On a l'impression que tout le monde est malade en ce moment. C'est vrai? Est-ce qu'il y a plus de malades qu'avant la pandémie?
Jan Fehr: Oui, ce n'est pas qu'une impression. Les chiffres nationaux et internationaux le montrent également. Hier, j'ai vu les dernières données pour l'Amérique du Nord et l'Europe. On voit très clairement qu'il y a beaucoup plus de personnes malades par rapport à l'hiver précédant la pandémie.
Et pourquoi ça?
Comme toujours, c'est probablement à cause de plusieurs facteurs. Ce qui est décisif, c'est que pendant la pandémie, nous nous sommes correctement protégés avec la distance, les bonnes pratiques d'hygiène et les masques. Cela a également permis de contenir d'autres virus respiratoires – et pas uniquement le Covid-19. Pratiquement personne n'a attrapé la grippe à ce moment-là.
Mais aujourd'hui, ces comportements sont à nouveau négligés.
C'est juste. Nous avons à nouveau tendance à aller au bar ou au bureau, même en étant enrhumé. Et si l'on regarde autour de soi dans les transports publics, rares sont les personnes qui portent un masque – bien qu'elles se tiennent épaule contre épaule et toussent ou éternuent.
Nous sommes également plus vulnérables?
Pendant la pandémie, notre système immunitaire n'a eu qu'un contact limité avec les virus respiratoires, à l'exception du Covid-19. Cela signifie que la mémoire immunologique n'a pas pu être mise à jour. Au fond, c'est un peu comme la mise à jour d'un ordinateur.
Peut-on parler d'épidémie de grippe?
Au vu des chiffres actuels, il pourrait s'agir du début d'une épidémie de grippe. Et si c'est le cas, elle aurait lieu bien plus tôt dans la saison que dans une situation pré-pandémie.
Quelle est la meilleure stratégie: porter un masque ou s'exposer aux virus pour s'endurcir?
Ces visions «d'exposition» et «d'endurcissement» ne sont pas une bonne idée. Cela équivaut à jouer avec le feu et ne fonctionne pas forcément comme nous l'imaginons. La plupart des jeunes s'en sortent bien lorsqu'ils tombent malades.
Il faut tenir compte de ces personnes. Et il ne faut pas oublier: on peut aussi être gravement touché. Il y a toujours des jeunes qui se retrouvent aux soins intensifs. Ce sont certes des cas isolés et rares, mais en tant qu'individu, on ne peut pas savoir pas si et comment cela va nous affecter.
Covid-19 ou non, un masque reste donc une bonne idée?
Le port d'un masque en hiver est judicieux lorsque de nombreuses personnes sont réunies dans un espace restreint. Mais je ne suis pas favorable à une obligation générale du port du masque. Nous devons retrouver une normalisation de la vie en société, c'est important pour notre mental. Je suis infectiologue, mais la chaire que je dirige à l'université de Zurich est également responsable de la santé publique – et la santé mentale en fait partie.
Vous avez parlé de «mise à jour». Faut-il donc être régulièrement malade pour être en particulièrement bonne santé?
L'état de santé et l'état de maladie ne se distinguent pas toujours nettement. Il n'y a pas que «malade» et «pas malade». On peut aussi être infecté, mais ne pas être malade du tout ou ne l'être que légèrement. C'est le cas idéal: le système immunitaire est tellement à jour qu'il sait immédiatement à quels agents pathogènes il a affaire et comment combattre efficacement l'intrus.
Le système immunitaire a-t-il «perdu» ses bonnes habitudes pendant la pandémie?
Non, le système immunitaire combat d'innombrables agents pathogènes chaque jour. Toutefois, certains agents pathogènes, notamment respiratoires, sont restés peu fréquents ces dernières années, de sorte que notre système immunitaire n'est plus aussi bien préparé à les combattre. Il n'est donc pas déshabitué, mais peut simplement réagir moins rapidement à ces agents pathogènes.
Quels sont les virus qui circulent actuellement?
Les données de l'OFSP recensent les affections de type grippal – un terme fourre-tout auquel appartient également le Covid-19. Si l'on regarde la courbe en forte augmentation, on ne peut donc pas déterminer exactement quel virus représente quel part de la courbe – et on ne parle même pas du nombre de cas non recensés. Mais des données plus détaillées montrent clairement que les virus de la grippe circulent fortement en ce moment. Le VRS est également très présent – et a mis les hôpitaux pédiatriques à rude épreuve ces dernières semaines.
Et qu'en est-il du rhume ?
Il est présent, mais pas de manière aussi proéminente. Du moins dans les situations où des tests ont été effectués. Là aussi, le nombre de cas non recensés est probablement élevé. Ce qui est intéressant dans le rapport de l'OFSP, c'est de savoir quelle catégorie d'âge est particulièrement affectée.
C'est-à-dire?
Les jeunes de 15 à 29 ans. Ce sont eux qui se déplacent le plus: en sortie, à l'école, dans les clubs, dans les transports publics. Cela montre l'influence de la mobilité, qui n'est pas en soi mauvaise, sur la propagation des virus. Un facteur qui a également été décisif pendant la pandémie.
Le virus VRS est particulièrement critique pour les enfants. Nombre d'entre eux ont dû être hospitalisés pour des bronchites. Les enfants attrapent-ils toutes les infections qu'ils ont évité durant la pandémie?
Les jeunes enfants nés en 2020 ou 2021 sont encore «naïfs» d'un point de vue infectieux. Ce n'est que maintenant qu'ils entrent vraiment en contact avec des virus. C'est comme lorsqu'ils apprennent à marcher: ils ne peuvent pas se lancer directement dans un sprint, mais doivent d'abord se lever, marcher, tomber. Il en va de même pour leur système immunitaire, qui doit apprendre à gérer ces virus et à mettre en place une protection contre eux.
Les données de l'OFSP montrent également que les infections grippales augmentent plus tôt dans la saison que les autres années. Comment la courbe va-t-elle évoluer?
Il est impossible de le prédire. Mais la plupart du temps, la situation finit par se normaliser, et nous pouvons partir du principe que ce sera aussi le cas cette fois. La seule chose que l'on puisse dire sur la courbe est qu'elle augmente plus tôt et plus fortement cette année que les années précédant la pandémie.
Il serait d'autant plus important que les tests Covid-19 continuent d'être payés par les autorités au cours de la nouvelle année. Ainsi, au moins pour le Covid-19, nous ne serons pas complètement dans le noir.
Article traduit de l'allemand par Léa Krejci