Chaque année, 4500 nouveaux cas de cancer colorectaux sont diagnostiqués en Suisse et 1600 personnes en décèdent. Afin de prévenir l'apparition de cette maladie, la campagne nationale lancée au mois de mars met l'accent sur le dépistage. Le canton de Vaud cible les personnes âgées de 50 à 69 ans et préconise un test immunochimique simple à utiliser chez soi. Explications de Romain Freund, médecin responsable des programmes vaudois de dépistage du cancer.
Romain Freund, Unisanté a envoyé un courrier à tous les vaudois âgés de 50 à 69 pour les encourager à effectuer un test immunochimique appelé test FIT chez eux. Je ne vous cacherai pas qu'en séance de rédaction, certains de mes collègues ont été rebutés par le déroulé du test, regarder nos selles, c'est encore compliqué?
Oui. Selon les retours que j'ai des médecins généralistes, le cancer colorectal est encore honteux.
On a du mal à faire passer ce message. Je pense que c'est plus simple pour une personne de parler d'un autre cancer que du cancer colorectal.
Parlons du test justement, il s'agit donc de prélever un peu de ses selles via un kit qui est fourni par une pharmacie partenaire, ou un médecin de famille partenaire, c'est bien ça?
Exactement. La personne qui a reçu le courrier d'Unisanté se présente auprès d'une pharmacie partenaire et après un entretien, il peut utiliser un kit complet. Le kit comprend un papier biodégradable de collecte des selles à coller sur la cuvette des WC, un tube de prélèvement et une enveloppe prétimbrée d'envoi au laboratoire.
Le test FIT (Fecal Immunochemical Test) nécessite un prélèvement d'une très petite quantité de selles, il est très facile à effectuer, rapide et on peut le faire tranquillement chez soi. Je rappelle que le cancer du côlon est l'un des cancers que l'on peut prévenir et c'est une chance.
Qu'entendez-vous par prévenir?
A ma connaissance, c'est l'une des rares maladies où l'on peut enlever des lésions avant qu’elles ne deviennent cancéreuses. Je m'explique: lors d'une coloscopie, on peut détecter des polypes qui sont des excroissances de tissus. Ces polypes peuvent être bénins ou cancéreux. On les retire tous et on les analyse par la suite pour savoir si c'est un cancer. Ce qui est important de comprendre c'est que ces polypes peuvent devenir un cancer et les retirer est la meilleure option thérapeutique, même s'ils sont bénins.
Et le test FIT dans tout ça, quelle est la différence entre ce test et une coloscopie en matière de prévention?
Notre campagne de dépistage est destinée aux personnes âgées de 50 à 69 ans qui n'ont aucun symptôme. Cette campagne propose le dépistage via un test FIT à faire chez soi ou une coloscopie de dépistage à faire chez un gastroentérologue. Vous avez toujours le choix entre ces deux moyens de dépistage. Bien entendu, nous mettons en avant le test FIT qui est très pratique à effectuer, non invasif et ne nécessite pas un rendez-vous chez un spécialiste. Ce test permet de détecter des traces de sang invisibles à l'œil nu chez une personne asymptomatique. Le cancer du côlon est un cancer dit silencieux, il peut donc se développer durant des années, sans symptômes.
Si le test FIT détecte ces traces de sang, la personne sera invitée à effectuer par la suite une coloscopie pour un diagnostic. Toutefois, si vous avez déjà des symptômes comme du sang dans les selles, des ballonnements, une fatigue chronique vous n'êtes pas éligible pour ce dépistage car vous avez besoin d'un diagnostic, il faudra donc consulter un médecin qui vous proposera probablement un rendez-vous chez un spécialiste. Si vous avez un risque accru de développer ce cancer à cause d'antécédents familiaux par exemple, parlez-en à votre médecin
La campagne de prévention de ce cancer est réitérée chaque année à l'échelle suisse, où se situe le canton de Vaud en matière de prévention du cancer colorectal?
On évalue la campagne de dépistage sur deux plans, d'abord sur le nombre de personnes informées au sein de la population, dans le cas vaudois, près de 100% des personnes éligibles, soit celles entre 50 et 69 ans, reçoivent l'information par courrier. Ensuite au niveau de la participation, soit le pourcentage de personnes qui font le test FIT ou qui font une coloscopie de dépistage, les chiffres ne sont pas très bons, ils sont à 25%, seuls un quart des personnes ciblées effectuent le dépistage.
A cause de la honte de parler de ses selles, toujours?
Oui, mais pas seulement. Il y a aussi un manque de gastroentérologues agréés dans le programme pour effectuer des coloscopies. Les délais d'attente pour une coloscopie sont un peu longs, raison pour laquelle Unisanté promeut le test FIT durant cette campagne. Aujourd'hui, nous avons près de 220 pharmacies partenaires, environ 800 médecins qui ont été sensibilisés à promouvoir le test FIT. Nous recommandons aussi que le test FIT soit effectué tous les deux ans et nous constatons que ces recommandations sont bien suivies. En effet, 80 à 90 % des personnes ayant effectué un test FIT le réitèrent deux ans après.
Si je peux me permettre un trait d'humour, essayer le test, c'est l'adopter en quelque sorte?
Oui. Comme je vous l'ai dit, ce test n'est pas invasif, il est indolore et s'effectue en quelques minutes. Je pense qu'il faut démystifier les discussions sur le cancer colorectal, aller à selle est tout à fait normal et faire ce test à partir de 50 ans ne devrait pas rebuter certaines personnes. Je rappelle que plus tôt on détecte et plus on gagne en qualité de vie.