Suisse
Santé

Une pénurie de médicaments dû au Covid menace la Suisse

Long hospital bright corridor with rooms and seats 3D rendering
Le Centre suisse pour la résistance aux antibiotiques estime qu'environ 300 personnes meurent chaque année d'infections que les antibiotiques n'ont pas réussi à endiguer.Image: watson

Antibiotiques: pourquoi une «pandémie silencieuse» menace la Suisse

Dans les hôpitaux et les pharmacies suisses, il manque jusqu'à 20% des antibiotiques. Une crise d'approvisionnement due au Covid-19, qui augmente la pression du développement de nouvelles substances actives.
13.03.2023, 06:2313.03.2023, 08:20
Pascal Michel / ch media
Plus de «Suisse»

Une course contre-la-montre vient de commencer. Près de 100 ans après la découverte de la pénicilline par le Britannique Alexander Fleming, les antibiotiques sont plus que jamais menacés. Dans le monde entier, les substances actives se révèlent de plus en plus inefficaces. La Suisse n'est pas épargnée.

La population a développé des résistances aux antibiotiques. Les conséquences sont graves, car des infections que l'on croyait faciles à traiter peuvent redevenir mortelles. Les médecins de famille prescrivent des antibiotiques contre les pneumonies ou les septicémies. Un patient hospitalisé sur quatre en reçoit, le plus souvent pour prévenir les complications ou pour protéger les malades du cancer contre des infections après une chimiothérapie.

Le Centre suisse pour la résistance aux antibiotiques estime qu'environ 300 personnes meurent chaque année d'infections que les antibiotiques n'ont pas réussi à endiguer. En 2010, ce chiffre était divisé par deux.

Le temps presse. Dans le monde, depuis environ 20 ans, aucun nouvel antibiotique n'a été commercialisé. Les médecins ont besoin de nouvelles substances de toute urgence.

Où est la pénicilline?

Actuellement, la priorité est ailleurs. Reste-t-il encore suffisamment d'antibiotiques disponibles à la vente? Les médecins et les hôpitaux ne peuvent pas se prononcer sur la question. L'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) a récemment averti qu'une grave pénurie d'antibiotiques sous forme de comprimés risquait d'arriver. C'est pourquoi les réserves obligatoires ont pris le relais à partir du 1er mars. La pénicilline est particulièrement touchée par la crise d'approvisionnement.

«Nous ressentons les séquelles de la pandémie»
Monika Schäublin, responsable bureau des produits thérapeutiques à OFAESchweiz am Wochenende

En raison des mesures prises pour endiguer la pandémie de Covid-19, moins de personnes sont tombées malades. Les antibiotiques ont donc été moins sollicités. La demande a donc baissé.

Parallèlement, les fournisseurs se seraient retirés de ce marché peu lucratif. Des conséquences qui se ressentent, trois ans après le début de la pandémie.

«La demande pour les antibiotiques a à nouveau drastiquement augmenté fin 2022 - et ce sur un marché qui atteignait déjà ses limites avant la pandémie»
Monika Schäublin, responsable bureau des produits thérapeutiques à OFAE

Actuellement, en Suisse, 20% des besoins en antibiotiques ne seraient pas comblés.

Dans les hôpitaux, les perfusions d'antibiotiques se faisaient déjà de plus en plus rares. Désormais, les patients qui reçoivent une ordonnance pour des comprimés ou des gélules ressentent également la crise des antibiotiques.

Les pénuries actuelles et le développement de résistances face aux principes actifs sont étroitement liés. Lorsque les hôpitaux et les médecins n'ont plus accès aux substances nécessaires, ils doivent recourir à des alternatives. Ce qui favorise le développement de germes multirésistants.

Réagir rapidement

Rudolf Blankart suit de près cette évolution. Et la situation l'inquiète. Il est professeur de «Regulatory Affairs» à l'Université de Berne et travaille à l'Institut suisse pour la médecine translationnelle et l'entrepreneuriat. Il est directement concerné par le sujet puisqu'il préside la «Table ronde sur les antibiotiques». Autour d'un café, Rudolf Blankart raconte comment, il y a six ans déjà, il avait alerté le Conseil fédéral sur l'urgence d'un approvisionnement en antibiotiques efficaces.

Ueli Maurer, le ministre des Finances de l'époque avait réagi en premier en invitant Rudolf Blankart pour un entretien d'une heure. Le professeur à l'Université de Berne s'est entretenu avec Alain Berset, alors ministre de la Santé, une année plus tard.

Au final, Rudolf Blankart s'est entretenu avec cinq conseillers fédéraux et tous les partis politiques. Résultat? Le Conseil fédéral a investi dans différents projets et lancé un plan d'action national. Le Conseil fédéral entend présenter cet été une évaluation des efforts entrepris jusqu'à présent.

«Nous devons réagir vite. Le développement et la production de nouveaux antibiotiques peuvent prendre jusqu'à dix ans»
Rudolf Blankart, professeur «regulatory affairs» à l'université de Berne

Au vu des résistances aux antibiotiques qui se propagent, on ne peut plus attendre, ajoute-t-il. Le ton des communiqués de presse qu'il rédige en tant que président de l'association «Table ronde sur les antibiotiques» montre à quel point il considère la situation comme sérieuse. Il y est question d'une «pandémie silencieuse» et d'une «course contre les bactéries pathogènes que nous risquons de perdre.»

