Beaucoup d'argent est investi à travers le monde dans la recherche sur l'espérance de vie. Serons-nous un jour en mesure de stopper le vieillissement, voire de rajeunir le corps?
Il est difficile de répondre. Si l'on considère l'évolution de l'espérance de vie et la manière dont nous gérons les maladies, il se peut que de nombreuses personnes finissent par vivre 100 ans, voire plus.
Il existe toutefois des personnes qui aimeraient vivre plus de 120 ans, jusqu'à 1000 ans ou plus.
C'est un vœu pieux. Il n'existe aucune preuve empirique que l'espérance de vie puisse augmenter nettement au-delà de 120 ans. Je sais que certains argumentent en se basant sur des expériences réussies sur les animaux, mais ces résultats ne sont jusqu'à présent en aucun cas transposables à l'homme. Il manque les données correspondantes.
Aujourd'hui, l'amélioration de son espérance de vie devient un business à succès. Qu'en pensez-vous?
Ce que je critique dans ces modèles commerciaux, c'est qu'ils permettent avant tout de faire de l'argent et que l'argumentation repose sur des bases scientifiques floues. Les offres privées qui existent sont souvent chères et destinées à une partie exclusive de la société.
On fait comme si l'espérance de vie d'une personne s'améliorait de manière significative en prenant par exemple de nouveaux compléments alimentaires. Mais là encore, il manque des données qui le prouvent.
Certains estiment que vieillir augmente les chances de tomber malade. Que répondez-vous à cela?
C'est vrai. Il s'agit toutefois d'une vision très unilatérale du vieillissement.
C'est-à-dire?
Elle ne tient pas compte de la santé mentale et du vieillissement psychologique. La plupart des personnes âgées se portent bien, spécialement en ce qui concerne leur bien-être. Beaucoup sont également satisfaits et performants malgré les changements physiques.
Du temps que l'on pourrait passer avec sa famille ou des personnes qui nous sont chères, ou à apprendre quelque chose de nouveau – des activités pour lesquelles nous disposons de bonnes données empiriques indiquant qu'elles ont un effet positif sur la santé des personnes.
Le vieillissement est-il une maladie?
Non. Il s'agit d'un processus très complexe avec des gains et des pertes. De nombreux processus, par exemple au niveau du vieillissement cellulaire, peuvent avoir des effets positifs. Par exemple, la croissance des tumeurs est stoppée. Cela signifie que même au niveau cellulaire, le vieillissement n'est pas uniquement négatif.
Pourquoi le corps change-t-il lorsque nous vieillissons?Dans le processus biologique du vieillissement, il se passe beaucoup de choses au niveau cellulaire. Nous savons que certains processus de réparation cellulaire ralentissent. Cela augmente le risque de certaines maladies. Mais le vieillissement est quelque chose d'individuel, de sorte que les interventions doivent également être adaptées à chaque personne et à son contexte de vie.
Vous travaillez à l'université de Zurich au Healthy Longevity Center, où des recherches sont menées sur le «vieillissement en bonne santé». Qu'est-ce que cela signifie?
Vieillir en bonne santé a une signification différente selon chaque personne. Nous faisons des recherches sur ce qui est important pour le bien-être personnel dans une situation de vie donnée et sur la manière dont on peut préserver la santé. Les nouvelles sont positives.
Par exemple?
Globalement, nous constatons que les personnes âgées arrivent à bien gérer les changements liés à l'âge. Personne n'est déterminé uniquement par sa maladie, on est une personne avec de nombreuses caractéristiques. C'est pourquoi l'objectif n'est pas de se focaliser en permanence sur la manière d'empêcher quelque chose – ici, le vieillissement – mais plutôt sur la manière de gérer au mieux ses ressources ainsi que sur la manière dont la société permet de vieillir correctement.
Traduit et adapté par Noëline Flippe