurs, en français, on l'appelle non pas Albinen, mais Arbignon. Sans surprise, la publicité visant à promouvoir la vie à Albinen a semé le trouble dans le quotidien tranquille des habitants. Mais au-delà de cela, la promotion du logement a-t-elle été un succès?

Quel bilan?

Nicole Köppel est assise à la table de la cuisine, devant elle un bloc sur lequel elle a noté au crayon: 17 demandes acceptées, 31 adultes et 16 enfants soutenus, 710 000 francs dépensés. C'est le bilan après cinq ans.

Nicole Köppel, Gemeindepräsidentin Albinen, Wallis
Nicole Köppel connaissait le village avant de s'y installer. Son père était originaire d'Albinen.image: watson/elena lynch

Nicole Köppel a quitté l'Argovie pour le Valais à 27 ans. Elle peut comprendre que les habitants de la commune se sentent délaissés, oubliés.

Elle donne un exemple: lorsque les remontées mécaniques avaient été envisagées pour la première fois sur le territoire de la commune, celle-ci n'avait n'avait pas assez d'argent pour financer leur construction. Loèche-les-Bains s'est emparée du projet. Résultat: depuis lors, cette station a pris en importance et est désormais connue dans toute la Suisse, alors qu'Albinen est restée dans l'ombre. Un sujet de mécontentement encore aujourd'hui.

Travailler la terre, mais ne pas profiter de la récolte. Voilà ce que ressentent certains à cause de l'aide à la construction de logements. En clair: ceux qui viennent s'installer touchent de l'argent alors que les habitants du village qui ont payé des impôts toute leur vie ne reçoivent rien.

Walliser Bergdorf Albinen
Dans le vieux village, beaucoup de maisons sont penchées. La plupart ont des centaines d'années.image: watson/elena lynch
«Albinen n'a pas d'école, pas de banque, pas de poste, un dernier bistrot, un seul magasin, un bus toutes les heures. Il faut l'anticiper avant de venir et l'accepter quand on est là»
Nicole Köppel

Elle-même connait la vie en montagne et savait pertinemment dans quoi elle s'engageait: son père étant originaire d'Albinen. Enfant, elle passait ses étés dans la maison de ses grands-parents. Aujourd'hui, elle y habite.

Le maire précédent ouvrait grand les portes

A la présidence, son prédécesseur était favorable à l'encouragement à la construction de logements, il en faisait même la promotion. Il ouvrait grand les portes du village, se réjouissait du vent frais, d'où qu'il vienne. Avec son départ en août 2022, la publicité a également diminué et le scepticisme a augmenté.

Depuis, l'aide au logement a été adaptée lors d'une assemblée primaire. Désormais, il faut vivre cinq ans dans le village avant de recevoir de l'argent de la commune.

Friedhof im Walliser Bergdorf Albinen
Une soixantaine de pierres tombales dans le cimetière: Albinen n'a jamais été un grand village.image: watson/elena lynch

Contrairement à son prédécesseur, Nicole Köppel a toujours été sceptique: «Je suis favorable à ce que les locaux restent ici, mais contre le fait que des étrangers viennent s'installer ici uniquement pour l'argent».

Yvo Mathieu a voté en faveur de l'adaptation lors de l'assemblée primaire. Il a grandi à Albinen et tient le dernier bistrot du village. Au Sunnublick, il est assis à la table des habitués, les bras croisés, avec un café crème. Derrière lui, à droite, se trouve une vitrine où sont fièrement présentés des modèles réduits de voitures rouges, des livres intitulés, des plaques de tôle avec des logos Ferrari ou Audi.

Si vous n'avez pas l'argent pour une Ferrari...

Mathieu conduit une Audi Quattro de 86:

«Je n'avais pas les moyens pour une Ferrari. Si tu veux une voiture, mais que tu n'as pas l'argent, tu n'auras pas de voiture, c'est tout. Il faut créer et économiser jusqu'à ce qu'on ait l'argent. Il devrait en être de même pour tout le reste»
Dorfbeiz Sunnublick in Albinen, Wallis
Malgré sa grande fascination, Yvo Mathieu n'a jamais conduit de Ferrari.image: watson/elena lynch

Tout ce qui l'entoure, Mathieu l'a créé et gagné lui-même. Les chambres d'hôtes au dernier étage de la maison en bois dans laquelle il vit avec ses parents, leur appartement à l'étage intermédiaire et, en bas, le restaurant que sa famille tient depuis 1966 et qu'il a repris de ses parents en 1990.

«Chaque année, nous avions un chantier. Nous avons rénové beaucoup de choses nous-mêmes, nous avons tout financé seuls»
Yvo Mathieu

Lui n'a pas bénéficié de l'aide au logement, il dépasse de dix ans la limite d'âge de 45 ans. Et même s'il avait la possibilité d'en bénéficier, attirer les gens au village avec de l'argent est une mauvaise idée selon lui. «Il faut aussi que le cœur y soit, pas seulement la maison».

S'il n'en tenait qu'à lui, on pourrait directement abandonner l'aide à la construction de logements. Elle ne prend en compte que les ayants droit et pénalise tous les autres qui ont payé des impôts toute leur vie dans le village. Il avait d'ailleurs proposé de baisser les impôts «pour que tout le monde y trouve son compte», mais cette proposition n'a pas été bien accueillie par le conseil municipal.

Comment s'intégrer?

Et de toute façon, on ne voit que rarement les familles qui ont emménagé ici, dit-il.

«C'est dommage. Quand on vient d'ailleurs, il faut bien faire quelque chose pour être intégré»
Yvo Mathieu
Pour Yvo Mathieu, l'adaptation de l'aide au logement est un moindre mal.
Pour Yvo Mathieu, l'adaptation de l'aide au logement est un moindre mal.image: watson/elena lynch

Cette manière de penser rappelle les débats sur la migration. Il y a la société majoritaire et les «autres» doivent s'y adapter. Comment y parvenir à Albinen? «En participant à des manifestations et en adhérant à des associations, en s'intégrant, justement».

Mathieu a été conseiller municipal pendant deux ans et membre de nombreuses associations, allant de la jeunesse au club de ski. La moitié d'entre elles n'existent plus. Son père aussi était actif dans les associations.

«Si tout le monde était comme nous, nous n'aurions pas de problèmes. Notre famille s'est toujours impliquée dans la vie du village»

En Suisse, les associations sont considérées comme un élément intégrateur de la société civile. En 2019, selon l'Office fédéral de la statistique, 44% de la population résidant en Suisse était impliquée dans des associations, des sociétés, des clubs. Dans ce pays, celui qui fait partie d'une association est considéré comme appartenant au village, à la communauté, à la nation.

Silvan Schmutz est également conscient de ce principe. «En tant qu'immigré, on est longtemps surnommé affectueusement "Halbiner (demi-Albiner)" avant de devenir vraiment "Albiner"». Pour y parvenir, il faut fréquenter les autochtones, assister à des manifestations et adhérer à des associations. «Si vous ne vous montrez pas, ils ne savent pas qui vous êtes.»

Schmutz a grandi dans la forêt de Finges, cette forêt qui sépare le Haut-Valais du Bas-Valais et qui borde la route de montagne menant à Albinen. Il connaît certains habitants de la région depuis l'école ou le club de ski. Depuis qu'il sort avec Céline Mathieu, une fille du coin, il fait également partie de la société de jeunesse. Elle en est la présidente.

Satellitenbodenstation Leuk, Wallis
La route de montagne menant à Albinen passe devant une parabole.image: watson/elena lynch

Elle en a profité pour vivre ici

Dans cette fonction, Céline Mathieu organise des bals de carnaval, des tournois de football, des descentes aux flambeaux et se réjouit de la présence de tous. Malgré tout, l'activité associative n'est pas une obligation pour elle.

«On ne peut pas forcer les nouveaux arrivants. Mais c'est toujours sympa qu'ils soient là»

Céline n'a jamais voulu quitter Albinen. Ici, elle connaît tout le monde et est proche de la nature. Elle a grandi dans une maison individuelle à côté du terrain de football, un peu à l'écart du village. Des poneys broutent dans le jardin.

En 2021, le couple a ajouté un deuxième étage à cette maison et y a créé leur premier appartement commun. Grâce à l'aide au logement, ils ont reçu 50 000 francs pour réaliser les travaux. Mathieu a en outre reçu de ses parents une avance sur héritage. Grâce à ce capital, ils ont obtenu une hypothèque auprès de la banque.

Le couple estime que le fait de devoir vivre cinq ans dans le village avant de recevoir de l'argent de la commune ne tient pas compte de l'idée de base. Pour elle, «autant en rester là. Sans argent, nous n'aurions pas construit, du moins pas aussi rapidement. Et des personnes extérieures ne seraient probablement même pas venues».

Céline Mathieu kommt aus Albinen und hat hier eine Wohnung ausgebaut – mittels der Wohnbauförderung, mit der die Abwanderung aus dem Walliser Bergdorf gestoppt werden soll
Céline Mathieu a pu transformer un appartement grâce à l'aide au logement.image: watson/elena lynch

Il n'y a pratiquement pas de logements à louer à Albinen. L'association de jeunesse qui a lancé l'initiative à l'époque voulait utiliser l'aide au logement pour motiver les jeunes à construire et à rester. Ils devaient en quelque sorte rembourser le capital qu'on leur offrait en payant des impôts pendant dix ans.

«La nouvelle réglementation semble être un test que l'on doit passer. Mais c'est ainsi que la majorité a décidé. Elle ne voit pas la plus-value de l'aide au logement. La moyenne d'âge dans le village est passée de 55 à 52 ans et il n'y a plus eu autant d'enfants depuis longtemps.»
Céline Mathieu

Son opinion, elle ne l'a pas exprimée lors de l'assemblée primaire de l'automne dernier. Elle n'était pas présente et avait été informée trop tard, comme de nombreux partisans de l'aide au logement. En effet, les documents relatifs à l'assemblée primaire auraient été moins complets et l'ordre du jour moins transparent que d'habitude.

Walliser Bergdorf Albinen
Les jeunes préfèrent habiter en dehors du vieux village, ils s'y rendent plus facilement en voiture.image: watson/elena lynch

Une chose est sûre: Albinen a mis le pied sur le frein concernant son aide au logement. L'avenir nous dira ce que cela changera dans le village.

Traduit et adapté par Nicolas Varin

Cette femme a passé 500 jours dans une grotte
Video: watson
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