Mardi 8 février: plus que quelques jours avant la (très probable) levée des restrictions liées au Covid, dont l'utilisation du pass sanitaire.
Parce qu'il faut bien le dire: même vacciné, personne n'a jamais vraiment été enchanté de devoir montrer patte blanche ou QR code en entrant dans un restaurant.
Selon plusieurs experts, et les chiffres de l'OFSP, le pic Omicron est derrière.
Même au Conseil Fédéral, on voit le bout du tunnel: Alain Berset va jusqu'à laisser Ignazio Cassis parler pendant les conférences de presse.
Il y a bien quelques épidémiologistes pour oser encore mentionner une éventuelle/possible/faites-gaffe-on-sait-jamais surcharge des hôpitaux.
Une surcharge qu'on commence à craindre comme on attendrait Godot: sans trop y croire.
Plus que quelques jours, une consultation des Cantons, des annonces en costard noir sur fond gris, et ce serait derrière nous.
Bien sûr, il y aura encore ce même système de santé, dont le fonctionnement «normal» ne l'est pas vraiment, puisqu'il consiste à être débordé.
Il y aura encore des cas et des morts. Mais, comme pour la grippe, ces malheurs d'ordre privé ne seront plus d'intérêt public.
Jusqu'au prochain variant.
Parce que beaucoup de mauvais films ont une mauvaise suite.
Ça c'est pour le scénario idéal. Mais il ne plaît pas à tout le monde:
D'abord, il y a les experts mentionnés plus haut, avec leur Doctorat ès annonce de surcharge hospitalière.
Est-ce par prudence, par fierté, ou par peur – sans les interviews – de retomber dans la solitude de la blouse blanche?
Peut-être un peu de tout cela: après tout, les scientifiques alarmistes sont des humains comme les autres. En un peu moins marrants.
Et ensuite, il y a les anti et les contre. Qui refusent – en vrac ou en bloc – le vaccin, le pass, la médecine, les médias… Bref, «le monde» sauf les autres anti et contre.
Alors, ils ont tenté de bloquer Berne, pile au moment où la situation semble se débloquer. Symboliquement, ça raconte quand même quelque chose.
Et quand il n'y aura plus rien à revendiquer à Berne, ce sera à Bruxelles (en tout cas d'après le groupe Telegram que j'ai rejoint pour cette chronique).
Preuve que le problème n'est pas tellement la gestion de la pandémie en Suisse. Le problème n'a d'ailleurs jamais été la pandémie, ou même la Suisse.
Le problème, c'est que dans le monde d'avant, les gens qui n'ont rien d'autre à foutre un lundi que d'aller «ne pas bloquer Berne» étaient seuls. Et que, dans le monde d'après, jusqu'à la prochaine crise, ils seront seuls. Sans trop de thunes, sans beaucoup d'amis, sans défense face à leur boulot de merde et leur patron chiant.
Seuls face aux textes des brochures de vote, dont ils ont l'impression qu'elles ne sont pas pour eux: entre toutes ces lignes sans fautes d'orthographe, ils comprennent bien que ça contribue juste à la leur mettre un peu plus profond et les enfoncer dans l'infériorité de leur classe moyenne.
Et quelque part, ils ont raison, putain! Mais ils sont seuls, alors des fois, ils foutent un gilet jaune et vont sur un rond-point. Ils ont l'air paumés, parce qu'on n'est pas en France et qu'ils pourraient lancer une initiative.
D'autres fois, il y a une pandémie et il faut rester chez soi, seul avec sa peur.
Et là, ceux qui viennent leur tendre la main, ce ne sont pas les voisins, trop occupés à être moins seuls.
Non, ceux qui viennent, c'est ceux qui ont besoin de gens seuls et qui ont peur. Ceux qui savent ce que veulent dire des mots compliqués – comme instrumentalisation – mais qui en utilisent volontairement de bien plus simples, comme: dictature, lutte, action citoyenne, liberté, eux, aveuglement, nous, éveillés, etc.
Et, comme par magie, pendant une pandémie, les seuls ne le sont plus, comparé à avant ou après. Alors si ce pendant pouvait durer encore un peu, ce serait moins triste. La colère, c'est pas triste.
D'ailleurs sur le groupe Telegram du convoi pour la liberté, aucun des messages n'est triste: on sent l'excitation de faire une bêtise et d'être pris au sérieux par la police. Puis la joie d'avoir passé une journée ensemble.
Ironiquement, les anti et les contre ne sont pas très différents des scientifiques alarmistes qu'ils détestent. Après tout, ce sont des humains comme les autres. En un peu plus seuls.
Aujourd'hui, ils sont trop peu pour être autre chose que des «illuminés». Mais ils pourraient devenir «les gens», ou «la majorité» si nous n'arrivons pas à rester suffisamment ensemble. Parce que la solitude (et son instrumentalisation) peut transformer une crise sanitaire en film trop long.
Cela étant, elle a le mérite de poser une grande question, que l'on retrouve à la fin de Shutter Island (un film long, mais pas trop) et qui va à peu près comme cela: