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Soudan: L'ambassadeur suisse Christian Winter raconte sa fuite

Soudan: L'ambassadeur suisse Christian Winter raconte sa fuite
L'ambassadeur Christian Winter.image: Screenshot Medienkonferenz

L'ambassadeur suisse raconte sa spectaculaire fuite du Soudan

Le personnel de l'ambassade de Suisse à Khartoum est arrivé mardi à l'aéroport de Berne-Belp. L'ambassadeur, Christian Winter, est très ému lorsqu'il décrit la semaine qu'il vient de vivre au Soudan. Tout juste débarqué de son avion, il raconte son aventure. A ses côtés, son chef, Ignazio Cassis.
25.04.2023, 21:0126.04.2023, 14:19
Team watson
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«Bonjour. Je vais vous décrire brièvement comment j'ai vécu ces derniers jours au Soudan.

Samedi 15 avril 2023, je suis sorti avec ma femme. C'était le week-end. Nous avions congé. Nous sommes donc partis dans la proche banlieue de Khartoum. Soudain, j'ai entendu des coups de feu. Je me suis dit qu'il s'agissait d'une ultime démonstration de force. Cela arrive souvent. Mais au bout de 15 minutes, les tirs se sont répétés et de gros nuages de fumée noire se sont élevés dans le ciel. Ma femme a lancé: «Nous devons rentrer immédiatement à la résidence».

Nous avons eu beaucoup de mal à retourner à notre domicile. La résidence se trouve à proximité de l'aéroport et les combats faisaient déjà rage dans cette zone, entre les Forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire, et l'armée régulière. Nous nous sommes retrouvés en voiture entre les deux fronts. Malgré tout, je ne voulais pas enfreindre le code de la route. «Laisse tomber», m'a dit ma femme.

«Nous avons roulé tant bien que mal sur les trottoirs et nous avons réussi à nous mettre à l'abri»

Ensuite, il y a eu beaucoup de bruit. Des bruits de combat. Pas seulement celui des mitrailleuses, mais des déflagrations d'obus lourds se sont aussi rapidement fait entendre. Le même jour, des attaques aériennes ont débuté. D'un jour à l'autre, elles se sont intensifiées.

Khartoum est une grande ville. Si on compte la périphérie, il y a cinq millions d'habitants. Les cibles étaient avant tout de nature stratégique. Mais bien sûr, toutes les cibles se trouvaient dans des zones résidentielles. Si vous regardez le nombre de victimes, il y a plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés, dont beaucoup de civils. Parmi eux, des enfants. Malheureusement.

«Nous étions prisonniers de notre résidence»

Depuis samedi. Soit pendant presque neuf jours. Nous n'avons pas réussi à nous déplacer jusqu'à l'ambassade. Notre premier impératif était simplement la sécurité. Rester d'une manière ou d'une autre à l'endroit le plus sûr du logement où nous étions. Nous avons essayé de fonctionner le mieux possible tout en nous protégeant. Entre nous – c'est-à-dire avec le personnel de l'ambassade – nous étions en contact. Au début, c'était encore possible grâce à Internet. Puis plus. Nous avons alors essayé de communiquer par «talkies-walkies» et par téléphones satellites.

Christian Winter, center, Swiss Ambassador of Sudan, with Swiss Federal Councilor Ignazio Cassis, behind Winter, speaks during a press conference at the Bern-Belp Airport in Belp, Switzerland, Tuesday ...
Christian Winter s'exprime devant les médias à l'aérodrôme régional de Berne-Belp.image: keystone

Puis, heureusement, deux collaboratrices ont réussi, grâce à l'aide de l'ambassade de France, à passer de leur logement à l'ambassade de Suisse. Ce fut difficile. Et pas sans risque. Ça nous a permis de mieux communiquer. Car l'ambassade dispose de canaux de communication indépendants avec une liaison par satellite.

Les combats se sont intensifiés au cours de la journée. Puis nous avons entendu dire que de nombreux magasins et habitations étaient pillés. Surtout de la part du FSR, le groupe paramilitaire. Et ils se trouvent surtout dans les quartiers résidentiels, entre autres là où se trouve l'ambassade suisse.

«Il faut s'imaginer que ce sont des unités mobiles. Elles opèrent de manière très différente de l'armée. Souvent en petits groupes sur leurs pick-ups»

Ils traversent les quartiers résidentiels et occupent des bâtiments entiers. Heureusement, nous avons été épargnés. «Contrairement à d'autres ambassades, nous avons eu de la chance».

«Dans notre résidence, nous avons été exposés. Nous avions des trous d'obus dans les murs»

Un éclat d'obus est passé à une vingtaine de mètres de la tête de notre gardien. Il s'était mis en danger pour nous protéger. Nous avons dû lui ordonner de se mette à l'abri.

Swiss Federal Councilor Ignazio Cassis, left, welcomes Christian Winter, Swiss Ambassador of Sudan, at the Bern-Belp Airport in Belp, Switzerland, Tuesday, April 25, 2023. Swiss nationals are flown ou ...
Ignazio Cassis accueille l'ambassadeur sur sol suisse.image: keystone

Personne n'avait anticipé ça. C'était le ramadan. Il y avait bien sûr des tensions, mais le ramadan est le mois de la réconciliation. Le fait que l'on se «permette» de lancer des opérations de combat au cours de la dernière semaine du ramadan a beaucoup heurté la population. Pire encore, tout le monde espérait qu'à la fin du ramadan, lorsque la fête suprême arriverait, le cessez-le-feu tiendrait au moins à ce moment-là. Mais ça n'a pas fonctionné.

«Il était clair que nous ne pouvions pas nous sauver nous-mêmes»

Nous avions besoin de l'aide d'un pays voisin. Finalement, c'est la France qui nous a aidés. Nous avions rendez-vous à l'ambassade de France à une certaine heure et un certain jour. Il était clair que nous ne pouvions pas emporter beaucoup de bagages. Nous avons plus ou moins tout laissé derrière nous.

Nous sommes partis de l'ambassade de France en bus. J'ai vite compris que nous allions vers le nord. Vers la base aérienne soudanaise, à environ 30-50 kilomètres au nord de Khartoum. Les bus étaient escortés par les FSR avec leurs pick-ups et leurs mitrailleuses. Ils nous ont guidés à travers «leur» territoire. Ce trajet nous a permis d'avoir une assez bonne vue d'ensemble des zones qu'ils contrôlent actuellement.

Tout à coup, la ligne de front est apparue devant nous. Puis nous avons vu les chars de l'armée régulière. Nous les avons simplement traversés. Le groupe paramilitaire s'est détaché.

«Il y avait beaucoup de tirs. Mais pas sur nous»

Il y avait de l'activité sur la base aérienne. Les Britanniques étaient là. Les Norvégiens, les Allemands et les Français aussi. Tous sont allés chercher leurs collaborateurs à l'ambassade. Selon l'ambassade de France, il a été très difficile d'obtenir l'autorisation d'utiliser la base.

Christian Winter, Swiss Ambassador of Sudan, speaks during a press conference at the Bern-Belp Airport in Belp, Switzerland, Tuesday, April 25, 2023. Swiss nationals are flown out of the crisis area i ...
Christian Winterimage: keystone

Nous avons ensuite pris la direction de Djibouti. Pendant huit heures, nous avons patienté dans un hangar. Nous sommes arrivés le dimanche. Nous avons été accueillis à notre arrivée. Hier, nous avons passé une nuit dans un hôtel et nous étions très heureux de pouvoir rentrer au pays.

Ce matin, nous sommes bien arrivés à Belp.

«Mais ce qui nous pèse le plus, c'est ce qui arrive à nos collègues qui sont encore sur place»

Nous essayons de les soutenir du mieux que nous pouvons, avec les paiements de salaires que nous avons mis en place. Nous restons en contact avec eux. Nous ne pouvons qu'espérer que cette crise se résorbe le plus rapidement possible. Espérons le meilleur.»

(oee/Traduit et adapté par Anaïs Rey.)

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