Prime pour un nouvel antibiotique

Au lieu de multiplier le prix d'un antibiotique pour que les entreprises pharmaceutiques investissent à nouveau davantage dans de nouveaux produits, il plaide pour des incitations financières innovantes. L'État pourrait par exemple verser une prime lors de l'arrivée d'un nouvel antibiotique sur le marché ou verser des subventions à plus long terme pour qu'un produit reste sur le marché. «C'est aux politiques de trouver une solution», déclare Rudolf Blankart. La Suisse pourrait jouer un rôle de pionnier en tant que marché test ainsi qu'en tant que site pharmaceutique.

Pour améliorer la sécurité d'approvisionnement en antibiotiques, Rudolf Blankart propose des contrats à long terme avec les fabricants.

«La Confédération ou les cantons devraient conclure des accords avec les fabricants d'antibiotiques, dans lesquels les entreprises s'engagent à livrer certains produits»

Si les entreprises ne livrent pas, des sanctions seraient appliquées. En contrepartie, l'Etat paierait des prix qui permettent aux fabricants d'investir dans des mesures de sécurisation de leurs chaînes d'approvisionnement.

Subventions étatiques

L'industrie critique depuis des années les conséquences de la concurrence mondiale sur les prix. Le directeur national autrichien de Novartis a déclaré qu'aujourd'hui «une unité thérapeutique d'un antibiotique potentiellement salvateur coûte aussi cher qu'un chewing-gum». La marge plus faible dans le secteur des antibiotiques est l'une des raisons pour lesquelles Novartis a décidé de scinder sa filiale Sandoz cette année.

Pourtant, le cas de Sandoz prouve que l'intervention de l'État peut avoir un impact. L'Autriche soutient l'usine Sandoz de Kundl, en Autriche, à hauteur de 50 millions d'euros. Il s'agit du seul site de production restant en Europe qui fabrique encore de la pénicilline, de la substance active au comprimé. En contrepartie des subventions de l'État, l'entreprise s'engage à maintenir le site de production pendant dix ans et augmente elle-même ses investissements.

Des représentants du PS vont plus loin en demandant la nationalisation de Sandoz. Par ailleurs, des idées circulent pour rapatrier la production en Europe. Rudolf Blankart souhaite de son côté aborder cette question de manière plus nuancée. Il estime que des incitations financières bien pensées sont plus efficaces que le rapatriement de toute une industrie en Europe par le biais de réglementations.

L'installation de la production et le recrutement de personnel qualifié, administrés par l'Etat, seraient «une utopie». Car un tel changement coûterait beaucoup de temps et d'argent. La production d'antibiotiques est trop mondialisée pour revenir en arrière. Une grande partie des produits chimiques de base proviennent aujourd'hui d'Inde et de Chine.

Solution internationale

L'Office fédéral de la santé publique indique qu'il soutient différents programmes qui encouragent la recherche et le développement. Des études préliminaires ont également été menées sur les systèmes d'incitation.

«De nouveaux antibiotiques sont développés pour le marché mondial et ce développement est très coûteux. En tant que petit pays, la Suisse peut tout au plus apporter une petite contribution avec une incitation nationale»
Katrin Holensteinporte-parole de l'office fédéral de la santé publique

C'est pourquoi il faut une approche coordonnée au niveau international pour le développement de nouveaux antibiotiques, mais aussi pour les nouveaux modèles d'incitation. Nous sommes en contact avec la «Table ronde sur les antibiotiques» et sommes ouverts à des interventions dans ce sens.

Dès que la crise devient perceptible pour les citoyens ordinaires, comme c'est le cas actuellement, la pression sur les marchés augmente.

En 10 ans au Conseil fédéral, Berset n'a pas changé de coupe
1 / 13
En 10 ans au Conseil fédéral, Berset n'a pas changé de coupe
En 2011, en mode partyboy: élu conseiller fédéral, Alain Berset fête l'événement au restaurant XIII Cantons dans sa commune de Belfaux, dans le canton de Fribourg.
source: keystone / jean-christophe bott
partager sur Facebookpartager sur X
On vous présente le Dr Julie Smith, thérapeute et tiktokeuse!
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Les Américains sont jaloux d'un petit village suisse de 201 habitants
Un New-Yorkais passionné de transports publics a osé comparer le nombre de navettes en partance de l'aéroport de Kansas City, à la fréquence des cars postaux d'un petit arrêt situé dans l'Oberland bernois. Si la publication fait un carton sur la plateforme X, elle révèle la frustration des Américains, l'étonnante fierté des Suisses et surtout la mauvaise foi de son auteur.

Hayden Clarkin se décrit lui-même comme «un passionné des transports, mais aussi d'Adele et de ABBA», qui est «parfois connu sous le nom de Monsieur Transports en commun». Ce jeune New-Yorkais, riche de 120 000 abonnés sur la plateforme d'Elon Musk, adore infuser son savoir dans de petites informations croustillantes, parfaites pour briller à l'heure de l'apéro. Cette semaine, sa contribution la plus populaire est plus volontiers provoc qu'informative.

L’article