Avec l'expansion du palmier de Chine ou palmier à chanvre (Trachycarpus fortunei) dans les forêts tessinoises aux abords des habitations, on se croirait presque sous les tropiques. Les palmiers, plantés dans les jardins au cours des 50 dernières années, se sont fortement multipliés. A tel point que pour les espèces végétales indigènes, ils sont devenus une menace. Des palmeraies entières se sont parfois formées dans les sous-bois. En hiver, lorsque les plantes indigènes perdent leurs feuilles, ces palmiers poursuivent leur activité de photosynthèse et de développement.
Mais qu'adviendrait-il du paysage tessinois sans ces fameux palmiers? Pour les experts, c'est un mal nécessaire. Car la propagation de cette espèce comporte des dangers. Premièrement, les palmiers à chanvre affaiblissent la fonction protectrice des forêts. Et comme de nombreuses feuilles sèches et mortes jonchent le sol sous les palmiers, les chercheurs estiment qu'un risque accru d'incendie de forêt est probable. C'est ce qu'écrit l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) dans une récente publication.
L'institut de recherches propose une méthode efficace pour éliminer cette espèce: les palmiers adultes doivent être abattus à la tronçonneuse, avec une coupe au ras du sol. Mais cela ne suffira pas pour limiter l'expansion, car les jeunes palmiers poussent à partir des cœurs de palmiers encore présents dans le sol.
Le canton du Tessin s'est rangé du côté de l'Institut. Pour les autorités, les propriétaires qui ne veulent pas recourir à la tronçonneuse devraient au moins éliminer les graines et les fruits de palmier pendant la période de floraison, ceci afin de stopper la propagation de cette plante invasive. Car en hiver, les oiseaux transportent les graines de palmier des jardins vers les forêts. Par ailleurs, les fruits coupés devraient être jetés à la poubelle, et non dans le compost.
Empoigner la tronçonneuse est plus facile à dire qu'à faire. «Car l'abattage et l'éradication des palmiers sont aussi un problème émotionnel», explique Boris Pezzatti, chercheur au WSL. Depuis des décennies, les palmiers sont le symbole de sud, de soleil, de chaleur. Un sondage du WSL montre d'ailleurs la popularité de cette plante:
En Italie, certaines régions comme le Piémont et la Lombardie interdisent la vente de cette plante. Une mesure qui a peu de chances d'être adoptée au Tessin, la Suisse n'ayant jamais eu recours à une interdiction totale. Il existe toutefois un accord avec Jardinsuisse, l'association des horticulteurs suisses, qui ne vend pas les palmiers de Chine. Mais tous ne s'y tiennent pas.
En raison du changement climatique, le problème pourrait bientôt toucher le versant nord des Alpes où toujours plus de palmiers de Chine peuvent être trouvés dans le paysage, notamment près des lacs ou sur les versants sud. Comme au Tessin, ils finissent par empiéter sur les plantes indigènes. En raison de la hausse des températures, le palmier à chanvre atteint des altitudes toujours plus élevées. Au Tessin, on le trouve désormais à 900 mètres.