«Bonjour. Je vais vous décrire brièvement comment j'ai vécu ces derniers jours au Soudan.
Samedi 15 avril 2023, je suis sorti avec ma femme. C'était le week-end. Nous avions congé. Nous sommes donc partis dans la proche banlieue de Khartoum. Soudain, j'ai entendu des coups de feu. Je me suis dit qu'il s'agissait d'une ultime démonstration de force. Cela arrive souvent. Mais au bout de 15 minutes, les tirs se sont répétés et de gros nuages de fumée noire se sont élevés dans le ciel. Ma femme a lancé: «Nous devons rentrer immédiatement à la résidence».
Nous avons eu beaucoup de mal à retourner à notre domicile. La résidence se trouve à proximité de l'aéroport et les combats faisaient déjà rage dans cette zone, entre les Forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire, et l'armée régulière. Nous nous sommes retrouvés en voiture entre les deux fronts. Malgré tout, je ne voulais pas enfreindre le code de la route. «Laisse tomber», m'a dit ma femme.
Ensuite, il y a eu beaucoup de bruit. Des bruits de combat. Pas seulement celui des mitrailleuses, mais des déflagrations d'obus lourds se sont aussi rapidement fait entendre. Le même jour, des attaques aériennes ont débuté. D'un jour à l'autre, elles se sont intensifiées.
Ich bin höchst erfreut und beruhigt, unseren Botschafter Christian Winter sowie das Botschaftspersonal & ihre Familien nach ihrer Rückkehr aus dem #Sudan wieder auf🇨🇭Boden begrüssen zu dürfen. Die Evakuierung aus Khartum erforderte ein hohes Mass an Teamarbeit und Vorbereitungen. pic.twitter.com/EwdwIfQJ5F
— Ignazio Cassis (@ignaziocassis) April 25, 2023
Khartoum est une grande ville. Si on compte la périphérie, il y a cinq millions d'habitants. Les cibles étaient avant tout de nature stratégique. Mais bien sûr, toutes les cibles se trouvaient dans des zones résidentielles. Si vous regardez le nombre de victimes, il y a plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés, dont beaucoup de civils. Parmi eux, des enfants. Malheureusement.
Depuis samedi. Soit pendant presque neuf jours. Nous n'avons pas réussi à nous déplacer jusqu'à l'ambassade. Notre premier impératif était simplement la sécurité. Rester d'une manière ou d'une autre à l'endroit le plus sûr du logement où nous étions. Nous avons essayé de fonctionner le mieux possible tout en nous protégeant. Entre nous – c'est-à-dire avec le personnel de l'ambassade – nous étions en contact. Au début, c'était encore possible grâce à Internet. Puis plus. Nous avons alors essayé de communiquer par «talkies-walkies» et par téléphones satellites.
Puis, heureusement, deux collaboratrices ont réussi, grâce à l'aide de l'ambassade de France, à passer de leur logement à l'ambassade de Suisse. Ce fut difficile. Et pas sans risque. Ça nous a permis de mieux communiquer. Car l'ambassade dispose de canaux de communication indépendants avec une liaison par satellite.
Les combats se sont intensifiés au cours de la journée. Puis nous avons entendu dire que de nombreux magasins et habitations étaient pillés. Surtout de la part du FSR, le groupe paramilitaire. Et ils se trouvent surtout dans les quartiers résidentiels, entre autres là où se trouve l'ambassade suisse.
Ils traversent les quartiers résidentiels et occupent des bâtiments entiers. Heureusement, nous avons été épargnés. «Contrairement à d'autres ambassades, nous avons eu de la chance».
Un éclat d'obus est passé à une vingtaine de mètres de la tête de notre gardien. Il s'était mis en danger pour nous protéger. Nous avons dû lui ordonner de se mette à l'abri.
Personne n'avait anticipé ça. C'était le ramadan. Il y avait bien sûr des tensions, mais le ramadan est le mois de la réconciliation. Le fait que l'on se «permette» de lancer des opérations de combat au cours de la dernière semaine du ramadan a beaucoup heurté la population. Pire encore, tout le monde espérait qu'à la fin du ramadan, lorsque la fête suprême arriverait, le cessez-le-feu tiendrait au moins à ce moment-là. Mais ça n'a pas fonctionné.
Nous avions besoin de l'aide d'un pays voisin. Finalement, c'est la France qui nous a aidés. Nous avions rendez-vous à l'ambassade de France à une certaine heure et un certain jour. Il était clair que nous ne pouvions pas emporter beaucoup de bagages. Nous avons plus ou moins tout laissé derrière nous.
Nous sommes partis de l'ambassade de France en bus. J'ai vite compris que nous allions vers le nord. Vers la base aérienne soudanaise, à environ 30-50 kilomètres au nord de Khartoum. Les bus étaient escortés par les FSR avec leurs pick-ups et leurs mitrailleuses. Ils nous ont guidés à travers «leur» territoire. Ce trajet nous a permis d'avoir une assez bonne vue d'ensemble des zones qu'ils contrôlent actuellement.
Tout à coup, la ligne de front est apparue devant nous. Puis nous avons vu les chars de l'armée régulière. Nous les avons simplement traversés. Le groupe paramilitaire s'est détaché.
Il y avait de l'activité sur la base aérienne. Les Britanniques étaient là. Les Norvégiens, les Allemands et les Français aussi. Tous sont allés chercher leurs collaborateurs à l'ambassade. Selon l'ambassade de France, il a été très difficile d'obtenir l'autorisation d'utiliser la base.
Nous avons ensuite pris la direction de Djibouti. Pendant huit heures, nous avons patienté dans un hangar. Nous sommes arrivés le dimanche. Nous avons été accueillis à notre arrivée. Hier, nous avons passé une nuit dans un hôtel et nous étions très heureux de pouvoir rentrer au pays.
Ce matin, nous sommes bien arrivés à Belp.
Nous essayons de les soutenir du mieux que nous pouvons, avec les paiements de salaires que nous avons mis en place. Nous restons en contact avec eux. Nous ne pouvons qu'espérer que cette crise se résorbe le plus rapidement possible. Espérons le meilleur.»
(oee/Traduit et adapté par Anaïs Rey.)