Cette nouvelle intéressera les producteurs de films sollicitant un financement de la SSR, l’organe faîtier de l’audiovisuel public suisse. Elle revêt par ailleurs une dimension politique sensible, puisqu’elle renvoie à des aspects sociétaux faisant régulièrement polémique, telles que les questions liées au genre ou à l’orientation sexuelle.
A l’avenir, les producteurs s’adressant à la SSR pour demander une aide financière à la réalisation d'une œuvre, pourront choisir de remplir ou non un questionnaire appelé, en l'état, «check-list diversité». Jusqu’à présent, cette démarche était obligatoire, du moins en Suisse alémanique. Rappelons qu’aux termes de la concession, la SSR, un service public, contribue à la création culturelle en Suisse au moyen de subventions.
«Une version remaniée du questionnaire sera bientôt mise en ligne», indique à watson le porte-parole de la SSR auprès de la direction générale, Nik Leuenberger. «Il y sera clairement précisé que remplir la check-list diversité est facultatif au moment du dépôt du dossier», ajoute le porte-parole. Qui précise encore: la check-list diversité, qu’on l’ait remplie ou non, «ne constituera pas un critère pour la sélection des projets». Quelle est dès lors son utilité?
Autre précision relative à la check-list qui a toute son importance:
Jusqu’alors, la check-list revêtait un caractère obligatoire, potentiellement déterminant dans l’évaluation des dossiers, pour les productions traitées par la chaîne alémanique SRF et la Zürcher Filmstiftung, une fondation zurichoise de soutien à la fiction. Les dossiers traités par la RTS échappaient à cette obligation.
Dans sa version actuelle, visible pour quelque temps encore sur une page Internet de la SSR, la checklist diversité contient le passage suivant:
Il est dit ici noir sur blanc que «la diversité est un critère parmi d’autres dans l’évaluation des projets». Ce critère cessera-t-il d’en être un avec le nouveau questionnaire? On comprend à ce stade que la check-list diversité, devenant facultative et valant en toute fin du processus de production et non plus en amont de celui-ci, ne devrait plus être perçue par certains comme une censure déguisée.
La check-list diversité a été créée en 2022 à l’initiative de la radio-télévision alémanique SRF et de la Zürcher Filmstiftung.
Interrogé à son propos mercredi soir dans l’émission «Le poinG» sur la chaîne Léman Bleu par Jonas Follonier, auteur d’un essai qui vient de paraître, La diffusion du wokisme en Suisse, le directeur du Département stratégie et programmation de la RTS, Thierry Zweifel, a répondu:
La check-list «n’a jamais fait obstruction au choix d’un projet», son usage «était principalement à des fins statistiques», a-t-il ajouté.
Tout n’est pas forcément des plus clairs en cette matière. D’un côté, la SSR explique que la check-list diversité, dans sa nouvelle mouture «bientôt en ligne», ne fait pas partie du dossier constituant la demande de financement, qui comprend «le scénario, le plan de financement et un budget». De l’autre, elle ajoute que, bien que non constitutive de la demande de financement, la check-list «sert d’outil statistique, afin d’avoir une vue d’ensemble des thématiques liées à la diversité. Elle permet également de sensibiliser la production, les auteurs et aussi les commissions ou les départements fiction à cette problématique.»
Sollicitée à ce sujet en mai dernier par le site romand L’Impertinent, Sophie Balbo, cheffe du service de communication de la RTS, répondait: «La check-list a pour objectif de renforcer la conscience de la diversité sous toutes ses formes, à l’écran comme au sein des équipes.» Jointe ce vendredi par watson, Sophie Balbo confirme ses propos d’alors, ajoutant:
La check-list diversité, celle introduite en 2022, s'est transformée au fil des mois en source d’embarras pour la SSR en raison des questions qu'elle pose, potentiellement intrusives et pouvant aboutir à des situations d’autocensure. C’est ce qui ressortait d’un article de la Neue Zürcher Zeitung paru en septembre 2023, dans lequel une partie des réalisateurs interrogés disait ses craintes face à cet «outil». Ce qui expliquerait les aménagements apportés en ce moment.
Dans le secteur de l’aide à la création des œuvres de fiction, tous ne se sont pas doté d’une telle check-list. C’est le cas par exemple de Cinéforom, la Fondation romande pour le cinéma. Son secrétaire général, Stéphane Morey, raconte:
La check-list diversité s'inspire de ce qui se fait dans des plateformes telles que Netflix ou Disney, où les exigences en matière de représentation des minorités dans les scénarios peuvent être poussées assez loin. La SSR, elle, se veut pragmatique. Il s'agit pour les chaînes suisses de faire attention à ce que les fictions ne se ressemblent pas, mais, au contraire, abordent la diversité de la Suisse sous tous ses aspects, explique-t-on.
La nature facultative du futur questionnaire sera-t-elle interprétée comme un possible piège? Craindra-t-on, en ne le remplissant pas, de réduire ses chances d'être sélectionné? Enfin, certains ne verront peut-être pas en quoi un «outil statistique» comme une check-list diversité, fût-elle facultative, empêcherait le client, RTS, SRF ou RSI, d'orienter les producteurs dans leur choix de scénarios ou de castings.